N°3 / Insécurité urbaine et protection des mineurs en Afrique de l'Ouest

L'incrimination du mariage forcé

Ousmane Traoré, Docteur En Droit De L'université De Perpignan Via Domitia

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Note sur l’article : Cet article est extrait de la thèse de Ousmane Traore, intitulée Les infractions pénales en matière familiale : Approche comparative droits français et malien (dir. : Christophe Juhel), soutenue le 21 mai 2021 à l’Université de Perpignan Via Domitia.

 

Pour contracter un mariage, les rédacteurs du Code civil français ont voulu que les futurs époux remplissent une série de conditions et satisfassent diverses obligations. Les conjoints doivent, sauf dispense, avoir dépassé l’âge minimum de dix-huit ans révolus1. Or, sévissent des pratiques telles que les mariages forcés ou précoces qui s’accompagnent fréquemment de violences physiques et sexuelles et méconnaissent ouvertement le principe consensualiste. De tels agissements ne sauraient être ignorés par le droit pénal (II). Mais avant d’approfondir la dimension pénale du mariage forcé, il convient de déterminer en amont le statut juridique de la notion (I) afin de comprendre la nécessité de l’incrimination du mariage forcé et précoce.

 

 I. Le statut juridique du mariage forcé

Le mariage forcé ou le mariage contraint est une problématique relativement complexe. Ce phénomène s’inscrit dans le continuum de violences faites aux femmes2. Ainsi, le statut juridique du mariage forcé se dessine en droit positif de la communauté européenne par une démarche d’incrimination spécifique (A) et la lutte contre le mariage forcé, jugée nécessaire, entraîne la diversification des moyens d’action (B).

 

A. La spécificité de l’infraction

Le mariage forcé avilit, annihile, désespère, détruit, humilie, martyrise, rabaisse des millions de personnes, essentiellement des jeunes femmes mineures ou majeures à travers le monde. Il oblige les personnes concernées à une union sans un libre consentement3 en violation flagrante de la déclaration universelle des droits de l’homme4. Il est considéré comme une atteinte à la liberté individuelle. La difficulté de la lutte contre le mariage forcé se situe au niveau de l’enracinement profond de la pratique, dictée par des traditions culturelles et religieuses5 dans de nombreuses sociétés6. Malgré cette difficulté, l’incrimination de l’acte s’impose7. La convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe8 invite spécifiquement les États partie à prendre les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait de forcer intentionnellement un adulte ou un enfant à contracter un mariage ou de tromper ce dernier afin de l’amener sur le territoire d’une partie ou d’un État autre que celui où il réside avec l’intention de le forcer à contracter un mariage9.

Si l’article 37 de la convention d’Istanbul a le mérite de lutter contre les mariages forcés, cependant notons qu’il n’est pas exempt de critiques. On se pose la question de savoir pourquoi les rédacteurs de la convention ont cru judicieux de spécifier à deux reprises que les faits visés doivent être perpétrés de manière intentionnelle pour caractériser l’infraction pénale ? Le professeur Wilfrid Jeandidier estime, à cet effet qu’il s’agit là de redondances dans la mesure où « l’intention est postulée bien dans l’action de forcer que dans l’action de tromper »10.

Le terme « forcer » implique, suivant le rapport explicatif de la convention, le recours à la domination physique et psychologique en employant la contrainte ou la coercition. Toutefois, lorsque la démonstration du défaut de consentement des époux n’est pas rapportée, la demande de nullité du mariage peut être rejetée11. L’emploi de la force se traduit par l’absence de consentement d’au moins de l’une des deux parties au mariage. Cette absence de consentement constitue un élément déterminant pour la constitution de l’infraction sans qu’il soit nécessaire que le mariage projeté soit contracté. En effet, la convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage12 et l’enregistrement des mariages13, la convention sur l’élimination de toutes les formes de la discrimination à l’égard des femmes14 et celle relative aux droits de l’enfant15, demandent aux gouvernements d’assurer l’égalité des hommes et des femmes quant au droit de contracter librement un mariage et exigent également l’interdiction du mariage des enfants et le respect du meilleur intérêt des enfants16. Dès lors le mariage non consenti doit être écarté.

La tromperie désigne une conduite intentionnelle de l’auteur de l’infraction à l’effet d’inciter la victime à se rendre dans un pays étranger et d’y contracter un mariage17. Si la consécration du mariage forcé en tant qu’infraction est salutaire, il faut cependant rappeler que son incrimination est réalisée dans une convention destinée à lutter contre les violences faites aux femmes et au regard d’un objectif égalitaire entre les hommes et les femmes. L’établissement d’un lien automatique avec les violences de genre exclut naturellement les victimes de sexe masculin alors même que celles-ci sont également visées par la pratique du mariage forcé18. Il est donc plus profitable de traiter la question du mariage forcé dans un cadre global prenant en compte la protection du consentement des parties au mariage plutôt que de se préoccuper uniquement de la protection de la femme19 en ignorant les cas des milliers de jeunes garçons contraints au mariage forcé.

C’est dans cette optique que le Canada a mis en place une coalition, appelée Network of Agencies Against Forced Marriages qui compte environ quatre-vingts membres servant désormais de référence pour l’UNICEF comme moyen technique pour inciter les adolescents des deux sexes à encourager le changement à l’échelle locale. En effet, après un test mené en Ouganda par l’UNICEF, plusieurs réponses ont indiqué que la sensibilisation aux effets préjudiciables des mariages d’enfants, mariages précoces et mariages forcés y compris parmi les hommes et les jeunes garçons, contribue efficacement à lutter contre ces pratiques.

Le mariage forcé20 rend la vie tellement infernale pour certaines jeunes filles ou pour certains jeunes garçons21, qu’ils finissent par abandonner22 leur propre famille ou continuent de subir leur souffrance, car leurs parents usent de toute une gamme de pressions allant du chantage affectif à la menace de mort pour atteindre leur objectif23. Un exemple figure dans le rapport sur la pratique des mariages forcés au Canada, présenté au ministère de la Justice canadienne en novembre 2008. Il s’agit d’une jeune fille d’origine antillaise de 17 ans, tombée amoureuse d’un garçon du même âge environ et avec lequel elle entretient une relation. Les parents de la jeune fille ont une situation financière et un niveau socio-économique plus élevés que les parents du jeune homme. Ne voyant pas cette relation d’un bon œil, les parents de la jeune fille ont exigé de cette dernière de rompre avec son petit ami et ils lui ont présenté un jeune homme issu d’un groupe majoritaire. La jeune fille, après plusieurs tentatives pour convaincre ses parents d’accepter son amoureux, ces derniers ont catégoriquement refusé le choix de leur fille qui a finalement usé d’un dernier recours : celui de tomber enceinte et quitter le domicile familial. Elle s’est, par la suite, adressée à un centre de jeunesse qui l’a placée dans une famille d’accueil.

En droit pénal français, les individus qui usent de la contrainte pour parvenir à une union peuvent être recherchés sous les incriminations de menaces sous condition24, d’extorsion de signatures25, de violences volontaires26, voire de viol27. La situation présente un véritable danger pour les conditions de vie et d’éducation pour les mineurs au sens de l’article 375 du Code civil français lorsque la contrainte émane du milieu familial. Ainsi, le ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, la ministre de la Parité et de l’Égalité professionnelle, les différents ministères concernés et les associations ont conjugué leurs efforts pour mettre en place en juin 2004 un groupe interministériel pour réfléchir et proposer des mesures concrètes sur les problématiques de l’insertion des femmes immigrées ou issues de l’immigration au nombre desquels figure la prévention contre des mariages forcés.

En effet, la lutte contre le mariage forcé s’est enrichie en août 201328 avec l’insertion dans le Code pénal français d’un nouvel article 222-14-4 qui incrimine spécifiquement le mariage forcé29. Cet article punit de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende « le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger, d’user à son égard de manœuvres dolosives afin de la déterminer à quitter le territoire de la République ». Des poursuites judiciaires ne sauraient être écartées au prétexte que le mariage forcé a été célébré. Par ailleurs, il convient de rappeler que les poursuites judiciaires en matière de mariage forcé, de mariage d’enfants voire de mariage blanc30 sont très rares en France31. Une interrogation de Juris-Data sur les décisions des Cours d’appel et de la Cour de cassation couvrant les années 1989-2005 ne relève, en effet, qu’une douzaine de décisions concernant des demandes en nullités du mariage pour des raisons de menaces, de pressions, de violences exercées par l’entourage et ayant conditionné le consentement au mariage. Parmi toutes ces décisions une seule émane de la Cour de cassation32.

En Afrique, plusieurs mécanismes et institutions ont reconnu les effets néfastes des mariages forcés et des mariages d’enfants et ont procédé à l’adoption de mesures visant à combattre ce fléau33. Ainsi, l’Union africaine a, comme l’Union européenne, renforcé sa campagne de sensibilisation en mai 2014 et a lancé un appel fort aux États pour adopter des mesures judiciaires, économiques et sociales dans le but de lutter contre les mariages forcés et les mariages d’enfants34. Certains justifient ces pratiques comme étant une norme sociale acceptée et parce qu’elles présenteraient des avantages sociaux et financiers35. Pourtant ces genres de mariages ne présentent réellement aucun avantage pour les jeunes filles qui se trouvent de plus en plus exposées à la violence familiale. De surcroît, ces jeunes filles risquent de ne plus être scolarisées ou d’avoir des enfants sans y être prêtes d’un point de vue physiologique36.

Face à ce constat douloureux, le Mali qui a fait le pari de construire une société démocratique37, a adopté en 201738 un avant-projet de loi portant prévention, répression et prise en charge des violences basées sur le genre puisque ¾ de toutes les femmes sont mariées avant d’avoir dix-huit39. L’article 7 de cet avant-projet définit le mariage forcé comme « l’union entre un homme et une femme, célébrée par un officier d’état civil ou une autorité religieuse ou traditionnelle habilitée par la religion ou par la coutume, dont l’un au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage ». Le même article définit le mariage d’enfant comme « l’union entre un homme et une femme, célébrée par un Officier d’état civil ou une autorité religieuse ou traditionnelle habilitée par la religion ou par la coutume, dont l’un au moins est âgé de moins de dix-huit ans »40. Il assimile au mariage d’enfant toute union non officialisée impliquant au moins une personne âgée de moins de dix-huit ans.

Nous pouvons donc affirmer que le droit malien est encore en phase de construction des règles juridiques pour lutter contre les mariages forcés, les mariages d’enfants et les mariages précoces contrairement à la législation pénale française qui, pour honorer ses engagements communautaires et internationaux, a créé une loi pénale41 incriminant ces pratiques qui sont manifestement préjudiciables à l’enfant et aux majeurs qui en sont victimes. Les mariages forcés sont ancrés dans les coutumes et dans les traditions africaines. C’est ce qui explique la lenteur de leur incrimination42. En effet, le droit sénégalais par exemple, ne sanctionne pas pénalement le défaut de consentement de la personne mariée par la force, mais punit plutôt l’officier d’état civil qui ne s’assure pas du consentement « des pères, mères et autres personnes »43 de l’enfant marié. Le juge pénal sénégalais ne sanctionne le mariage d’enfant que lorsque la mariée a moins de treize ans44 et le juge civil sanctionne une telle union par l’annulation du mariage.

La lutte contre les mariages forcés et les mariages précoces est une problématique complexe. Elle ne devient effective que lorsque chaque acteur, chaque organe concerné s’implique avec toute son énergie. Ainsi, plusieurs stratégies juridiques ont été mises en place pour gagner ce pari.

 

B. La diversification des moyens d’action de la lutte contre le mariage forcé

L’instrument juridique international le plus important dans la lutte contre les mariages forcés et les mariages précoces est donc la convention d’Istanbul45, signée en 2011 et ratifiée par la France le 1er novembre 2014. Cette convention prévoit un ensemble de sanctions contre les violences faites aux femmes regroupant des aspects liés à l’intensité des mesures46, aux circonstances aggravantes47, aux condamnations dans un autre État partie à la Convention48 ou à l’interdiction des modes alternatifs de résolution des conflits ou des condamnations obligatoires49.

La consécration de ce dispositif général n’exclut pas la codification de mesures propres pour les mariages forcés50. Le Conseil de l’Europe inscrit son action privilégiée de lutte contre les mariages forcés parmi les mesures qu’il a prises pour assurer l’égalité homme-femme. Parmi ces mesures, on retrouve la « Stratégie pour l’égalité des genres 2018-2023 »51 et aussi le « Guide de bonnes et prometteuses pratiques visant à prévenir et à combattre les mutilations génitales féminines et les mariages forcés » adopté en 2017.

Il est vrai que les mariages forcés concernent les deux sexes, mais force est de constater que les violences de genre demeurent le noyau d’ancrage de leur pratique. Un changement de paradigme semble s’opérer progressivement, par son appréhension dans une perspective transversale des actions du Conseil de l’Europe dépassant ainsi la seule dimension de l’égalité homme-femme. Cela a entraîné la mise en place de formes supplémentaires de lutte contre cette pratique.

D’abord, les victimes de mariage forcé sont protégées dans le cadre de la politique d’immigration car la pratique des mariages forcés constitue une violence caractérisée très généralement commise contre les femmes issues de l’immigration52. Ainsi, la convention d’Istanbul53 souligne l’importance de qualifier le mariage forcé comme une forme de préjudice grave et de persécution au sens de la convention de Genève portant statut de réfugiés de 195154 afin d’ouvrir le droit à une protection subsidiaire. Le Conseil de l’Europe associe le mariage forcé à la dimension des droits de migrants55. La commission des questions sociales, de la santé et de la famille avait proposé que le lien interstitiel avec d’autres sphères d’action soit davantage valorisé. Malheureusement cette proposition a été ignorée lors des travaux préparatoires de la résolution 146856.

Le plan d’action sur l’inclusion des Roms 2016-2019 et les rapports pour la protection de ces derniers et des gens du voyage, recommandent une prise en charge prioritaire du mariage forcé57 et incitent à l’accroissement de l’information et du soutien des femmes et des filles car, selon un stéréotype répandu, la femme rom occupe une position inférieure à celle de l’homme dans les familles traditionnelles à domination masculine58. Selon les mythes de cette société, la femme ne devient responsable que lorsqu’elle devient mère. Quand la femme vieillit, elle devient une véritable autorité car elle est libérée de toute impureté liée à la vie sexuelle et à la procréation. On considère ainsi qu’elle a des pouvoirs magiques secrets lui permettant de voir l’avenir59.

Dans sa résolution 2253 du 21 décembre 2015, le Conseil de sécurité des Nations unies a exprimé son indignation face aux actes de viol, de violence sexuelle, de mariage forcé et la réduction en esclavage60. Le mariage forcé est également considéré, selon le secrétaire général des Nations unies, comme la traite des êtres humains61 ou une forme analogue d’esclavage inclusive62. En effet, la convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage63, prévoit l’abolition complète de toute institution ou pratique qui s’apparente à un mariage forcé. Elle ordonne que « Les États s’engagent à fixer […] des âges minimums appropriés pour le mariage, à encourager le recours à une procédure qui permette à l’un et l’autre des futurs époux d’exprimer librement leur consentement au mariage en présence d’une autorité civile ou religieuse compétente et à encourager l’enregistrement des mariages ».

Comme nous l’avons déjà indiqué, le mariage forcé n’est pas encore érigé en infraction pénale au Mali comme il l’est en France. En revanche, des actions dites d’« interventions à haut impact pour lutter contre les mariages forcés et grossesses précoces en Afrique de l’Ouest francophone »64 ont été menées par le Bureau régional du Fonds des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre en septembre 2017. En effet, l’Unicef et l’UNFPA65 ont conjugué leurs efforts pour lancer un programme conjoint visant à mettre un terme à ces pratiques dans douze pays dont le Mali. Il ressort de ce programme cinq stratégies pour lutter efficacement contre les mariages précoces et les mariages forcés. Il s’agit de l’éducation et de la mobilisation des parents, de l’apport de soutien économique aux femmes et filles victimes de ces pratiques négatives et leurs familles, de la facilitation et de l’amélioration de l’accès à une éducation de base de qualité, de la sensibilisation, de l’éducation et de la mobilisation des parents et, enfin, du renforcement des capacités des filles exposées aux mariages forcés et précoces. Ces propositions pourraient effectivement conférer aux jeunes filles une certaine autonomie dans leur décision et dans leur choix66.

L’analyse de l’OXFAM rejoint celle du Bureau régional du Fonds des Nations unies pour mieux concrétiser la lutte contre les mariages forcés et précoces. En ce sens, elle promeut une stratégie en quatre composantes. La première stratégie qu’elle propose est de « changer la conscience des hommes et des femmes, pour faire diminuer le taux d’acceptation individuellement des violences basées sur le genre » ; la deuxième est de « remettre en question les normes et les pratiques d’exclusion, pour moins d’acceptation de [violences basées sur le genre] dans les familles, les communautés et la société » ; la troisième proposition de l’OXFAM est d’ « influencer les institutions formelles, les lois et les politiques, pour que les organisations de la société civile exercent une influence réelle sur l’État pour le respect de la législation et la prestation de services responsables aux suivantes de VBG » et enfin, la quatrième et dernière stratégie est d’« augmenter l’accès des femmes aux ressources, pour augmenter le nombre de suivantes de VBG qui ont accès aux services dont elles ont besoin »67.

Au regard de toutes ces pertinentes propositions qui visent à promouvoir les droits de l’homme en général et les droits des femmes en particulier, il incombe désormais au législateur malien de réagir le plus vite possible pour concrétiser ces judicieuses propositions afin d’apporter une solution pénale efficace et dissuasive contre la pratique des mariages forcés et les mariages précoces qui se présentent comme de l’exploitation ou comme des abus sexuels68.

 

II. L’approche pénale du mariage forcé

Compte tenu des actes gravissimes qui accompagnent le mariage forcé, le droit pénal ne saurait l’ignorer. De ce fait, l’incrimination de cette pratique s’impose tant en droit pénal interne (A) qu’en droit pénal international (B).

 

A. L’appréhension du mariage forcé par le droit pénal interne

Il est à regretter que le mariage forcé ne soit pas incriminé à l’heure actuelle par le législateur pénal malien contrairement à son homologue français qui a heureusement consacré des dispositions pénales permettant d’incriminer la pratique de mariage forcé et les comportements assimilés. Les dispositions de l’article 227-4-2 du Code pénal français donne l’occasion de réprimer le mariage forcé. Ainsi, cet article vise à sanctionner pénalement toute personne qui ne respecterait pas les dispositions d’une ordonnance de protection délivrée au bénéfice d’une personne menacée de mariage forcé en application de l’article 515-13 du Code civil. Les dispositions de l’article 227-4-2 du Code pénal viennent donc assurer le respect de l’ordonnance de protection qui peut être prise par le juge civil dans le dessein de protéger une personne majeure menacée de mariage forcé69. Il est néanmoins notable que les sanctions prévues par l’article 227-4-2 du Code pénal relativement au mariage forcé sont dérisoires dans la mesure où l’auteur n’encourt que deux ans de prison seulement et 15 000 euros d’amende.

Avec la loi du 5 août 2013, le législateur français a durci la répression du mariage forcé en consacrant dans le Code pénal l’article 222-14-4 qui prévoit que « le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger, d’user à son égard de manœuvres dolosives afin de la déterminer à quitter le territoire de la République est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». Le renforcement de la sanction pénale contre l’auteur et l’incrimination spécifique du mariage forcé sont appréciables. Au-delà de cette peine principale, l’article 222-47 prévoit une peine complémentaire d’interdiction de séjour pour une durée de cinq ans ou plus. Ce texte a été introduit pour éviter la récidive. Il convient maintenant d’exposer les conditions d’application des dispositions de l’article 222-14-4 du Code pénal.

Que faut-il entendre par manœuvres dolosives d’un point de vue matériel pour justifier la répression pénale de mariage forcé ?

Les manœuvres dolosives sont tout procédé déloyal ou frauduleux visant à tromper la victime70 ou toute conduite permettant à l’auteur de l’infraction d’inciter la victime à se rendre à l’étranger, notamment en prétextant ou en fabriquant un motif comme la nécessité de rendre visite à un membre de la famille souffrant71. Partageant le même avis, le rapporteur du Sénat fait la même remarque et affirme que la notion de manœuvres dolosives « vise tout procédé n’entrant pas dans le champ de la contrainte physique ou morale tendant à vicier le consentement de l’intéressé »72. Les manœuvres dolosives apparaissent clairement ici comme synonyme de « tromperie ». Or, si le législateur employait les dispositions de l’article 37 de la convention d’Istanbul, cela suffisait pour réaliser l’élément matériel de l’infraction. Il est donc regrettable que le législateur ait cru bon de contourner l’expression utilisée par la convention d’Istanbul, en employant à mauvais escient le concept de manœuvres dolosives, comparable à celui de manœuvres frauduleuses caractéristiques de l’escroquerie et donc intrinsèquement plus étroit car, un simple mensonge à lui seul n’est pas une manœuvre frauduleuse ou dolosive73 du fait de l’interprétation stricte de la loi pénale. Il faut qu’il soit accompagné d’éléments matériels extérieurs destinés à l’accréditer74.

Sur un autre volet, logiquement l’élément matériel du délit de mariage forcé suppose qu’il ait un résultat. Ce résultat est dicté par l’article 222-14-4 du Code pénal « afin de déterminer [la victime] à quitter le territoire de la République ». L’article 37, 2° s’exprime différemment « afin de l’emmener sur le territoire d’une Partie ou d’un État autre que celui où [la victime] réside ». Les dispositions de l’article 37 de la convention supposent que la victime soit nécessairement accompagnée alors que celles du droit pénal interne sont plus larges parce que la manière du déplacement de la victime importe peu. La victime peut partir d’elle-même ou être accompagnée. Le rapprochement de ces deux infractions n’est pas anodin car elles nécessitent toutes les deux un résultat75 et le rapport causal est strictement identique dans les deux hypothèses. Rappelons aussi que l’étude d’impact figurant dans le dossier législatif de la loi du 5 août 2013 relativement à l’article 37, 2° de la convention d’Istanbul emploie d’ailleurs expressément le terme « escroquerie au mariage ». On ne peut qu’exprimer notre regret à propos de la rédaction maladroite de l’article 222-14-4 du Code pénal.

S’agissant de l’élément intentionnel, il convient de rappeler que tout délit correctionnel est en principe intentionnel76, sauf si la loi prévoit autrement. Il est évident que le délit de mariage forcé est une infraction intentionnelle. La constitution de l’élément moral du délit de l’article 222-14-4 du Code pénal nécessite à la fois un dol général et un dol spécial. Le dol général est postulé, en l’occurrence, par l’élément matériel qui est l’emploi de manœuvres dolosives destinées à tromper la victime avec une parfaite volonté délictueuse. Le mobile est indifférent et il importe donc peu que l’agent de ces manœuvres dolosives ait pris un engagement de longue date avec la famille du conjoint projeté pour sa fille ou que sa conduite soit dictée par des exigences religieuses financières77.

Pour ce qui est du dol spécial, celui-ci est explicitement érigé par le législateur en matière de mariage forcé. Le dol spécial vise un but précis poursuivi par l’auteur de l’infraction. Cet objectif précis est déjà défini par l’article 222-14-4 du Code pénal « dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger ». Telle est la volonté de l’agent. Là aussi nous signalons que le texte du droit pénal interne est plus global par rapport au texte du droit international dans la mesure où il fait référence à l’« union » qui prend en compte le mariage, alors que l’article 37 de la convention d’Istanbul emploie le terme « mariage » excluant pénalement les autres formes d’union.

Au titre de la répression, plusieurs peines complémentaires peuvent s’ajouter à la peine principale de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Pour s’en tenir à l’essentiel, on peut citer l’interdiction de quitter le territoire français pour une durée de cinq ans ou plus78. Le retrait partiel ou total de l’exercice de l’autorité parentale peut être prononcé à l’encontre des père ou mère par la juridiction de jugement en application de l’article 222-48-2 du Code pénal issu de la loi du 4 août 2014. La tentative du délit doit être spécifiquement prévue par le texte pénal pour qu’elle soit punie79. Comme l’article 222-14-4 du Code pénal n’en souffle mot et qu’aucun autre texte du chapitre où se situe cet article relatif à la tentative, on conclut que la tentative de mariage forcé est impunissable. Ce qui est profondément à regretter dans la mesure où, à titre d’exemple, le père de famille qui a réussi à convaincre sa fille par ses artifices de partir à l’étranger et a été interpellé par la police au moment de l’embarquement, ne sera pas sanctionné pour tentative de mariage forcé.

Le délit de mariage imposé est une infraction complexe. Le point de départ du délai de prescription de l’action publique commence à courir à compter du jour du dernier acte de commission de l’acte infractionnel. Dans la plupart des cas, les victimes de mariage forcé sont des enfants. On ne peut que regretter l’insuffisance du travail du législateur qui n’a pas eu le courage de fixer ce délai de prescription à compter de la majorité de la victime si cette dernière est une personne mineure. L’action civile peut, à cet effet, être exercée par tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction80 devant le tribunal correctionnel siégeant en sa formation collégiale.

La victime est en l’occurrence la première personne qui peut se prévaloir d’un préjudice personnel et direct de l’escroquerie au mariage piégé par l’auteur des manœuvres dolosives. Mais malheureusement celle-ci sera à l’étranger sous la garde de son conjoint imposé et de sa belle-famille, sauf si elle réussit à fuir et retourner en France. Les autres membres de la famille peuvent naturellement être admis à exercer l’action civile, sauf s’ils sont complices de l’auteur du délit étant précis qu’un arrêt rendu en matière de viol et d’agression sexuelle aggravée a admis la recevabilité de l’action civile de la sœur de la victime81. Les mêmes droits semblent envisageables au profit de l’ex-futur conjoint choisi par la victime mais non agréé par sa famille82. La logique de la recevabilité de cette dernière hypothèse réside dans le fait que le préjudice moral que subit l’ex-futur conjoint de la victime est indéniable.

Signalons qu’en se référant au principe de territorialité, « la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République »83. Mais ce principe souffre de certaines exceptions. Cependant, conformément à l’article 113-2-1 du Code pénal, l’infraction est réputée commise sur le territoire français lorsque l’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur le territoire de la République. Il en résulte donc que si l’infraction est perpétrée en partie en France alors les juridictions françaises seront compétentes, ce qui pourrait aisément s’appliquer en matière d’enlèvement ou de séquestration réalisée en France et qui se poursuit à l’étranger84. Il en est de même pour le mariage forcé et notamment lorsque l’emploi des manœuvres dolosives a été réalisé en France et qu’on emmène par la suite la victime à l’étranger pour la marier de force.

En clair, il existe deux types de règles permettant aux juridictions françaises d’apprécier leur compétence et appréhender des infractions commises à l’étranger. On retrouve d’une part, la compétence personnelle active qui se fonde sur la nationalité de l’auteur d’une infraction perpétrée à l’étranger permettant ainsi au juge français de juger un Français ayant commis une infraction à l’étranger85. D’autre part, on retrouve la compétence personnelle passive qui se fonde sur la nationalité de la victime d’une infraction commise à l’étranger permettant de donner compétence aux juridictions françaises pour juger l’infraction commise à l’encontre de la victime de nationalité française86. Ces titres de compétence extra-territoriaux ne peuvent être mis en application qu’en matière délictuelle et non en matière criminelle87. Il faut noter qu’il est aussi nécessaire que les comportements visés soient incriminés dans le pays de réalisation de l’infraction. Ces conditions sont facilement applicables en matière de mariage forcé qui fait partie non pas de la catégorie des infractions criminelles, mais plutôt de la catégorie des infractions délictuelles.

 

B. L’appréhension du mariage forcé par le droit pénal international

En droit pénal international, le mariage forcé est considéré comme la traite des êtres humains88. En ce sens, il apparaît comme une méthode de recrutement en vue de l’exploitation sexuelle des personnes qui en sont victimes et une forme d’exploitation inhérente au crime de traite des êtres humains89. En effet, la rapporteure spéciale des Nations unies explique à propos de la traite des personnes que « les personnes qui font l’objet de traite en vue d’un mariage forcé sont fréquemment victimes de mauvais traitements sur le plan physique, sexuel et psychologique » 90. Le département d’État américain affirme en 2006 qu’en Australie, le tiers des cas de traite91 sont liés à une situation de mariage forcé. Il en est de même pour les 113 personnes arrêtées à Chypre pour des situations de mariage forcé. Dans cette affaire, le juge local a considéré que les situations de mariage forcé sont de la traite des êtres humains. Le droit chypriote sanctionne la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle par une peine qui peut aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement92.

Sans être en mesure de fournir une liste exhaustive, la pratique du mariage forcé a été détectée un peu partout à travers le globe. En 2016, ont été découverts 65 cas potentiels de traite des êtres humains incluant le mariage forcé. Les autorités du Guatemala affirment que la servitude domestique donne souvent lieu à des situations de mariage forcé, particulièrement au sein de la communauté autochtone. Le phénomène est fortement présent en Inde où des millions de femmes et de filles sont exploitées sexuellement et les autorités locales soutiennent que le recrutement se produit essentiellement sur la base de fausses promesses d’emploi ou de mariage93.

Les deux infractions se rejoignent à plusieurs égards. D’une part, la répartition géographique des pays, c’est-à-dire les pays du marié et de la mariée sont très généralement différents. D’autre part, les modèles migratoires des femmes à travers le mariage forcé reflètent de près, les tendances de la traite des êtres humains et de l’esclavage. La juridiction judiciaire suprême française a, dans une décision remarquée, cassé un arrêt de la Cour d’appel qui avait refusé de retenir la qualification de traite des êtres humain à propos d’un cas de mariage forcé. Il s’agit d’une jeune fille de 13 ans qui avait été remise à titre onéreux par son père à une personne en vue d’un mariage avec le fils de cette dernière et de son utilisation dans des équipes de voleuses. Ainsi, le bénéficiaire de cette remise qui était poursuivi pour traite des êtres humains, avait été relaxé au motif que son comportement n’entrait pas dans les prévisions de l’incrimination qui ont pour but d’éradiquer le commerce des êtres humains et de lutter contre les comportements d’esclavagisme. Les juges du fond ajoutent que si l’aspect mercantile d’un mariage arrangé, même correspondant à une pratique culturelle, est choquant, il convient d’éviter de banaliser cette incrimination spécifique94. La chambre criminelle a rappelé dans son arrêt du 16 décembre 201595 que « la Cour d’appel n’avait pas justifié sa décision en ce sens qu’elle concluait que l’infraction n’était pas constituée alors qu’elle avait constaté que l’achat de la mineure par le prévenu avait pour finalité de la contraindre à commettre des vols.

Au regard des situations ci-dessus exposées, désormais il n’en demeure pas moins qu’un lien factuel existe entre les situations de mariage forcé et de traite des êtres humains. Au plan international, saisis de cette situation, les tribunaux internationaux créés à partir des années 1990 se sont prononcés sur cette question. Bien qu’aucun de ces tribunaux n’a le statut qui interdit expressément le mariage forcé, deux d’entre eux se sont penchés sur la question. Il s’agit du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens.

Le premier de ces tribunaux internationaux hybrides, c’est-à-dire le Tribunal spécial pour la Sierra Leone96 avait élaboré une jurisprudence à propos du crime de mariage forcé. Pendant le conflit qui a eu lieu au cours des années 1990, des filles et des femmes étaient enlevées, violées et contraintes d’épouser un rebelle97. Cette forme de mariage illégal était concrétisée sous la forme de servitude domestique et de la fourniture de services sexuels forcés pour le mari. Bien que le statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone ne contienne pas explicitement des dispositions pour sanctionner le mariage forcé, mais en raison de la fréquence de cette pratique néfaste, les procureurs ont jugé opportun de réagir. En effet, la première affaire concernant le mariage forcé a été celle du conseil révolutionnaire des forces armées. L’AFRC98 est un groupe rebelle qui a pris le contrôle de la Sierra Léone entre 1997 et 1998.

Le procureur a tenté de situer les responsabilités et de faire reconnaître les accusés coupables d’esclavage sexuel et d’autres crimes inhumains, cruels et dégradants y compris le mariage forcé. Les deux premiers chefs d’accusation ont été rejetés par la chambre de première instance au motif que l’esclavage sexuel était trop imprécis et ne permet pas de respecter les droits de la défense. Pour le second, elle soutient qu’il semble redondant avec le chef d’esclavage sexuel. Cependant, vu qu’il y a eu des témoignages des femmes dites de « bush wifes », la chambre de première instance a retenu les chefs d’accusation de crime contre l’humanité comme dans l’affaire Jean Paul Akayesu puisque dans les deux cas, il y a eu de « l’intimidation, la dégradation, l’humiliation, la discrimination, la punition, le contrôle ou la destruction de la personne »99. La chambre estime que la torture est une atteinte à la dignité en droit international et que les preuves d’esclavage sexuel permettent donc de constater la culpabilité des personnes poursuivies en vertu de ce chef d’accusation.

Pour s’en tenir à l’essentiel dans cette affaire, la chambre de première instance a reconnu l’intention des accusés qui, selon elle, n’était pas de faire de ces femmes des esclaves sexuelles, mais plutôt des épouses100. À cet effet, elle conclut que le crime de mariage forcé allégué n’avait pas pour principal élément constitutif la relation sexuelle. Quant à la chambre d’appel, celle-ci met l’accent sur l’importance des tâches ménagères et sur le fait que les victimes étaient contraintes de faire la cuisine. Elle considère ainsi qu’il ne s’agit pas de crime de prédominance sexuelle nonobstant que les victimes étaient régulièrement battues, violées et soumises au travail forcé de toute sorte. Malgré cette reconnaissance de crimes inhumains, illustrés par le mariage forcé par la chambre d’appel, elle refuse de condamner les accusés pour mariage forcé101. Les faits ont été retenus et ont permis la condamnation des accusés au chef des crime de guerre et la chambre d’appel n’a pas jugé utile de prononcer une autre condamnation pour les mêmes faits sur le chef d’accusation de crime contre l’humanité.

Dans une affaire similaire dite « affaire front révolutionnaire uni » qui était également un groupe armé très actif pendant le conflit armé des années 1990 en Sierra Leone. Dans cette affaire, la chambre de première instance du Tribunal spécial de Sierra Leone a confirmé l’arrêt rendu par la chambre d’appel dans l’affaire AFRC ci-dessus exposée. Elle affirme que la preuve d’esclavage sexuel est établie lorsqu’il est démontré que les accusés ont exercé les attributs du droit de propriété à l’encontre des victimes notamment par le contrôle des mouvements et l’engagement contraint à des actes de nature sexuelle, alors que la preuve du mariage forcé réside dans la démonstration du pouvoir de l’agresseur sur la victime en utilisant le mot « épouse » et en accomplissant des actes de nature sexuelle et de tâches domestiques102. Cette affaire a donc permis à la Chambre de première instance de reconnaître et de retenir les deux chefs d’accusation103.

Au regard de ces affaires, il est permis de conclure que le mariage forcé se distingue de l’esclavage sexuel dans la mesure où le mariage forcé n’a pas uniquement pour but l’accomplissement des relations sexuelles, il prive aussi la victime de sa liberté par l’utilisation de force, de menace pour qu’elle devienne la partenaire conjugale de l’auteur de l’acte infractionnel. La qualification des crimes vécus par les victimes dans l’affaire « Front Révolutionnaire Uni »104 va donc, au-delà de mariage forcé qui n’est qu’une forme d’esclavage sexuel. On retrouve cette justification dans la décision de la Chambre de première instance du TSSL qui précise que « la référence au mariage n’était pas pertinente pour décrire les crimes vécus par les victimes. Par conséquent, il n’y a pas lieu de parler à nouveau de crime de droit international puisqu’il s’agit bien d’esclavage sexuel ».

Comme dans les affaires précitées relatives au mariage forcé et traitées par le Tribunal spécial sierra-léonais, l’occasion a été également offerte aux chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens dans l’affaire Chea105 de se prononcer sur la question de mariage forcé. Dans cette espèce, l’acte d’accusation mentionnait le crime contre l’humanité matérialisé par le mariage forcé à l’image des affaires sierra-léonaises. En effet, l’accusation reposait sur un nombre important de mariages forcés réalisés sous le régime de Khmers rouges106. Ces mariages étaient réalisés en groupe et par la force sans le consentement des parents et sans le respect des rites traditionnels107. Ces mariages avaient pour seul but les procréations forcées. En 2012 dans le souci d’accélérer les procédures, les procureurs ont décidé d’abandonner les charges liées aux mariages forcés. Mais, le jugeant utile, la chambre de première instance a décidé de revenir sur les cas de mariages forcés et sur les autres formes d’agressions sexuelles au motif que ces infractions font partie des accusations portées lors de la seconde partie du procès108.

À cet effet, le procureur international a déposé dans la foulée une requête afin de permettre l’ouverture d’une information judiciaire pour enquêter sur les situations de violences sexuelles dont le mariage forcé. À l’issue de ces enquêtes et investigations, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens se sont prononcées le 16 novembre 2018109 sur la deuxième partie du procès et ont condamné les Khmers rouges pour avoir mis en œuvre une politique nationale de réglementation de mariages forcés pour accroitre la population cambodgienne. Elles concluent que des crimes contre l’humanité ont été commis sous la forme de mariages forcés et de viol110.

 

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Il résulte de l’évolution de l’appréhension de mariage forcé par les instances juridictionnelles internationales que le mariage forcé s’est progressivement inscrit parmi les composantes de crime international. On peut espérer que la pratique du mariage forcé soit érigée en infraction autonome par le législateur international en s’inspirant de la récente décision jurisprudentielle rendue par les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens afin de rendre la répression plus facile.

Au-delà de la réalité de l’existence de la pratique de mariage forcé à travers le monde, il n’en demeure pas moins qu’il est de plus en plus saisi par le droit pénal tant sur le plan interne que sur le plan international. Ainsi, si la répression de mariage célébré sans le consentement des mariés est récente, l’incrimination de l’abandon de famille ne date pas d’aujourd’hui. Le mariage forcé comme l’abandon de famille, portent tous les deux de graves atteintes à l’intégrité physique et psychique de l’enfant de la même manière que les mutilations génitales féminines ou masculines.

1 Article 144 du Code civil français. Auparavant, la situation était différente entre le futur marié et la future mariée. L’âge requis pour la femme était fixé à 18 ans pour l’homme et 15 ans pour la femme. V. P. Monzein, Le mariage dans ses rapports avec le droit pénal, th., Caen, 1941, 170 p., p. 8.

2 C. Morbois, « Mariage forcé : Quelle prévention, quels remèdes ? », C. Kammermann (dir.), Mariages forcés, crimes dits d’honneur, Documents du Sénat, 8 mars 2010, 139 p., disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r09-408/r09-4085.html#fnref1, consulté le 5 janvier 2020.

3 Même dans la conception romaine le consentement était considéré comme un acte fondateur du mariage.

4 Article 16 2° de la déclaration universelle des droits de l’homme qui prévoit que « le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux ».

5 Conseil général de l’Isère, Mariages forcés, Mariages arrangés, Dites non !, Analyse et guide juridique, 31 p. p. 7. Madame Adole Ankrab, directrice du Réseau de femmes inter-associations et inter-service migrants affirme que « Ces pratiques ne sont pas liées à l’islam, mais à des coutumes traditionnelles que les familles font perdurer ».

6 V. Ndior, Les mariages forcés et le droit, Institut Universitaire Varenne, 2018, 232 p., p. 7.

7 Le Sénat français semble hostile à la pratique des mariages forcés, précoces et les mutilations génitales féminines. V. Journal Officiel du 15 mars 2019. Selon le Sénat, « le mariage précoce fait une victime de moins de 15 ans toutes les 7 secondes dans le monde et que toutes les 15 secondes, une fillette ou une jeune femme subit une mutilation sexuelle ». Il en ajoute dans le même sens que « le mariage précoce et forcé ainsi que les mutilations génitales féminines s’inscrivent dans un ensemble traumatique qui comprend tout le spectre des violences faites aux femmes, a fortiori pour les femmes confrontées aujourd’hui aux dangers des parcours migratoires ». V. proposition de résolution n° 302 (2018-2019), Discussion et adoption le 14 mars 2019- TA n°80 (2018-2019).

8 La convention d’Istanbul apparaît comme le premier instrument de droit contraignant qui vise à protéger les femmes et les filles contre les différentes formes de violences à leur égard. Elle a été adoptée par le Conseil des ministres le 7 avril 2011.

9 Article 37 de la convention d’Istanbul, appelée aussi la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

10 W. Jeandidier, « Articles 222-7 à 222-16-3- Fasc. 16 : Manœuvres afin de déterminer une personne à quitter le territoire de la République dans le but de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger (art. 222-14-4) », Lexis 360, 15 novembre 2015, fasc. 16.

11 C.A., Paris, 13 juin 1997, JCP. G., 1998, I, 151, n°1, obs. Farge ; C.A., Douai, 17 janvier 2000, Dr., Fam., 2000, n° 124, 3ème arrêt, obs. Lécure ; C.A., Paris, 31 mai 2001, Juris-Data, n° 2001-149830. À l’occasion d’un mariage célébré en Corse, le mari faisait valoir qu’il avait cédé du fait de menaces et demandait à cet effet l’annulation du mariage. Les juges ont en l’espèce, décidé qu’il ne « résultait pas suffisamment des documents que le consentement du mari avait été extorqué par la violence et soit annulé ».

12 L’expression « mariage précoce ou mariage d’enfant » peut aussi renvoyer à un mariage dans lequel les deux époux ont 18 ans voire plus, mais que d’autres facteurs font qu’ils ne sont pas prêts à consentir au mariage. Il peut par exemple s’agir de leur niveau de développement physique, émotionnel, sexuel, psychologique ou même la manque d’informations sur le choix qui s’offre à eux pour construire leur vie. V. de Silva & R. de Alwis, « Child marriage and the law », Legislative Reform Initiative Paper (Unicef), New York, janvier 2008, 69 p., p. 37.

13 Il s’agit de la convention du 7 novembre 1962, 986 RTNU 393 entrée en vigueur le 9 décembre 1964.

14 Il s’agit de la convention du 18 décembre 1979, 1249 RTNU 13, dans son article 16.

15 Convention du 20 novembre 1989, 1577 RTNU 3, entrée en vigueur le 2 septembre 1990 relative aux droits de l’enfant.

16 K. Plouffe, « Mariage forcé : entre esclavage et traite des êtres humains », v. Ndior (dir.), op. cit. p. 132.

17 Rapport explicatif de la convention d’Istanbul, p. 137.

18 O. A. Macovei, « L’action du Conseil de l’Europe en matière de mariage forcé », v. Ndior (dir.), op. cit. p. 186.

19 En optant pour une protection plus générale des deux sexes, on protège la femme. En revanche, en protégeant uniquement les femmes et les jeunes filles victimes de mariage forcé, on laisse plusieurs personnes notamment des jeunes garçons, victimes de mariage forcé.

20 Un auteur affirme que 39 000 filles sont mariées avant d’avoir l’âge de la majorité et plus d’un tiers ont âgées de moins de 15 ans. M. Lamarche, « L’universalisme au service de la protection contre les mariages forcés », Lexis360, janvier 2019, n° 1. 

21 L’association voix de femmes indique que les pressions exercées par la famille, obligent filles et garçons à se marier contre leur gré et à perdre le contrôle de leur sexualité. Ces mariages forcés portent, en conséquence, atteinte à l’intégrité physique et psychologique des victimes, exposées aux risques de violences sexuelles en particulier lors de la nuit de noces qui implique souvent leur première sexualité et de viols à répétition pendant toute la durée de leur vie commune supprimant ainsi leur liberté de choix. V. JO Sénat, du 7 avril 2016, « Mariages forcés », Rev. Crit., DIP. 2016. 576.

22 V. l’affaire de Mlle AK, une jeune fille de 20 ans de nationalité malienne qui est victime de son père marabout qui fait croire à sa fille que si elle se marie avec son cousin plus âgé qu’elle, ce serait une chance inestimable pour elle. La jeune fille a fini par fuir avec sa grand-mère maternelle. La commission des recours des réfugiés (CRR) a considéré qu’en « raison de son attitude perçue comme transgressive des lois et coutumes en vigueur pour une partie importante de sa communauté, comme étant exposée à des risques de persécution au sens de l’article 1er , A, 2 de la convention de Genève » et en conséquence, la qualité de réfugiée a été reconnue à la requérante. V. à ce sujet, la décision de la commission des recours des réfugiés sur les persécutions féminines du 28 septembre 2005, Melle. AK, n°526802/ CG51/Groupe social/Mali.

23 N. Bendris, « Rapport sur la pratique des mariages forcés au Canada : entrevues avec des intervenant (e) s de première ligne », Ministère de la justice Canada, Montréal et Toronto, novembre 2008, 50 p., p. 21.

24 Article 222-18 alinéa 1er du Code pénal français définit le délit de menace sous condition comme « la menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes ».

25 Article 312-1 du Code pénal : l’extorsion est définie par cet article comme « le fait d’obtenir par violence, menaces de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeur ou d’un bien quelconque ».

26 Article 222-13 du Code pénal.

27 Article 222-23 du Code pénal.

28 La loi n°2013-711 du 15 août 2013.

29 W. Jeandidier, op. cit. fasc. 16.

30 La loi française permet à un étranger d’obtenir la nationalité française en se mariant avec une personne de nationalité française par simple déclaration à l’issue d’une durée de quatre ans. Ce délai était de deux ans avant la loi du 24 juillet 2006. Mais quatre conditions sont requises pour avoir la nationalité française : il faut qu’il y ait la communauté de vie affective et matérielle ; le requérant doit avoir la connaissance de la langue française ; il doit être en situation régulière et ne doit pas avoir fait l’objet d’arrêté d’expulsion ou d’une interdiction de séjour sur le territoire français ou de condamnation à une peine de prison ferme d’au moins six mois.

31 V. Larribeau-Terneyre, « La pratique des mariages forcés relevée par la jurisprudence », Lexis 360, Droit de la famille n°1, janvier 2006, comm. 1.

32 Civ., 1ère, 2 décembre 1997, n°96-12. 324, Juris-Data n°00-5067.

33 V. Rapport sur, « Le mariage d’enfants en Afrique », Centre of Human Rights, University of Pretoria, 2018, 88 p., p. 10.

34 Ibid. p. 10.

35 Unicef, « Au Mali, le mariage peut être une sentence de mort pour de nombreuses jeunes filles » Sowc 09-Mali, 2009, 2 p., p. 1.

36 Ibid. p. 1.

37 Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Politique Nationale Genre, op. cit. p. 11.

38 Cet avant-projet de loi a été adopté le 12 juillet 2017.

39 Unicef, op. cit. p. 1.

40 Article 7, b de l’avant-projet de loi portant prévention, répression et prise en charge de violences basées sur le genre.

41 Article 222-14-4 du Code pénal français issu de la loi n° 2013 du 5 août 2013.

42 V. À ce titre le Rapport du département d’État américain, Human Rights Report for 2015, Dakar, 2015, 26 p.

43 Office français de protection des réfugiés et apatrides, « Les mariages forcés au Sénégal », Division de l’Information, de la Documentation et des Recherches, septembre 2016, 17 p., p. 5. Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/2._didr_senegal_les_mariages_forces_ofpra_29092016.pdf, consulté le 12 janvier 2020.

44 Article 300 du Code pénal du Sénégal.

45 Pourtant cet instrument juridique international est très peu connu par bon nombre de personnes malgré toute l’importance qu’il présente. V. C. Collin, « La lutte contre les violences faites aux femmes est insuffisante au regard de la convention d’Istanbul », D. 12 décembre 2019.

46 L’article 45 de la convention d’Istanbul prescrit que les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, au regard de leur gravité.

47 Article 46 de la convention d’Istanbul.

48 Article 47 de la convention d’Istanbul.

49 Article 48 de la convention d’Istanbul.

50 O. A. Macovei, op. cit. p. 188.

51 La Stratégie pour l’égalité entre les hommes et les femmes pour la période 2018-2023 se situe dans la continuité des efforts entrepris dans la Stratégie 2014-2017.

52 M. Lobé Labas, « La prévention et la répression des violences commises au sein du couple ou contre les mineurs », Gaz., Pal., juillet 2006, n° 139.

53 Article 60 de la convention d’Istanbul.

54 Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés entrée en vigueur en date du 22 avril 1954.

55 V. déclaration GRETA du 28 juillet 2017, journée mondiale de la dignité des victimes de la traite.

56 Proposition de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille du 21 septembre 2005, paragraphe 3.

57 Le plan d’action adopté par le comité des ministres du Conseil de l’Europe le 2 mars 2016.

58 Conseil de l’Europe, « Le mariage d’enfants : mariage précoce et les mariages forcés au sein des communautés roms dans le cadre de la promotion de l’égalité des genres », Rapport thématique du Comité d’experts ad hoc sur les questions relatives aux roms et aux gens du voyage, Roumanie, 27-29 avril 2015, 72 p., p. 17. Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://rm.coe.int/native/168070491e, consulté le 15 janvier 2020.

59 Ibid., p. 17.

60 Conseil de sécurité, « Menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme », Résolution 2253 (2015), S/RES/2253 (2015), 21 décembre 2015.

61 Secrétaire général des Nations unies, Secretary-General’s remarks at Ministerial Open Debate on Trafficking in Person in Conflict Situations : Forced labour, slavery and other similar practices, 15 mars 2017.

62 K. Pouffe-Malette, « Mariage forcé : entre esclavage et traite des êtres humains », (dir. V. Ndior), op., cit. p. 133.

63 Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage, a été adoptée le 30 avril 1956 et entrée en vigueur le 30 avril 1956.

64 Bureau régional du Fonds des Nations unies pour la population de l’Ouest et du Centre « Les interventions à haut impact pour lutter contre les mariages et grossesses précoces en Afrique de l’Ouest francophone », Unicef, septembre 2017, 2 p.

65 Union nationale des footballeurs professionnels.

66 Walidaf, Lutter contre les mariages précoces par l’autonomisation des filles au Mali, Université des lettre et des sciences humaines de Bamako, 91 p., p. 53.

67 Centre national de documentation et d’information sur la femme et l’enfant, « Mise en œuvre de l’outil de collecte de données : Résultats de la collecte des données sur les violences faites aux femmes dans le District de Bamako et quelques localités environnantes », 37 p., p. 31. Disponible en ligne à l’adresse suivante : http://mpfef.gouv.ml/wp-content/uploads/2018/09/Rapport-Violences-Faites-aux-Femmes.pdf, consulté le 18 janvier 2020.

68 Série de Traités du Conseil de l’Europe, n° 197, entrée en vigueur en 2008.

69 P. Cazalbou, « Les sanctions pénales des mariages forcés », (dir. V. Ndior), Les mariages forcés et le droit, op. cit., p. 224.

70 W. Jeandidier, op. cit. fasc., n° 16.

71 Assemblée nationale, « Projet de loi portant diverses dispositions dans le domaine de la justice en application du droit de l’union européenne et des engagements internationaux de la France », Étude d’impact, 20 février 2013, présenté au nom du premier ministre M. Jean-Marc Ayrault, par Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la Justice, 80 p., p. 30. Disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl0736.pdf, Consulté le 22 janvier 2020., il faut rappeler que le concept de manœuvres dolosives est bien connu en droit pénal interne français. Il figure dans les articles 225-4-2 relatifs à la traite des êtres humains, 225-7, 8° relatif au proxénétisme, 225-12-6 relatif à l’exploitation de la mendicité et 225-12-6, 6° relatif à l’exploitation de la vente à la sauvette.

72 W. Jeandidier, op. cit. fasc., n° 16.

73 Cour d’appel, Rennes 16 février 1996, n° 96/00344-CRJO n°80177. Dans cet arrêt, la Cour rappelle que « De simples mensonges écrits ne sont pas constitutifs de manœuvres frauduleuses nécessaires à la constitution du délit d’escroquerie ». V. également J.-Y. Chevallier et P. Naut, « Chronique de droit pénal et procédure pénale », Revue Juridique De l’Ouest, 1997, I, p. 56. Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.persee.fr/doc/juro_0990-1027_1997_num_10_1_2368,

consulté le 22 janvier 2020.

74 C. André, op. cit., p. 261.

75 Le mariage forcé comme le délit d’escroquerie exigent tous les deux un résultat, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une infraction de résultat et non de moyens. La députée rapporteure M. Karamanli, Rapp., AN., n° 840, paragraphe 144. voit dans les résultats du mariage forcé par des manœuvres dolosives un dol spécial.

76 Article 121-3 du Code pénal.

77 E. Rude-Antoine, Mariage libre : mariage forcé ?, Presses universitaires de France, Paris, 2011, 221 p., p. 5. Cet auteur affirme que le mariage forcé « touche principalement les populations pauvres du globe ». Cette difficulté financière pousse souvent certains parents à promettre aux hommes qui ont une situation financière meilleure que la leur.

78 Cette prescription est prévue par l’article 222-47 alinéa 1er du Code pénal. Elle vise spécifiquement les étrangers qui sont très souvent les auteurs de la pratique de mariage forcé.

79 Article 121-4-2 du Code pénal.

80 Article 2 alinéa 1er du Code de procédure pénale.

81 Cass. crim.27 mai, 2009,n°09-80.023;Juris-Data, 2009-048655, Bull. crim. 2009, n° 207 ; AJP 2009, p. 363, obs. Duparc.

82 Cass. crim., 30 mars 2011, n°09-87.419 : Juris-Data, n°2011-007092, Dr. Pén., 2011, comm. 97, obs. Maron et Haas.

83 Article 113-2 du Code pénal.

84 P. Cazalbou, op. cit. p. 226.

85 Article 113-6 du Code pénal.

86 Article 113-7 du Code pénal.

87 Qu’il s’agisse de compétence personnelle active ou passive, les poursuites ne peuvent être exercées qu’à l’initiative du ministère public après le dépôt de plainte par la victime ou par ses ayants droits ou dénonciation officielle de l’État au sein duquel l’infraction a été commise. V. article 113-8 du Code pénal.

88 K. Plouffe-Malette, op. cit. p. 131.

89 Selon le département des affaires économiques et sociales de l’ONU, les filles sont souvent victimes de marchandisation et la normalisation du prix qui est versé en liquide. V. département des Affaires économiques et sociales, division de la promotion de la femme, désormais intégrée à l’ONU-Femmes, « Supplément au Manuel de législation sur la violence à l’égard des femmes : Pratique préjudiciables à la femme », ONU., New-York, 2011, 37 p., p. 5., Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.un.org/womenwatch/daw/vaw/handbook/Supplement-to-Handbook-French.pdf, consulté le 28 janvier 2020. Bon nombre des organisations de défense des droits humains ont signalé que dans de nombreuses régions du globe les femmes et les filles sont victimes de traite et sont, en conséquence, exposées dans les marchés créés pour les mariages organisé.

90 I. Rakoto et S. Urfer, Esclavage et libération à Madagascar, Karthala, Paris, 2014, 367 p., p. 166.

91 La traite des êtres humains est un phénomène relativement complexe. Ce qui fait qu’on a du mal à chiffrer avec exactitude le nombre de personnes victimes de cette pratique par an. Mais les estimations américaines montrent que ces chiffres varient entre 600 000 et 800 000 personnes par an. V. L. Tosun, La traite des êtres humains : étude normative, th., Droit, Grenoble, 2011, 433 p., p. 19.

92 C. Mbiaga, Le système prostitutionnel : Sources africaines dans le paysage français, Harmattan, Paris, 2014, 224 p.

93 K. Plouffe-Malette, op. cit. p. 136.

94 J. Amar, « Traite des êtres humains », Lexis 360, juin 2014, n°20.

95 Cass. crim., 16 décembre 2015, n° 14-85. 900, Juris-Data, n° 2015-028167.

96 Le Tribunal spécial pour la Sierra-Leone a été institué au mois d’août 2001 par les Nations unies en vue de rendre justice au profit des victimes de guerre et d’interférer le processus de paix et de réinsertion des combattants. V. S. Brunels, « Sierra Leone : Les difficultés du développement dans une société en armes », Bulletin de l’Association de Géographies Français, 2002, p. 245. Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2002_num_79_2_2273, consulté le 5 février 2020.

97 Un auteur affirme que « les violences faites aux femmes en temps de guerre ont, très durablement, constitué un non-dit de la normalité implicite de la guerre » (J. Cubero, La femme et le soldat : Viols et violences de guerre du moyen Âge à nos jours, Imago, Paris, 2012, 355 p., p. 7).

98 AFRC (Armed Revolutionary Council) est un groupe rebelle, responsable du coup d’État à l’égard du gouvernement sierra-léonais, intervenu en date du 27 mai 1997. V. A. Kolondji, « La protection des enfants au cœur des premières poursuites intentées devant la Cour pénale internationale et le Tribunal spécial pour la Sierra Léone », Revue pluridisciplinaire de recherche, 2008, n°6. Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/sejed/4933, consulté le 31 février 2020.

99 V. Affaire Procureur C. Jean. Paul AKAYESU, ICTR-96-4, 2 septembre 1998, Tribunal pénal international pour le Rwanda.

100 S. Hill, Le mariage forcé en Sierra Leone : une négation du droit des femmes, Mém., Droit, Montréal, 2016, 198 p., p. 14.

101 Special Court for Sierra Leone Appeals Chamber, Prosecutor v. Brima, Kamara and Kanu (AFRC case), 22 février 2008 SCSL-2004-16-A., Appeal Judgment, $ 190 ; RUF case Trial Judgment, $ 1408, 1413.

102 Affaire RUF, Procureur contre Issa Hassan SESAY, SCSL, 04-15-A du 26 octobre 2011.

103 K. Plouffe-Malette, op. cit. p. 139.

104 L’affaire AFRC est aussi appelée affaire Charles Taylor.

105 Procureur contre Nuon CHEA 002/19-09-2007-ECC-OCIJ, Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens.

106 Khmers rouges est l’appellation donnée aux forces révolutionnaires qui luttait dans les années 1975 contre le régime républicain de Lon Nol qui était soutenu par les États-Unis. V. M. Alix, Les massacres perpétrés par les Khmers rouges entre 1975 et 1979 et leur couverture médiatique en France, Mém., Sciences Po, Lyon, 2011, 64 p., p. 6.

107 Ibid. 002/19-09-2007-ECC-OCIJ. Dans la tradition cambodgienne le mariage ne se prévoit ni ne tient pendant la saison des moussons, le jour du mariage est fixé selon les dates de naissance des futurs époux, le mariage lui-même est un événement qui concerne la communauté tout entière de sorte que le jour de la célébration se réunissent les parents, les frères, les sœurs, les proches, les voisins, les autorités locales y compris les moines. L’union était autorisée et bénie. La cérémonie peut aller d’un à sept jours et se tient habituellement près du domicile de la mariée ou sur un espace public ou à la pagode.

108 Proseutors V. Chea ors, 4 avril 2014, Trial Chamber Decisions on Additional Severance of case 002/02 and Scope of Case 002/02, 002/19-2007-ECCC-TC.

109 CETC., Ch. Pr., procureur contre Nuan Chea et Khieu Samphan, jugement du 16 novembre 2018.

110 M. Nicolas-Greciano, « Justice et vérité sur le génocide cambodgien », Revue du centre de recherche et d’études sur les droits fondamentaux, mars 2019, 10 p., p 7. Disponible en ligne à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/revdh/6241, consulté le 6 février 2020.

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L'humour comme stratégie de résilience communautaire dans les violences urbaines

Kouakou Daniel Yao, Enseignant Chercheur, Université Jean L. Guédé - Daloa, Ufr Sciences Sociales Et Humaines, Groupe D'études Et De Recherches Sur Les Représentations Sociales (Gers), Labaratoire D'études Et De Prévention En Psychoéducatio (Leppe)

Ces dernières années, les changements idéologiques, culturels, politiques et économiques sont arrimés à diverses formes de violences en milieu urbain. Néanmoins, d’autres moyens alternatifs de revendications à l’instar de l’humour sont instrumentés de plus en plus par les manifestants dans une perspective de résilience communautaire. Les « marches vertes » des enseignants-chercheurs, organisées pour revendiquer des conditions meilleures de travail et de vie semblent s’inscrire dans cette perspective. L’objectif de la présente étude est d’analyser l’humour comme stratégie de résilience lors des...

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