N°5 / Varia

Une tentative d’institutionnalisation de la lutte contre le terrorisme

le cas du G5 Sahel

Souleymane Sangaré, Docteur En Droit, Université Toulouse Capitole, France

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Note sur l’article : Cet article est extrait de la thèse intitulée Le droit international à l’épreuve du terrorisme. Réflexion sur le recours à la force contre les groupes armées non étatiques qualifiés « terroristes » dans le cadre de l’opération Serval au Mali et ses suites, dirigée par Mme Danielle Cabanis, et soutenue à l’Université Toulouse Capitole en 2023.

 

Une tentative d’institutionnalisation de la lutte contre le terrorisme a été esquissée dans le cadre d’un groupe de cinq États dénommé G5 Sahel. La création du G5 Sahel répond à une volonté d’institutionnaliser. Il s’agit d’une réponse, ce qui n’était le cas jusqu’à présent, afin de mieux lutter contre le terrorisme dont il faut étudier le fondement (I). Il faut ajouter à cela, l’élargissement de la coopération avec d’autres institutions internationales visant à son renforcement (II).

 

I. Le fondement de l’institutionnalisation de la réponse contre des groupes terroristes

L’intervention militaire française n’a pas suffi pour éradiquer la menace liée aux groupes armés non étatiques se livrant à des actes de terrorisme. C’est devenu un problème non pas du seul Mali mais du Sahel. Ce cadre de réponse bilatéral ne semble plus suffisant. Cinq États du Sahel ont conclu un traité qui définit le cadre juridique de l’organisation G5 Sahel (A). Dans ce cadre, la réponse des États se caractérise par la création d’une force conjointe destinée à lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale (B).

 

A. Le cadre juridique relatif à la création du G5 Sahel

Etudier le cadre juridique du G5 Sahel implique d’analyser le traité qui a fondé cette organisation (1), aux objectifs apparemment séduisants mais potentiellement lacunaires (2).

 

1. Le contenu du traité portant création du G5 Sahel

Le traité portant création du G5 Sahel s’inscrit d’abord dans un contexte où les groupes armés qualifiés de terroristes sont de plus en plus présents comme le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et à l’État islamique au grand Sahara (EIGS). Les activités de ces groupes « terroristes » ne sont plus circonscrites au seul territoire du Mali. Elles affectent d’autres États frontaliers : le Niger et le Burkina Faso. Il faut ajouter à cela la Mauritanie, qui partage aussi une frontière avec le Mali. En revanche, comparée au Mali, au Niger et au Burkina Faso, la Mauritanie semble quant à elle, épargnée par la menace. Enfin, le Tchad, qui partage une frontière avec le Niger, est le cinquième État partie à la convention créant l’organisation du G5 Sahel. Les attaques du GSIM et de l’EIGS se régionalisent1 car elles touchent le territoire de différents États que ce soit au niveau de la préparation de l’acte, de son accomplissement et de l’utilisation par ces groupes du territoire d’au moins un des États comme lieu de refuge après commission des actes. Il est donc essentiel pour ces États de s’entendre sur une réponse collective pour lutter contre des adversaires « insaisissables »2.

La création du G5 Sahel traduit une volonté de mutualiser des efforts dans la lutte contre l’insécurité notamment par la coopération militaire transfrontalière3. En effet, dès le préambule du traité du G5 Sahel, le paragraphe 1er précise l’objectif de la coopération, motivée par l’existence de « liens séculaires et multiformes qui unissent les peuples du Sahel ». Ce sont ces liens qui justifient la mise en commun des efforts selon le paragraphe 2 pour : « conjuguer les efforts en vue de faire du Sahel un espace de paix, de prospérité et de concorde »4. Il en résulte que la réponse ne peut être que collective. Ainsi, le paragraphe 3 précise l’existence de « défis de la sécurité et de développement » auxquels tous les États semblent immédiatement confrontés. Il faut donc s’inscrire dans le cadre du « renforcement de la paix et de la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière »5.

Dans le paragraphe 8, les Etats prononcent la « ferme condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et réaffirment leur détermination à préserver l’intégrité territoriale des États et à mener, ensemble une action résolue en vue d’assurer la sécurité dans l’espace sahélien »6. C’est en décrivant la menace comme essentielle au niveau de la sécurité que les États parties affirment : « leur ferme volonté commune de coopérer entre eux et de négocier en commun avec les partenaires techniques et financiers, publics et privés pour trouver des solutions harmonieuses aux problèmes de sécurité et de développement des États du G5 Sahel7 ».

De ce qui précède, il découle une prise en compte sérieuse par les chefs d’État, des défis que posent en particulier le terrorisme et la criminalité transfrontalière. Bien que le terme « terrorisme » soit mentionné deux fois dans l’exposé des motifs du traité, sans d’ailleurs fournir de définition, et la « criminalité transfrontalière », les États entendraient s’inscrire dans une solidarité communautaire. Cette solidarité partagée en théorie peut être déduite du paragraphe 8 précité du préambule se référant à la formule « espace sahélien ». Cette coopération endogène institutionnalisée contre le terrorisme ou la menace terroriste constitue sans doute un nouvel apport. Cependant, cette solidarité commune voulue se heurte aux capacités de financement. Il y a une volonté d’établir un ordre sahélien avec l’appui d’autres acteurs. C’est dans ce sens que la coopération est élargie à des « partenaires techniques et financiers, publics ou privés afin de parvenir à une réponse face aux problèmes de sécurité et de développement8 ».

Le dispositif du traité portant création du G5 Sahel est constitué de vingt articles. Ces articles sont répartis en titres, au nombre de sept, avec un titre préliminaire relatif à la définition des termes que les parties jugent nécessaires. Il s’agit des principaux organes : le G5 Sahel, conférence, conseil des ministres, secrétariat permanent et des comités de coordination. Le titre I définit principalement la nature juridique de l’organisation en précisant sa composition et ses caractéristiques à savoir « un cadre institutionnel de coordination et de suivi de coopération régionale dénommée G5 Sahel ». Les cinq États reconnaissent expressément au G5 Sahel, une personnalité juridique conformément à l’article 2. En effet, au regard de l’exposé des motifs énoncé dans le préambule, l’attribution de la personnalité juridique permet au G5 Sahel en tant qu’organisation permanente de répondre aux besoins formulés par les États.

Compte tenu des objectifs qui lui sont assignés, une organisation internationale devient un acteur de la vie internationale afin d’entretenir des rapports juridiques aussi bien avec d’autres sujets du droit international qu’avec les ressortissants des États9. En suivant ce raisonnement, le G5 Sahel dont l’un des objectifs principaux est la sécurité et le développement dans un environnement notamment affecté par le « terrorisme et la criminalité transfrontalière » ne pouvait qu’être pourvu de la capacité juridique pour réaliser ses objectifs. Il était donc essentiel de conférer aux organes du G5 Sahel les compétences nécessaires afin de répondre à la volonté des États. L’attribution de la personnalité juridique permet in concreto à l’organisation d’exercer toutes les compétences y compris implicites, nécessaires à la réalisation des objectifs résultant de la spécialité de l’organisation, et notamment de ses compétences10. L’article 3 précise que le siège est établi à Nouakchott, avec la possibilité de le déplacer dans d’autres États membres11.

Le titre II énonce l’objet du G5 Sahel, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles l’organisation doit œuvrer. En ce sens, l’article 4 détermine les différents objets du G5 Sahel qui viserait à instaurer un ordre sahélien de paix et sécurité. L’article 5 énumère les actions à accomplir. Dans ce sens, il est suggéré que toutes les actions de développement en faveur des populations sont subordonnées à l’objectif de la paix et de la sécurité.

Quant au titre III, il est consacré aux différents organes de l’organisation et à leur fonctionnement. L’article 6 régit les principaux organes du G5 Sahel à savoir : la conférence des chefs d’États, le conseil des ministres, le secrétariat permanent, les comités de défense et de sécurité et les comités nationaux. L’article 7 quant à lui, définit la conférence des chefs d’États comme « L’organe suprême du G5 Sahel. Elle est l’organe de décision. Elle fixe les grandes orientations et les options stratégiques (…) » ; le paragraphe 3 du même article dit que la conférence se « réunit en session ordinaire une fois par an. Elle peut se réunir en session extraordinaire sur convocation du président de la conférence ou à la demande d’un ou plusieurs chefs d’État en tant que de besoin ».

L’article 8 stipule que le conseil des ministres est l’« organe statutaire de la mise en œuvre de la politique du G5 Sahel, telle que définie par la conférence des chefs d’États. Il assure le pilotage et l’impulsion stratégique ». Le conseil des ministres est constitué par les membres de l’exécutif de chaque État membre. Il s’agit des ministres en charge du développement des États parties. De plus, selon le paragraphe 3 (I) de l’article 8, le conseil des ministres est tenu de « veiller à l’exécution des directives de la conférence des chefs d’États » ; II, de « formuler des recommandations à l’attention de la conférence sur toute action visant à la réalisation de ses objectifs »; également de « nommer le secrétariat permanent et les principaux responsables » (III) ; et de « remplir toutes les autres fonctions qui lui sont confiées par la conférence des chefs d’États ».

Le conseil des ministres est pourvu d’une compétence normative, de nomination, de recommandation12.

L’article 10 est consacré au secrétariat permanent. En effet, cet organe est placé sous l’autorité du conseil des ministres. En tant qu’organe statutaire, il appartient donc au conseil des ministres d’adopter des règles qui doivent définir le fonctionnement du secrétariat permanent dont le mandat est de quatre ans renouvelables selon l’article 11. Le secrétariat permanent en particulier le secrétaire permanent, est assuré par rotation par le ressortissant de chaque État membre sauf l’État qui abrite le siège permanent conformément à l’article 12. Le secrétariat permanent est considéré comme l’organe exécutif du G5 Sahel13. L’organe est dénommé « secrétariat exécutif » du G5 Sahel. De plus, un comité de défense et de sécurité est visé par l’article 13 qui « regroupe les chefs d’état-major et les responsables dûment mandatés pour les questions de sécurité par les États membres ». Mais aucune autre précision n’est apportée au fonctionnement de ce comité de défense et de sécurité. Sont institués des comités nationaux de coordination des actions du G5 Sahel, qui, aux termes de l’article 14, sont mis en place par chaque État membre et entretiennent une étroite collaboration avec le secrétariat permanent. Ces comités sont placés sous l’autorités du conseil des ministres.

Au niveau de chaque État, « le président du comité de coordination national est le point focal du G5 Sahel ». Le comité national de coordination représente l’interface entre le secrétariat permanent et l’État ainsi que l’a expliqué un haut responsable de l’antenne focale du Mali14.

Au regard de la structure et du fonctionnement des organes, le G5S, en tant qu’organisation interétatique traduit la volonté de ses fondateurs d’instituer l’organisation dans la durée dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière.

L’article 4 implique le caractère permanent de l’organisation eu égard aux objectifs qui y sont libellés notamment le « cadre stratégique d’intervention permettant d’améliorer les conditions de vie des population », et associé au « développement et sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance ». Il ressort que la réalisation de ces objectifs impliquerait nécessairement un temps long pour la mise en place d’institutions plus solides au niveau de chaque État et d’assurer une grande solidarité entre les États membres.

 

2. La portée du traité

Les cinq États qui constituent l’organisation G5 Sahel n’ont pas, a priori prévu d’ouvrir le traité à l’adhésion d’autres États. En effet, l’intitulé du titre du traité : « convention portant création du G5 Sahel » implique que les défis relatifs à la « sécurité et au développement » ne concernent que les cinq États. Le champ d’application spatiale du traité reste limité. En effet, si l’intitulé semble limiter la portée du texte à ces cinq États, une autre interprétation peut inciter à suggérer une autre hypothèse. En effet, dès le préambule, le terme Sahel est mentionné dans les deux premiers paragraphes et dans le sixième. Dans le paragraphe 4, il est mentionné région du Sahel, suivi d’une énumération des menaces ou défis qui affectent ladite région notamment le « terrorisme et la criminalité transfrontalière ».

Dans le paragraphe 8, il est mentionné espace sahélien. Mais à aucun moment dans le traité, les rédacteurs ne définissent précisément le terme « Sahel ». Il y a, en ce sens, un usage indistinct du terme. Une situation qui peut raisonnablement conduire d’autres États à se considérer concernés par les défis énoncés dans le texte, et donc à prétendre à l’adhésion. C’est le cas par exemple le Sénégal, qui avait manifesté sa volonté d’adhérer.

L’absence de définition claire au terme « Sahel » ne constitue pas un problème du point de vue juridique. D’abord parce que dans le traité, le terme G5 Sahel est simplement défini comme constituant les cinq États précités. Néanmoins, il n’est pas indiqué que ces cinq États forment exclusivement le Sahel. Au contraire, ces cinq États ne sont donc pas le « Sahel » mais font partie du « Sahel ». Il y aurait donc une volonté de se démarquer par rapport à une prétention générale15. Ensuite, parce que ce sont ces cinq États qui ont ratifié le traité. Il est donc logique que l’effet juridique lié au Sahel ne concerne que les États qui l’ont ratifié. À cet égard, c’est le principe de l’effet relatif du traité en droit international qui s’applique. Il résulte de ce principe qu’un traité ne peut avoir de conséquence juridique à l’égard des États tiers. Cette considération s’applique dans le cas du présent traité. Dans ce sens, le traité reste applicable aux parties qui l’ont ratifié. Les incertitudes qui découlent de l’emploi du terme « Sahel » est plus politique que géographique. Car géographiquement, il est difficile de considérer le Sénégal en dehors du Sahel.

Les États parties au traité n’auraient donc pas cherché à faire du G5 Sahel, une organisation de coopération destinée à lutter uniquement contre le terrorisme ou d’autres formes de criminalité transfrontalière. D’ailleurs, le traité ne définit pas le terme « terrorisme », employé dans le préambule. Dans le paragraphe 4, il est précisé que « Considérant les défis auxquels fait face la région du Sahel : a) le renforcement de la paix et de la sécurité, la lutte contre le terrorisme criminalité transfrontalière ». Dans le paragraphe 8, il est indiqué que les États parties : « [re]nouvellent leur ferme condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et réaffirment leur détermination à préserver l’intégrité territoriale des États et à mener, ensemble une action résolue en vue d’assurer la sécurité dans l’espace sahélien »16.

La mention du terme de « terrorisme » dans le préambule, pourrait laisser penser que ce défi est à la marge. Ce serait une façon de montrer que le terrorisme s’inscrit dans une menace globale combinant un traitement plus structurel que militaire. Autrement dit, le terrorisme fait partie des défis, mais il n’est pas le seul. Il s’agirait plutôt de répondre aux causes profondes de l’expansion des activités du terrorisme et d’autres formes de criminalités dans les États et les frontières. C’est probablement pour cette raison que l’article 4 de la convention précise que le « G5 Sahel a pour objet : (i) de garantir les conditions de développement et de sécurité dans l’espace des pays membres ; (ii) d’offrir un cadre stratégique d’intervention permettant d’améliorer les conditions de vies des populations ; (iii) d’allier le développement et la sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre de coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique et (iv) de promouvoir le développement régional inclusif et durable ».

Il en résulte que l’objectif présumé du G5 Sahel consiste en un cadre de coopération institutionnelle combinant le développement et la sécurité de l’espace partagé des cinq États membres du G5 Sahel. Dans ce sens, pour apporter des réponses à ces défis, les actions à mettre en œuvre sont indiquées dans l’article 5 précisant que « Le G5 Sahel contribue à la mise en œuvre des actions de sécurité et développement dans les États membres grâce notamment : // Au renforcement de la paix et de la sécurité dans l’espace G5 Sahel, // Au développement des infrastructures de transport, d’hydraulique, d’énergie et de télécommunication ; // À la création d’une meilleure condition de gouvernance dans les pays membres ; // Au renforcement des capacités de résilience des populations en garantissant durablement la sécurité alimentaire et le développement humain et le pastoralisme ».

Il en découle que les États parties semblent reconnaître que les défis de sécurité et de paix auxquels ils sont confrontés ne peuvent être éradiqués qu’à condition de réaliser des conditions de développement dans les zones particulièrement pauvres par exemple en eau et en électrification et d’assurer la mobilité des personnes dont l’existence de moyens de transport est fondamentale. D’ailleurs, les États ont décidé de créer une compagnie aérienne régionale pour améliorer les dessertes des pays du G5 Sahel et la construction d’une ligne de chemins de fer afin de relier les cinq États membres17. De plus, dans le paragraphe 3, il y a une référence au terme de « gouvernance », mais sans qu’il y ait des indications sur sa signification dans le texte.

La « gouvernance » visée doit être qualitative : « meilleure condition ». L’absence de définition de cette notion imprécise ne remet pas en cause le sens général du traité, même si elle aurait pu donner une autre dimension au traité. Il en est de même pour le terme « sécurité », employé plusieurs fois dans le traité. L’organigramme du secrétariat exécutif du G5 Sahel semble fournir des précisions au regard de la division des activités entre les États parties. En effet, le département gouvernance est actuellement confié au Mali et structuré autour d’une « division des droits humains et du développement local » et d’une « division genre, jeunesse et lutte contre la radicalisation »18. En ce sens, la gouvernance pourrait correspondre d’abord à la mise en place des activités et des outils de protection des droits humains à l’appui des activités de développement local. Il faut ajouter à cela la lutte contre toutes les formes d’exclusion qui correspondrait à une référence au genre ou à la jeunesse avec des dispositifs contre la radicalisation.

Le dernier paragraphe de l’article 5 implique la mise en place d’une stratégie de développement qui viserait notamment à lutter contre l’insécurité alimentaire. D’ailleurs, ce département dénommé « Résilience de la population et développement humain » est confié au Tchad. Il est constitué d’une « division développement durable et changement climatique » et d’une « division secteurs sociaux et actions humanitaires ». Un équilibre est supposé exister donc entre le volet sécurité et développement. Le traité accorde en principe une priorité aux actions de développement par rapport au traitement purement sécuritaire comme il ressort dans les articles 4 et 5 précités dans lesquels l’accent est mis sur les objectifs de projets de développement. Il faut ajouter à cela l’élaboration d’une stratégie pour le développement et la sécurité (SDS). Cette stratégie a été adoptée par les chefs d’État des États membres. L’outil de sa mise en œuvre est le programme d’investissement prioritaire (PIP). Le développement est propice dans un contexte de sécurité19. La SDS prévoit quatre axes qui doivent être mis en œuvre dans le cadre du PIP : la défense et la sécurité, la gouvernance, l’infrastructure et le développement humain et la résilience et le développement humain.

Cependant, sans mettre en cause la volonté des États à arrimer les objectifs du texte à la réalité, nous estimons que la priorité qui est réservée dans le traité au développement ne correspondrait pas à la pratique. En théorie, l’accent est mis sur le développement dans un contexte international d’élaboration de stratégie Sahel20 donnant la priorité aux zones délaissées par les États, en vue de développer un service public permanent en faveur de toutes les populations. L’objectif est de mettre l’accent sur le développement humain. Mais c’est dans la coopération militaire et sécuritaire que tous les efforts des États semblent se déployer. Le développement est à la marge. La création d’une force conjointe entre les États traduirait ce décalage entre le texte et sa mise en œuvre dans la pratique.

 

B. La création d’une force conjointe du G5 Sahel contre les menaces transfrontalières

Dans le traité portant création du G5 Sahel, la réponse envisagée consiste à conjuguer ce qui relève de la sécurité et du développement. Le traité ne nous éclaire pas sur la définition des notions de sécurité et de développement alors que ces deux termes sont mentionnés à plusieurs reprises dans le texte. L’article 13 de la convention prévoit un comité de défense et de sécurité, en tant qu’organe chargé des questions de sécurité par les chefs d’États. Cet organe est chargé d’appuyer la prise de décision en matière d’orientation sécuritaire. Rien dans le traité ne se réfère à la création d’une force conjointe, ou n’annonce clairement la création d’une défense collective dans le cadre d’une coopération militaire. Il est possible de relativiser cette dernière considération en prenant en compte le contexte de création du G5 Sahel, c’est-à-dire la lutte contre le terrorisme, ce qui conduit à déduire la place réservée à la coopération sécuritaire.

Les chefs d’État du G5 Sahel ont décidé, au regard de la « situation sécuritaire préoccupante dans la région du Sahel », et considérant que « la lutte contre le terrorisme ne peut être efficace que dans une approche globale concertée et coordonnée », de créer « la force conjointe du G5 Sahel, conformément à l’option I, à court terme, à l’option II, à moyen et à long terme (…) »21. La création de la force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) s’expliquerait par l’évolution de la menace sécuritaire liée notamment à la dissémination des groupes terroristes dans les différentes frontières. En conséquence, la FC-G5S traduit la réponse par la coopération militaire nécessitant une coordination entre les États membres du G5 Sahel afin de garantir une présence permanente des forces de défense et de sécurité sur le terrain22. Les attentats perpétrés à Bamako, Niamey et Ouagadougou entre 2015 et 2017 et qualifiés de terroristes de même que les attaques récurrentes contre les forces de défense et de sécurité de ces trois pays dans leur zone frontalière commune justifient de rendre opérationnelle une force militaire de coopération interétatique, la FC-G5S dans les zones frontalières conjointes dans la région du Liptako-Gourma23.

Avant la création du FC-G5S, la plate-forme de partenariat de coopération militaire transfrontalière (PCMT) constituait un cadre de lutte mais moins formalisé. Le PCMT « n’est pas une organisation militaire permanente, mais un cadre technique et pragmatique de coopération entre partenaire et un espace d’échange sur les bonnes pratiques »24. Il s’agit d’une coopération opérationnelle entre les États du G5S et l’opération Barkhane qui visait à associer les efforts et les moyens pour contrer les modes opératoires des groupes terroristes25. Le cadre juridique instituant cette coopération militaire relève de la signature, le 4 novembre 2015, d’une « charte de fonctionnement du partenariat militaire de coopération transfrontalière des forces armées du G5 Sahel ». Il s’agit principalement d’opérations militaires conjointes transfrontalières entre les États du G5S et la force Barkhane. Ce partenariat a permis certes de réaliser à la fois des opérations bilatérales et multilatérales. Mais ce cadre d’opérations militaires ad hoc était périodique, c’est-à-dire des opérations planifiées semestriellement26. La périodicité supposerait donc que ces opérations militaires envisagées puissent être permanentes. Des acquis de cette coopération sont néanmoins conservés en faveur de l’institution du FC-G5S. Il ne faudrait pas se limiter à une réponse au gré des circonstances et des menaces mais inscrire la réponse dans une perspective stable et durable. C’est dans cette optique que la FC-G5S reflète une « évolution qualitative du partenariat militaire de coopération militaire transfrontalière »27.

En effet, la création du FC-G5S28 est indépendante du traité relatif à la création du G5 Sahel. La convention créant G5S ne prévoit pas expressément une force même si l’article 13 précise la mise en place d’un comité défense et sécurité. Cette consécration présumait une coopération militaire dont la nature devait être déterminée. Les chefs d’État du G5 Sahel ont expressément placé la FC- G5S comme des groupes terroristes mais toutes les activités criminelles transnationales. Le « mandat » assigné par les chefs d’États à la FC-G5S est « la lutte contre la résurgence des réseaux terroristes et extrémistes violents, la prolifération des armes légères et de petits calibres et les autres formes de criminalité organisée criminalité transnationale organisée »29. La coopération militaire interétatique occupe une place privilégiée. Par conséquent, « le caractère transfrontalier des attaques de groupes terroristes et extrémistes violents est une réalité entre les pays »30.

Le conseil de sécurité a salué dans sa résolution 2329 (2017) cette coopération militaire entre les cinq pays en indiquant que cette initiative traduit « leur souci de prendre les choses en main en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, notamment en menant des opérations militaires conjointes transfrontalières contre le terrorisme »31.

La réponse par la coopération militaire dans le cadre de la force conjointe est approuvée par le conseil de sécurité, qui a précisé à ce titre que « les opérations du FC-G5S doivent être conduites en pleine conformité avec le droit international, notamment le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit des réfugiés »32.

Il s’ensuit que la lutte contre le terrorisme dans le cadre des opérations militaires doit être menée conformément au droit international. C’est dans le cadre du concept d’opérations stratégiques (CONOPS), élaboré par le comité de défense et de sécurité du G5S que la FC-G5S est autorisée à agir après l’approbation du concept par le conseil de sécurité de l’UA. Ce CONOPS est un document qui définit notamment le mandat de la force, ses objectifs, et les activités spécifiques des composantes en matière de renseignement, de droits de l’homme, de contrôle et de coordination, de juridiction. Le texte met notamment l’accent sur la protection des populations civiles et des biens civils, incluant les femmes et les enfants de la protection des groupes vulnérables, du respect des coutumes locales33. Le CONOPS est donc l’instrument qui justifie le cadre juridique des opérations militaires transfrontalières notamment contre le terrorisme et pour la protection des populations civiles.

La FC-G5S est dotée d’un mandat visant à « combattre le terrorisme et la criminalité transnationale pour créer un environnement sécurisé en éradiquant l’action des groupes terroristes et des autres groupes criminels organisés afin de restaurer la paix et la sécurité conformément au droit international »34.

Il s’agit de rétablir l’autorité de l’État et le retour des réfugiés et des déplacés, de faciliter les opérations humanitaires et de contribuer aux activités de développement35. Le fonctionnement de la coopération militaire transfrontalière selon le CONOPS prévoit des opérations en deux phases pour ce qui est de la lutte contre l’insécurité. Premièrement, l’objectif est d’assurer la sécurité frontalière dans trois secteurs : le long des frontières du Mali et de la Mauritanie, dans la région du Liptako-Gourma c’est-à-dire le long des frontières du Burkina Faso, du Mali et du Niger, zone dite « zone des trois frontières », enfin à la frontière entre le Niger et le Tchad36. Quant à la deuxième phase, elle consiste à réaliser des opérations militaires par une force entière, c’est-à-dire des cinq États sur au moins une zone en même temps dans l’espace G5S 37. Il s’agit à long terme d’instituer une force opérationnelle centrale, qui est constituée des cinq États en même temps afin d’assurer la sécurité transfrontalière.

Sur le plan formel, cette coopération militaire stratégique s’inscrit dans une perspective visant à répondre dans la durée à la menace terroriste et à celle de la criminalité transfrontalière. Cette coopération militaire transfrontalière conduit à s’interroger sur la souveraineté car celle-ci n’est quasiment pas abordée dans le texte fondateur du G5S. Les opérations antiterroristes impliquent le franchissement de la frontière d’au moins un des cinq États. En effet, les États se sont accordés sur un arrangement. Pour que la souveraineté ne soit pas un obstacle, il a d’abord été autorisé que la FC-G5S opère jusqu’à cinquante kilomètres de part et d’autre des frontière des États membres. Cette distance est relevée à cent kilomètres38. La FC-G5S est autorisée donc à poursuivre des groupes terroristes ou toute activité criminelle transnationale sur le territoire d’un autre État membre. Cette distance correspond au droit de poursuite. Elle est non-interrompue à une distance de cent kilomètres et traduit la volonté du G5S de rendre impossible aux groupes criminels de « se mettre à l’abri des frontière »39.

Il faut ajouter à cela que les troupes de la force conjointe mènent des opérations aussi bien en dehors de leur propre territoire et dans leurs secteurs respectifs mais aussi sont autorisées à agir sur autorisation des gouvernements, dans différents secteurs d’autres États du G5S40. Les États ont signé des accords en ce sens pour garantir ces autorisations. Il est possible de se demander ce qui adviendrait dès lors qu’un bataillon dépasse la limitation de kilomètres autorisés. Selon un haut responsable du point focal G5S au Mali, la procédure serait que le commandement de l’État concerné doit immédiatement en être informé41. En théorie, aucun mécanisme clair n’est envisagé pour répondre aux possibilités de dépassements de la limite. Or, cette limite n’est pas applicable ou ne dissuadera pas les entités privées pourchassées qui continueront au-delà des limites d’interventions.

La consécration du droit de poursuite42 vise à mettre fin à la tranquillité des groupes coupables de crimes organisés et de terrorisme de part et d’autre des frontières. En ce sens, la lutte contre le terrorisme vient relativiser les exigences liées à la souveraineté nationale. L’atténuation des exigences liées à la souveraineté de chaque État renforce l’efficacité de la lutte. Pour exécuter le mandat qui est confié à la FC-G5S, c’est-à-dire de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, la réponse la plus efficace est nécessairement la coopération quotidienne entre les États. C’est pour cette raison que les États du G5S se sont mis d’accord au profit d’une lutte collective. Le G5 Sahel s’inscrit dans une gestion partagée de leur souveraineté. La gestion conjointe de leurs frontières signifie une gestion conjointe de la souveraineté. La FC-G5S reste pourtant vulnérable comme l’a montré l’attaque par voiture piégée menée contre son quartier général installée à Sévaré, au Mali le 29 juin 2018. Cette attaque avait entraîné la suspension des opérations et la relocalisation du quartier général à Bamako.

Il convient de s’assurer que les opérations militaires de la FC-G5S contre les activités de groupes criminels organisés et terroristes et de la criminalité transnationale n’excèdent pas des limites posées par les standards juridiques internationaux notamment ceux relatifs au droit international humanitaire et aux droits de l’homme, en particulier les principes de bases du recours à la force pour les responsables de l’application de la loi. De plus, les opérations du FC-GS qui sont effectuées contre les principaux groupes armés organisés, comme le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au grand Sahara (EIGS) doivent respecter les règles du droit international humanitaire. Le droit international pénal reste applicable aux opérations de la force conjointe en cas de violations graves du DIH, tels que les crimes de guerre ou les violations graves de droits de l’homme qualifiables de crimes contre l’humanité43. C’est dans cette optique, qu’il a été envisagé d’élaborer un texte, dénommé la procédure opérationnelle permanente (POP). Il s’agit d’un document devant régir la procédure à suivre chaque fois qu’une enquête interne de la FC-G5S est lancée à la suite d’une allégation de violation grave du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés dès lors que des membres de la FC-G5S sont suspectés d’être impliqués et ou leur matériel44. Il appartient à une commission d’enquête de faire la lumière sur les allégations concernées. Il s’ensuit que ces opérations militaires antiterroristes peuvent susciter de graves problèmes quant à leur légalité.

L’adoption d’un cadre normatif régissant les opérations de la FC-G5S présente d’abord l’intérêt d’encadrer toutes les opérations. Un autre intérêt se trouve dans le fait que le mandat attribué à la FC-G5S, c’est-à-dire la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale ne signifie en rien un blanc-seing. Au contraire, il s’agit de l’affirmation des droits de l’homme dans le cadre des opérations de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Certes, la priorité accordée aux standards juridiques internationaux dans la conduite des opérations du FC-G5S peut résulter des engagements juridiques internationaux des cinq États. Néanmoins, la dépendance financière extérieure du G5S en particulier de la FC-G5S serait un facteur qui doit être pris en compte comme une des conditionnalités de l’appui des partenaires financiers45. Les États du G5 Sahel doivent s’engager à adopter un cadre conforme aux droits de l’homme et au droit international humanitaire dans les opérations militaires du FC-G5S. À cet effet, la mise en place des unités prévôtales aux côtés des militaires constitue une garantie. En effet, ces unités servent à conseiller le commandement de FC-G5S pour prendre des mesures destinées à prévenir les violations de droit international, des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Cela montre que la lutte contre le terrorisme ne signifie pas que ces violations restent impunies46. Le respect de ces principes juridiques sur le terrain par les militaires peut être différent de la réalité du terrain47. Il conviendrait donc de judiciariser les opérations militaires dans le cadre du processus d’institutionnalisation.

Les États membres du G5 Sahel ne se sont pas limités à la seule création d’une force conjointe comme réponse, d’autres structures complémentaires sont créées pour renforcer la réponse institutionnelle.

 

II. Vers le renforcement de la réponse institutionnelle

Le renforcement de la réponse institutionnelle dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale dans l’espace du G5 Sahel se manifeste par la mise en place d’autres structures et outils supplémentaires (A). La création de nouvelles structures visant à renforcer la coopération montre que les gouvernements de la région entendent développer des instruments de coordination à des fins de pérennisation. L’enjeu de la sécurité des frontières a conduit les États membres de G5 Sahel à mettre en place une plate-forme de coopération en matière de sécurité (PCM). Cette dernière met l’accent sur la dimension à la fois préventive et répressive de la lutte contre le terrorisme (B).

 

A. La mise en place d’institutions supplémentaires de coopération

Des institutions non moins importantes de coopération transfrontalière sont créées sans qu’elles soient prévues dans le traité comme la FC-G5S. Cela démontre une adaptation continuelle. Parmi les institutions supplémentaires, il y a le collège de défense du G5Sahel, (CDG5S), basé à Nouakchott, en Mauritanie. Le collège est chargé de dispenser des enseignements opérationnels, techniques et académiques destinées aux officiers des pays membres. En effet, cet organe vise à former les chefs militaires des trois armées, de la gendarmerie, de la garde nationale et nomade, des États parties et des responsables de leurs responsabilités interarmées et interministérielles48. Plus concrètement, il s’agit d’une école de guerre qui a l’ambition de développer une doctrine commune. Selon le directeur du Collège de défense, compte tenu du fait que les armées du G5 Sahel sont confrontées à la même nature de menace, la formation du Collège permettrait que les « cadres commandent sur le terrain, subissent la même formation, la même vision de la menace, la même approche méthodologique et le même procédé de travail »49.

Le CDG5S poursuit des objectifs visant à favoriser la coopération des armées, des gardes nationale et nomade et des gendarmeries des cinq États parties par une formation commune, par la connaissance mutuelle et par le partage des procédures. De plus, il s’agit d’améliorer l’interopérabilité de la force conjointe et de mutualiser une formation longue de quarante semaines car moins coûteuse pour les États et qui présente l’avantage de la proximité par rapport des réalités du terrain. Il faut ajouter à cela l’apport des partenaires techniques et financiers et de contribuer à la réflexion liée aux questions de sécurité et de défense au Mali en particulier et dans le Sahel en général ainsi que dans les régions proches à travers des mémoires et des articles et leur publication dans une revue de réflexion50. Le Collège poursuit ainsi un objectif de renforcement de l’efficacité des officiers dans la lutte contre le terrorisme et le crime transnational organisé51.

Compte tenu des missions du CDG5S, le G5 Sahel promeut une réponse plus focalisée sur les opérations militaires. L’existence d’une école de guerre entre les cinq États constitue une évolution positive de la coopération. Elle favorise une certaine vision commune dans la lutte contre les groupes armées non étatiques se livrant à des activités de terrorisme et de criminalité transnationale. La dimension militaire de la lutte contre le terrorisme se poursuit ainsi non seulement dans la force conjointe mais aussi dans le collège du G5 Sahel. L’approche d’une réponse axée sur la guerre ne devrait pas être considérée comme l’alpha et l’oméga de la réponse institutionnelle. Il faut insister sur l’option de la coopération policière et judiciaire contre les groupes armés se livrant à des actes terroristes. Il est souhaitable d’investir dans une réponse qui accorde la primauté à l’institution policière. Cela ne signifie pas que les États doivent négliger le rôle de l’institution militaire.

Nous ne surestimons pas l’efficacité de la lutte contre des groupes terroristes. Dans le contexte du Mali et du Sahel, ces derniers se mêlent aux populations civiles en surinvestissant dans une approche essentiellement focalisée sur la guerre et plus spécifiquement des opérations militaires.

La tendance à l’institutionnalisation de la réponse au terrorisme au Sahel renforce certainement l’intégration. Cette tendance s’est traduite par la création d’une académie régionale de police du G5 Sahel (ARPG5S) visant à renforcer la coopération transfrontalière entre États parties au G5 Sahel. La décision portant création de cette institution est adoptée lors de la quatrième conférence ordinaire des chefs d’États en vue d’«[implanter] l’Académie régionale de police du G5 Sahel au sein de l’école nationale de police du Tchad »52. Cette académie vise à « former des élites parmi les commissaires de la région pour permettre de mieux combattre le terrorisme, la criminalité transfrontalière organisée et les trafics de tout genre »53.

La création d’une Académie régionale par les États du G5 Sahel implique de relativiser la militarisation de la réponse contre des groupes suspectés de terrorisme et aussi d’inscrire cette lutte dans un cadre policier et judiciaire. Il s’agirait de combiner le militaire et le judiciaire. C’est une option dans laquelle les États semblent s’inscrire majoritairement comme la lutte contre Daech54. Mais les modalités restent floues.

L’institutionnalisation de la réponse se traduit aussi par la création du Centre sahélien d’analyse des menaces et d’alerte précoce (CSAMAP). Ce Centre est destiné à étudier les différents types de menaces auxquelles les États peuvent être confrontés pour aider ces derniers à prévenir ou à anticiper les menaces. C’est une structure d’appui aux gouvernements dans la prise de décision. La mission assignée à cette structure consiste à collecter et à analyser les données et les informations relatives aux menaces à la paix et à la sécurité dans le périmètre du G5S et de son voisinage. Les informations et les données collectées ou analysées devront être mises à la disposition des décideurs. Ce Centre devra constituer un instrument d’alerte aux usagers de différents niveaux afin de sensibiliser tous les acteurs à l’échelle nationale et régionale dans le but de susciter les actions tant de nature préventive que curative. Il faut ajouter à cela des études prospectives à mener et qui sont fondées sur des tendances potentiellement structurantes identifiées dans différentes phases, dans des recueils et dans des analyse55. En tant que structure intégrée au dispositif de sécurité du G5 sahel, le CSAMAP fonctionne en collaborant avec les centres d’analyse et d’alertes précoces nationaux des États parties au G5 Sahel en exploitant leurs productions, et avec les institutions et avec les organismes d’alertes précoces régionaux et internationaux56. Il s’agit donc pour le CSAMAP de mettre en réseaux les différents centres nationaux d’études stratégiques afin de développer un cadre d’échange et de partage des informations collectées par les dits centres. L’accès aux bases et aux banques de données spécialisées doit permettre de collecter les données et les informations additionnelles afin d’évaluer les risques et les menaces. Le système d’alerte précoce prévoit trois niveaux d’alertes. Le premier niveau d’alerte concerne le grand public, le deuxième porte exclusivement sur des organisations bien déterminées et le troisième est destiné seulement aux plus hautes autorités du G5 Sahel. En revanche, rien n’est indiqué quant à la nature de ces alertes, c’est-à-dire leur contenu et les raisons pour lesquelles les alertes qui concernent les organisations ne devraient pas être partagées avec le grand public.

Une « cellule d’identification, d’analyse et d’alerte » fonctionne sur la base de trois thématiques : « bonne gouvernance, démocratie, droits de l’homme et libertés publiques », « criminalité, terrorisme et trafics transfrontaliers », et enfin « santé publique, pastoralisme, démographie et changement climatique »57.

Le CSAMAP est donc à la fois une structure de coopération interactive puisqu’il devra collaborer avec les centres d’analyses et d’alertes précoces des États membres. Il apparaît aussi comme un think tank qui réfléchit aux questions de sécurité par la production des rapports. Il aurait été utile de prévoir un programme dédié à l’éducation, mais aussi à l’accompagnement et à la surveillance des législations antiterroristes en rapport avec les conventions internationales, enfin au renforcement de la coopération judiciaire en la matière.

 

B. La plate-forme de coopération en matière de sécurité, un outil répressif et préventif du G5 Sahel

Dans la résolution 1373 (2001), le Conseil de sécurité demande, dès le préambule « aux États de collaborer d’urgence pour prévenir et réprimer les actes de terrorisme, notamment par une coopération accrue et l’application intégrale des conventions internationales relatives au terrorisme ». Plus important encore, le Conseil de sécurité exige de l’ensemble des États de multiplier les initiatives de coopération efficace pour lutter contre le terrorisme. Dans le paragraphe 3 a), les États sont appelés à « (…) trouver les moyens d’intensifier et d’accélérer l’échange des informations opérationnelles, concernant en particulier les actions ou les mouvements terroristes ou de réseaux terroristes, les documents de voyages contrefaits ou falsifiés, le trafic d’armes, d’explosifs ou de matière sensibles (…) ». Dans le paragraphe 3 (b), le Conseil de sécurité demande aux États « [d]’échanger des renseignements conformément au droit international et national et de coopérer sur les plans administratifs et judiciaire afin de prévenir les actes de terrorismes ».

Ultérieurement, dans la résolution 2322 (2016), le Conseil de sécurité ajoute que l’ensemble des États doivent « (…) envisager de mettre en place des plates-formes régionales de coopération en matière d’entraide judiciaire et d’y participer, de définir et de renforcer des arrangements pour accélérer la coopération inter-régionale concernant les infractions liées au terrorisme »58. De plus, dans la Stratégie antiterroriste mondiale, qui a été adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2006, dans l’instrument « Plan d’action », les « mesures visant à prévenir et combattre le terrorisme », il ressort que tous les États sont déterminés à « [i]ntensifier la coopération, selon que de besoin, en échangeant dans les meilleurs délais les informations précises concernant la prévention et la répression »59.

De plus, l’Assemblée générale encourage les organisations régionales et sous-régionales « (…) à créer des mécanismes ou centres antiterroristes ou à renforcer ceux qui existent », tout en demandant « au comité contre le terrorisme et sa direction, lorsque cela relève de leur mandat actuel, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime et l’Organisation internationale de police criminelle à offrir à ces organisations la coopération et l’assistance dont elles pourraient avoir besoin à cette fin »60.

Il en découle que ces institutions spécialisées doivent apporter une assistance à des organisations inter-gouvernementales comme G5 Sahel en matière de terrorisme et des activités criminelles. En effet, les États du G5 Sahel développent une coopération en instituant des organes s’orientant vers une action préventive, c’est-à-dire pour réduire le risque des actes relevant du terrorisme et la gravité de ces actes voire pour priver ces auteurs des moyens nécessaires à leur action. Ensuite, l’action répressive consiste pour les différentes structures à développer des mécanismes de coopération policière devant aboutir à poursuivre et à punir.

L’objectif visé est de lutter efficacement contre les menaces liées au terrorisme et la criminalité organisée transnationale. La plate-forme de coopération en matière de sécurité (PCMS) est une structure additionnelle de coopération régionale destinée à la coordination et à l’échange d’informations afin de renforcer les capacités de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Après sa création par les ministres de l’Intérieur du G5 Sahel dans le cadre de la conférence le 21 mai 2014, il est adopté un accord sur le fonctionnement et l’organisation du PCMS en décembre 2015 entre les gouvernements des cinq États parties. Selon l’article 2 « [l]a plate-forme a pour vocation de mobiliser divers services de sécurité des États du G5 Sahel, de coordonner leurs efforts et renforcer leurs capacités afin de participer collectivement à la lutte contre toutes les menaces transversales qui pèsent sur l’espace, en particulier le terrorisme, la criminalité transfrontalière organisée, le trafic de drogue, le grand banditisme et autres formes graves de criminalité transfrontalière »61.

À la lumière de ce qui précède, le PCMS apparaît comme un outil d’échange d’informations entre différents services de sécurité de l’État notamment policier, et la production d’analyses criminelles. Cela suggère que l’amélioration de l’échange de renseignements entre les États parties est fondamentale dans la lutte contre les groupes armés non étatiques qualifiés de « terroristes » et les autres formes d’activités criminelles transfrontalières. Dans ce sens, la mise en place de structures harmonisées permettrait de mener des actions communes contre le phénomène de criminalité transnationale dans l’espace commun du G5 Sahel.

Dans l’accord du PCMS, les États parties ont fixé les domaines dans lequel la plate-forme doit agir. Selon l’article 8 de l’accord sur le fonctionnement et l’organisation du PCMS, les domaines concernés sont « la répression et la prévention du terrorisme et de la criminalité transfrontalière, y compris la criminalité transnationale organisée ; la sécurité des frontières ». Ainsi, en matière de répression et de prévention, l’accord portant sur le PCMS prévoit des types d’activités devant être conduites dans cette matière. À cet effet, l’article 9 énonce les mesures qui doivent être entreprises afin de « [c]entraliser et faciliter l’échange des informations opérationnelles entre les services de sécurité des États parties » et « coordonner les mesures de prévention et de répressions diligentées à l’échelle régionale ».

De plus, selon l’article 10, il appartient à la plate-forme en tant que « destinataire des informations pour archivage, comparaison ou rapprochement au bénéfice des enquêtes ». Cette stipulation semble faire de la plate-forme de coopération non pas seulement un organe d’enregistrement des données mais aussi d’alerte face aux menaces et être susceptible d’éclairer des enquêtes portant sur la criminalité internationale en cours, précisément transfrontalière, en l’occurrence le terrorisme et différents types de trafics illicites des stupéfiants aux fins répressives.

Toutefois, il ne suffit pas de centraliser des informations échangées : la plate-forme doit aussi coordonner. À ce titre, plusieurs mesures sont prévues dans l’article11 de l’accord sur le PCMS visant à « assurer les échanges d’informations entre les pays membres relatives aux personnes physiques ou morales citées dans les affaires en cours, leurs identités, activités, relations, patrimoines, mouvements aux frontières, leurs données téléphoniques ou toute autre information utile à la réussite des investigations » ; et de « juger, au vu des informations dont elle dispose, de la nécessité de recourir à des opérations conjointes bilatérales ou multilatérales de prévention ou de répression, et formuler les propositions nécessaires, à l’intention de l’expert défense et sécurité» ; et d’« apporter un soutien nécessaire à ce genre d’opération, quand l’initiative vient d’un État membre, en favorisant les contacts avec les services de sécurité, et les autorités judiciaires compétentes des pays concernés»62.

Il faut souligner que rien n’oblige les États membres à échanger les renseignements à titre préventif. En l’absence d’une mention explicite incitant formellement les États à échanger les informations, il ne faudrait pas exclure des difficultés pour le « coordinateur régional », qui gère la plate-forme, pour assurer ses missions d’alerte à des fins de réactions effectives. Il est néanmoins précisé la nature des personnes dont les informations doivent être utilisées, et des personnes avec qui il peut exister une collaboration d’échanges d’informations. Il s’agit des « personnes physiques ou morales » citées dans les « affaires en cours » selon les termes de l’article 11. L’État dont les services de sécurité compétentes ne fournissent pas d’informations à cette fin de prévention et de répression contreviendrait à l’accord. De plus, il convient de prouver que l’État possède des informations sur l’affaire en cours. Cela peut constituer un obstacle puisque les activités de renseignements sont par définition occultes63. Des facteurs structurels de limitation de la coopération sont susceptibles de constituer un obstacle à l’accès aux informations comme le secret des informations ou la souveraineté des États64..

La souveraineté des États parties est reconnue en matière de communication des informations comme le précise le paragraphe 2 de l’article 1 de l’accord « [l]e présent accord est sans préjudice des principes fondamentaux de chaque État partie, de sa souveraineté nationale, de son intégrité territoriale et des restrictions imposées par les lois nationales en matière d’échange d’information et coopération policière »65.

Il s’ensuit une sélection des informations à transmettre selon la législation interne. Les cinq États parties se conforment formellement aux textes internationaux pertinents en matière de prévention et de répression. C’est le cas de l’article 15 de la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre des personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques dont l’article 4 énonce que « les États parties collaborent à la prévention des infractions (…) en échangeant des renseignements (…) ». La même formulation est reprise66 dans la convention internationale contre la prise d’otage adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1979. L’accord sur le PCMS s’inscrit dans le cadre de la convention de l’OUA de 1999 dont l’article 4(e) prévoit que les États s’engagent à « promouvoir l’échange d’informations et de connaissances spécialisées et mettre en place des bases de données sur les éléments, groupes, mouvements et organisations terroristes ».

En matière d’échange d’informations, la même convention prévoit en son article 5 paragraphe 3 que « les États s’engagent à respecter la confidentialité de toutes les informations échangées entre eux et à ne pas fournir une telle information à un autre État qui n’est pas partie à la présente convention (…) »67.

Une stipulation similaire dans l’accord du PCMS aurait pu être juridiquement utile car elle constituerait une garantie et une assurance dans l’échange des informations pour consacrer un « droit à l’échange des informations » en vue d’une action commune efficace. Néanmoins, l’absence d’une telle mention dans l’accord sur le PCMS ne constitue pas nécessairement un obstacle si les États agissent sur la base du principe de bonne foi. Car ce sont les États membres qui désignent eux-mêmes un officier de liaison en leur sein et un autre « coordinateur national de sécurité » comme interface de la plate-forme au niveau national tout en assurant le lien avec les services de sécurité compétent pour la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée transnationale selon l’article 4.

L’accréditation par chaque État d’un officier de liaison membre suppose une certaine dépendance de l’officier par rapport au gouvernement de l’État. Outre son action préventive, la plate-forme est un mécanisme d’appui à la répression. C’est à partir des informations croisées qu’elle juge pertinentes que des mesures conjointes bilatérales pourraient être exécutées. La nature « des opérations conjointes ou multilatérales de prévention ou de répression » n’est pas précisée. Mais il est possible de penser que ces opérations peuvent bien être le recours à l’emploi de la force aussi bien qu’une action policière ou judiciaire. Cela signifierait que la nature des opérations préventives ou répressives est circonstancielle. De plus, il y a l’idée que les informations analysées et les propositions faites par la plate-forme puissent constituer une alerte à « l’intention de défense et de sécurité ».

De surcroît, dans une perspective de prévention et de répression, la coopération s’exerce en matière de sécurité de frontières. En ce sens, l’objectif de la plate-forme sert, selon son article 12 « [d]’instruments pour l’harmonisation des procédures et l’articulation d’une vision commune des objectifs et résultats escomptés à travers le contrôle commun des frontières », mais aussi « [d]e mécanisme de coopération policière en matière de lutte contre les différentes formes de criminalités »68.

Par « harmonisation des procédures », il faut entendre selon l’article 13 du PCMS « [l]’option pour des critères communs de contrôle, des marchandises et des moyens de transport en tenant compte des impératifs de sécurité, de développement et de bonne gouvernance dans la région »; « la répartition des missions de contrôle aux postes frontaliers terrestres entre les États sur le critère des trafics entrant et sortants » ; de même qu’à « [l]’utilisation des bases de données communes adaptées à la nature du commerce et les menaces transversales qui pèsent sur la région » ; et pour assurer « la présence permanente des patrouilles aux points de contrôle de manière à ce que leur absence soit comblée par la présence d’un État voisin »69.

Il ressort de ce qui précède que les États parties entendent faire de la plate-forme une structure de coopération intégrée et unifiée. En effet, en supposant que la gestion des frontières se fasse par les cinq États sur un même mode de fonctionnement, la formule « critères communs de contrôle » impliquerait que les procédures soient similaires. Fonctionner sur les mêmes principes pourrait favoriser le développement d’une certaine intégration juridique puisqu’il faudrait que les réglementations en matière de contrôle soient les mêmes. Ensuite, cette mise en commun des pratiques de gestion des frontières entre les cinq États montrerait son caractère impératif pour empêcher les mouvements transfrontaliers illicites d’armes, de munitions, d’explosifs, de marchandises ou de cargaisons susceptibles d’être employées à des fins de criminalité organisée transnationale et de terrorisme. Il faut ajouter à cela, la mise en commun des pratiques de gestion dans le cadre d’une coopération intégrée des bases de données en particulier en matière de financement du terrorisme par la référence « au commerce ». Enfin, le volet prévention se traduit par l’existence de patrouilles communes afin d’exclure en principe le vide de la présence de l’État aux frontières.

Il s’agit des mesures opportunes et de l’engagement des États parties pour garantir la sécurité et pour gérer les frontières. Il est probable que l’exécution de la gestion des mouvements transfrontaliers soit du ressort de la force conjointe, ou à tout le moins de sa composante policière. L’application des mesures de sécurité transfrontalière doit alors être conforme au droit international en particulier les droits de l’homme.

Par ailleurs, le bureau de lutte contre le terrorisme des Nations unies met en garde contre les abus ou les mesures disproportionnées qui pourraient exister en matière de contrôle. Car la sécurité ne doit pas être opposée aux droits humains et les personnes qui traversent les frontières ne sauraient être considérées comme la cause du problème de sécurité même si certains individus en pourraient profiter pour menacer la sécurité des États : « Most individuals who cross borders do not pose a security threat wherever there are coming from and whatever their reason for travelling. They should not be treated with suspicion. Protecting their lives and security of public by taking steps to prevent terrorists act is a part of State’s international obligation to protect human Rights »70.

Le bureau reconnaît néanmoins que « individuals who travel to plane, prepare, participate in or perpetrated terrorist acts or to provide or receive terrorist training pose a serious of security. Screening for security risks potentially helps to prevent the entry into, or transit through, the territory of your country by such an individual. This is a key to protect lives »71.

Dès lors, il faut qu’il y ait une proportionnalité entre les objectifs et les moyens mobilisés pour répondre à la menace. Il est dès lors essentiel de ne pas perdre de vue l’importance du respect des droits de l’homme afin de ne pas nourrir les discours de mobilisation des groupes terroristes. Les États s’abritent dans la lutte antiterroriste pour prendre des mesures disproportionnées à l’égard des personnes qui traversent les frontières.

Concernant la coopération policière, selon l’article 14 il appartient à la plate-forme « d’encadrer (…) à travers le coordinateur national, l’action des postes frontières et leur donner la motivation nécessaire pour collaborer dans les domaines : de l’information générale, de la lutte contre le terrorisme, la lutte contre le trafic de drogue, la lutte contre la criminalité transfrontalière, y compris la criminalité transnationale organisée, la lutte contre la migration irrégulière ».

L’agent qui coordonne les activités au titre du PCMS agit pour promouvoir la coopération intégrée. L’article 15 stipule que « le coordinateur national veille à ce que les postes frontières permettent un échange soutenu d’informations ; un engagement sans faille dans la réussite des procédures et des autres techniques transfrontalières d’enquêtes prévues par les conventions internationales ou les autres accords bilatéraux ou multilatéraux en la matière ; la sensibilisation et la sécurisation des frontières, pour assurer leur adhésion aux objectifs de lutte contre ces phénomènes ; la protection de l’économie de ces populations contre le grand banditisme et les autres activités illicites ».

Le coordinateur ainsi nommé au niveau national exerce un rôle de facilitateur dans la collaboration en vue du partage d’informations entre les gouvernements en matière de gestion des frontières. L’objectif est d’assurer et de maintenir un échange régulier d’information dans les matières visées par le présent accord. Toutefois, il demeure que les États du G5 Sahel, au moment où ces lignes sont écrites semblent insuffisamment dotés d’infrastructures, en particulier lorsqu’il s’agit de mener des opérations en dehors des capitales et des zones proches du pouvoir central. Les gouvernements doivent développer suffisamment des infrastructures et l’accès à la technologie, donc disposer des possibilités techniques d’identification et de contrôle des frontières afin d’assurer une couverture optimum de l’espace concerné. Dans la collecte des renseignements dans la lutte contre la criminalité internationale notamment le terrorisme, le crime organisé transnational et le renseignement humain et technologique doivent être associés. L’utilisation des drones pourrait être une alternative, mais encore faut-il que ces États disposent des plus efficaces. En tout état de cause, ces insuffisances constituent des obstacles à la capacité de projection des États du G5 Sahel pour prévenir et réprimer efficacement la criminalité liée au terrorisme ou organisée de façon transnationale.

Pour combler notamment ce déficit, le G5 Sahel a développé des coopérations avec des institutions spécialisées. À cet effet, le G5 Sahel et l’Organisation internationale de police criminelle, plus connue sous la dénomination de OICP-INTERPOL) ont signé un accord de coopération le 16 mai 2019. Selon l’article 2 du statut de l’OICP-INTERPOL, les buts sont « d’assurer et de développer l’assistance réciproque la plus large de toutes les activités de police criminelle, dans le cadre des lois existantes des différents pays et dans l’esprit de la déclaration universelle des droits de l’homme ; d’établir et de développer toutes les institutions capables de contribuer efficacement à la prévention et à la répression des infractions de droit commun »72.

Les deux organisations ont signé un accord de coopération. En effet, cet accord constitue un cadre de coopération entre les deux organisations dans les limites de leurs domaines de la prévention et de la répression des actes terroristes et d’autres formes de criminalité transfrontalière. Il définit le cadre juridique réglementant les deux organisations, les échanges de données et d’informations tout en précisant les modalités de la coopération technique, de la formation et leur renforcement73. La FC-G5S est constituée d’une composante militaire et d’une composante policière. Le PCMS est la structure de coordination aux niveaux régional et national.

Dans le cadre d’un projet dénommé « intégration pour impact : Interpol et la force conjointe du G5 Sahel- composante police » envisagé sur trois ans (2019-2022), l’Organisation internationale de police criminelle en tant qu’institution spécialisée dont la mission consiste à faciliter la coopération policière internationale apporte son assistance à ces deux composantes en particulier celle qui est policière. Ce projet consiste principalement à promouvoir l’utilisation effective des capacités d’Interpol par la composante police de la FC-G5S aux côtés des bureaux centraux nationaux74 (BCN) d’Interpol et des unités spécialisées et des autorités frontalières du G5. Il s’agit de favoriser l’accroissement des échanges et des informations et des renseignements policiers75. L’assistance est organisée en fonction de trois impératifs stratégiques : premièrement « permettre l’échange entre les forces militaires et les services chargés de l’application de la loi » ; deuxièmement, « apporter une assistance spécialisée aux unités de la FC-G5S et aux bureaux centraux nationaux » ; et troisièmement, « établir et de maintenir un accès au système I-24/776 d’INTERPOL »77.

La même logique de coopération s’est aussi développée et renforcée en matière de prévention et de répression entre le G5 Sahel et l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) dans le cadre en particulier de l’opérationnalisation de PCMS. Ainsi, ONUDC a apporté son assistance dans le cadre des activités de formation en matière de techniques d’enquête pour le trafic de drogue, de collecte, d’analyse et de partage de renseignement78. Au même titre qu’Interpol, l’ONUDC fournit une assistance technique et un renforcement des capacités afin d’aider les États de l’ONU à mettre en œuvre la Stratégie mondiale antiterroriste79.

Dans la même perspective, il apparaît nécessaire de développer et de renforcer le cadre de coopération entre le G5 Sahel, en particulier le PCMS et l’institution spécialisée de coopération policière africaine, créée en 2014 par l’Union africaine (UA), dénommée Organisation africaine de coopération policière (AFRIPOL)80. En plus de la proximité géographique, la coopération avec Afripol présente l’avantage d’une similarité des formes de criminalité transfrontalière. Par conséquent, cette institution peut apporter son assistance à la composante police du FC-G5S et à la composante militaire pour renforcer la coordination des patrouilles et des opérations conjointes. S’inscrivant donc dans l’esprit d’Interpol ou d’Europol81 ; Afripol dont le siège est à Alger, a été instituée pour lutter contre la criminalité transnationale sous toutes ses formes, y compris le terrorisme en établissant un cadre de coopération policière dans un objectif de prévention.

En effet, Afripol vise plusieurs objectifs notamment l’élaboration d’une stratégie africaine commune pour lutter contre la criminalité transnationale organisée, contre le terrorisme et contre la cybercriminalité ; pour construire un cadre cohérent pour une coopération policière efficace sur les plans à la fois stratégique, opérationnel et tactique entre les organismes policiers des États parties ; pour assurer la prévention, la détection et les enquêtes sur la criminalité transnationale organisée ; pour offrir une assistance technique dans la formation, l’échange d’expériences, l’expertise et les bonnes pratiques entre les polices africaines82. Il faut ajouter à cela, l’objectif de consolidation de la coordination entre les forces de police au sein des opérations de paix et avec le groupe d’appui stratégique à la police par rapport à la planification, la mobilisation et le déploiement83.

Il faut souligner que les structures mises en place par le G5 Sahel notamment le PCMS représentent une opportunité et un « grand pas » pour renforcer la coordination et d’harmoniser les mesures prises pour lutter notamment contre des activités criminelles en particulier le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. De ce point de vue, le cadre de coopération restreinte constituée de cinq États est un avantage84 parce qu’il s’agit en premier lieu d’États affectés par de problèmes similaires. Une action commune conduirait ainsi à une réponse plus intégrée en matière de défense et de sécurité. Il en est de même en ce qui concerne les problèmes de développement notamment le déficit des infrastructures.

Dans une perspective prospective, plusieurs interrogations demeurent principalement par rapport à la pérennité du G5 Sahel et aux structures communes créées pour lutter conjointement contre le terrorisme, le trafic de drogue et la criminalité transfrontalière organisée. En effet, aucune organisation intergouvernementale ne pourrait être viable si, pour fonctionner elle doit compter essentiellement sur des partenaires extérieurs, qualifiés par la convention du G5 Sahel de « techniques et financiers ». Par ailleurs, la pérennité du fonctionnement du G5 Sahel ne serait pas garantie en raison de sa dépendance financière à des bailleurs internationaux. En outre, l’instabilité politique d’au moins trois États à savoir le Mali le Burkina Faso et le Tchad par le fait de la prise du pouvoir par des militaires a des conséquences négatives sur le fonctionnement le G5 Sahel85. La question de la gouvernance de l’organisation G5 Sahel voire de sa pérennité a été suscitée par l’annonce du retrait du Mali de l’organisation de « tous les organes et des instances du G5 Sahel » le 15 mai 202286.

 

*

* *

 

La Convention portant création du G5 Sahel définit l’objet et le but de l’organisation. Les États ont doté l’organisation de plusieurs organes notamment le conseil des ministres, le secrétariat exécutif, en charge de l’exécution des décisions du conseil des ministres, ces derniers étant institués par la conférence des chefs d’États. L’objectif des cinq États parties vise à développer une stratégie de réponse fondée en théorie sur un traitement duale, c’est-à-dire sur une politique militaire et sur des politiques publiques de développement afin de contenir le terrorisme et des autres menaces connexes l’alimentant comme les trafics illicites notamment d’armes, de stupéfiants. À cet effet, la force conjointe du G5 Sahel est créée pour répondre à ces défis tout en étant dotée d'une composante de police. Ainsi, le cadre juridique qui organise le recours à la force armée est d’abord régi par la charte de fonctionnement de partenariat de coopération transfrontalières des forces armées du G5 Sahel y compris la coopération de la force Barkhane. C’est surtout le concept d’opérations stratégiques (CONOPS), adopté par le comité de défense et de sécurité du G5 Sahel et approuvé par le conseil de sécurité de l’UA et de l’ONU qui fournit le cadre juridique. De plus, ce texte organise les modalités de répartition des opérations des forces armées sur le terrain, la protection de la population civile, le respect des principes essentiels du DIH et la consécration du droit de poursuite des groupes terroristes jusqu’à cent kilomètres. N’est pas absent le risque d’excès dans les opérations militaires car les militaires disposent de la possibilité d’apprécier si un groupe ou un individu relève du terrorisme. Le risque de confondre la population civile à un groupe armé terroriste peut être élevé en l’absence d’un cadre juridique clair. La création d’un collège de défense même si une Académie régionale de police du G5 Sahel a été créée au Tchad se traduit par la prévalence de la réponse sécuritaire.

La conclusion d’un accord sur le développement dans une plate-forme de coopération en matière de sécurité (PCMS), a le mérite d’introduire une réponse qui privilégie les renseignements et le partage d’informations entre les différents services de sécurité des États en vue de la répression et la prévention. Elle confère une place non négligeable à la judiciarisation. Cette coopération policière est élargie à d’autres institutions internationales spécialisées comme INTERPOL dans le cadre d’un accord de coopération avec la composante police de la force conjointe du G5S. L’instabilité politique dans la région du fait des coups d’État survenus d’abord au Mali, ensuite au Burina Faso puis récemment au Niger tend à remettre en cause la pérennité de l’organisation sous régionale.

 

 

 

1 Par exemple l’attaque du restaurant La Terrasse de l’Hôtel Radisson Blu à Bamako en 2015, revendiqué par le groupe terroriste d’alors, Al-Mourabitoune, dont des principaux auteurs était un Mauritanien de Ouagadougou en 2016.

2 Mamane Sambo SIDIKOU, « Sécurité et développement : le G5 Sahel et le sens de l’urgence », in Peer DE JONG (dir.), Sécurité et développement dans le Sahel, du concept à la réalité, L’Harmattan, Paris, 2020, p. 14.

3 Mady SAVADOGO, « Coopération militaire transfrontalière dans la bande sahélo-saharienne : domaine de coopération possible entre le G5 Sahel et la Commission du bassin du lac Tchad », in Sécurité et développement dans le Sahel, du concept à la réalité, p. 104.

4 Convention portant création du G5 Sahel, 19 décembre 2014.

5 Ibid., § 4 alinéa a) ; plusieurs autres sont énoncées comme « b) le besoin d’institutions démocratiques stables et pérennes avec une force implication de la population ; c) la nécessité de promouvoir les zones les moins développés ; d) le déficit en infrastructures de bases (transport, énergie, hydraulique et télécommunication) ; e) la sécurité alimentaire et le pastoralisme ; f) le développement humain et la gestion de l’eau ».

6 Ibid.

7 Ibid.

8 Ibid., § 9 du préambule.

9 Patrick DALLIER, Mathias FORTEAU et alii, Droit international public, op. cit., p. 658-659.

10 Ibid.

11 Le régime juridique est fixé par un accord de siège. Ce texte précise notamment les droits et les obligations des agents du secrétariat permanent, les avantages et les privilèges accordés aux agents d’une organisation internationale, l’inviolabilité du siège, voir l’accord de siège entre le gouvernement de la République islamique de Mauritanie et le secrétariat permanent du G5 Sahel. https://www.g5sahel.org/wp-content/uploads/2015/11/images_Docs_Accord_de_siege_Fr.pdf.

12 Normative dans le sens d’adopter des règles de comportement pour assurer le fonctionnement de l’organisation, voir Patrick DALLIER, Mathias FORTEAU, et alii, Droit international public, op. cit., p. 671. Ainsi dans le cadre de ses missions, il appartient au conseil des ministres selon l’article 8 stipule : (IV) « d’établir et d’adopter le règlement intérieur » ; (V) « d’approuver l’organigramme et le statut du personnel du secrétariat permanent », (VI) « d’approuver le programme de travail et le budget ».

13 Entretien à Bamako avec un haut responsable du point focal G5 Sahel Mali, 15 novembre 2018.

14 Ibid.

15 Abdelhak BASSOU, « L’État, les frontières et les territoires du Sahel : Cas du G5 Sahel », OCP Policy Center, octobre 2017, PB-17/33, p. 4.

16 Convention portant création du G5 Sahel, § 4 du préambule.

17 Communiqué final du sommet des chefs d’États du G5 Sahel, N’Djamena, 20 novembre 2015, communiqué disponible sur le site du G5 Sahel, consulté le 25/07/2022.

18 Organigramme du secrétariat exécutif du G5 Sahel, https://www.g5sahel.org/organigramme2/, consulté le 25/07/2022.

19 Programme d’investissement prioritaires (PIP), 1er octobre 2018, https://www.g5sahel.org/programme-dinvestissements-prioritaires-pip-g5-sahel/ consulté le 25 juillet 2022.

20 Nicolas DESGRAIS, « Le G5 Sahel, en réaction à la mutation de l’environnement stratégique sahélien, politiques régional de coopération et niveaux d’engagement d’États membres », in Hugo SADA (dir.) juin 2018, Fondation pour la recherche stratégique, p. 54.

21 Résolution n° 00-01 2017 relative à la création d’une force conjointe du G5 Sahel, Bamako, 6 février 2017.

22 Mady SAVADOGO, « [c]oopération militaire transfrontalière dans la bande sahélo-saharienne : domaines de coopération possible entre le G5 Sahel et la commission du bassin du lac Tchad », in Peer DE JONG (dir.), Sécurité et développement dans le Sahel, du concept à la réalité, op. cit., p. 117.

23 Rapport du secrétaire général sur la Force conjointe du groupe des cinq pays du Sahel, S/2017/868, 16 octobre 2017, § 5.

24 Cité par Nicolas DESGRAIS, « Le G5 Sahel en réaction à la mutation de l’environnement stratégique sahélien, politiques régionales de coopération et niveau d’engagement des États », in Hugo SADA (dir.), Fondation pour la recherche stratégique, juin 2018, op. cit., p. 61.

25 Mady SAVADOGO, op. cit. p. 116.

26 Voir en ce sens Cyril Robinet, « Genèse de la force du G5 Sahel », consulté le 31 juillet 2022, accessible sur https://afriquedecryptages.wordpress.com/2018/01/16/genese-de-la-force-conjointe-du-g5-sahel/, qui explique notamment les circonstances et les pratiques qui ont présidé et incité à établir une réponse par la mise en place institutionnelle.

27 Mady SAVADOGO, op. cit., p. 117.

28 La FC-G5S opère avec 5 000 officiers de l’armée au moment où ces lignes sont écrites, et la mise en place d’une composante de police au sein de la force conjointe. D’ailleurs, la mise en place des unités d’investigations de cette composante est prévue dans les dispositifs sécuritaires et les systèmes de justice pénale nationaux, voir « Recommandations, l’atelier l’opérationnalisation de la composante police de la force conjointe du 5G Sahel », Niamey, 10, 11 et 12 avril 2018, disponible : https://www.unodc.org/documents/westandcentralafrica/Recommandations_Atelier_de_Niamey_REV.pdf.

29 Rapport du secrétaire général sur la situation du Mali, S/2017/271, 30 mars 2017, § 19.

30 Ibid., il ressort du rapport du secrétaire général de l’ONU que le 8 janvier 2017, dans la région de Ménaka, les forces armées maliennes sont attaquées par des acteurs armés non identifiés, le 22 février dans l’ouest du Niger, proche de la frontière avec le Mali, des éléments terroristes s’en sont pris à des soldats nigériens qui patrouillaient dans la région, faisant plusieurs victimes. De plus, le 5 mars, un poste militaire malien est attaqué près de la frontière avec le Burkina Faso faisant plusieurs victimes côté malien, revendiqué par le GSIM ; le 6 mars une autre attaque est perpétrée contre des forces nigériennes par des groupes armés non identifiés près de la frontière avec le Mali et le Burkina Faso faisant plusieurs victimes, § 20.

31 Conseil de sécurité des Nations unies, S/RES/2359, (2017), 21 juin 2017.

32 Ibid.

33 Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, « Rapport de situation : projet d’appui du HCDH à la force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre du cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire 1er mai 2018-31 mars 2020 », 5 août 2020, § 47.

34 Communiqué du Conseil de paix et de sécurité (UA), 679ème réunion, PSC/PR/COMM/(DCLXXIX), 13 avril 2017, Addis Abéba, Éthiopie.

35 Ibid.

36 Rapport du secrétaire général sur la Force conjointe du groupe des cinq pays du Sahel, S/2017/868, op. cit., § 18.

37 Ibid., les trois secteurs stratégiques sont respectivement dénommés secteur ouest, secteur central, donc du Liptako-Gourma, et secteur est.

38 Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, « Rapport de situation : projet d’appui du HCDH à la force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre du cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire 1er mai 2018-31 mars 2020 », op. cit., § 38.

39 André BROSSARD, La criminalité internationale, PUF, Que sais-je ? 1988, p. 106.

40 Nations unies, S/2020/373, Force conjointe du groupe des cinq États du Sahel, Rapport du secrétaire général, 8 mai 2020, § 11.

41 Entretien à Bamako, 15 novembre 2018.

42 Ce droit est défini comme : « [d]roit reconnu à un État côtier de continuer en haute mer, au moyen d’un de ses navires de guerre ou aéronefs militaires ou d’autres navires ou aéronefs affectés à un service public et autorisés à cet effet, la poursuite ininterrompue d’un navire étranger dont il considère qu’il est en contravention, dans une zone sous sa souveraineté ou juridiction, à ses lois et règlements applicables à cette zone, conformément au droit international », in Jean SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international, op. cit., p. 857. Il ressort que ce droit, à l’origine traite de la possibilité pour un État riverain, victime d’une violation de sa souveraineté d’engager une poursuite contre le contrevenant. Transposé dans le cas du G5S, dont la majorité est enclavé, consisterait, au regard de la possibilité de poursuite de groupes criminels transfrontaliers jusqu’à entrer dans la souveraineté des membres sur la base de la limite prévue.

43 Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, « Rapport de situation : projet d’appui du HCDH à la force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre du cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire », 1er mai 2018-31 mars 2020 », op. cit., p. 10.

44 Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, « Projet d’appui à la force du G5 Sahel dans la mise en œuvre du cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire », Bulletin d’information n° 002, janvier-juin 2020, p. 4, https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Countries/Africa/Newsletter_Jan-June2020.pdf.

45 Abdennour BENANTAR, Les initiatives de sécurité au Maghreb et au Sahel, op. cit., p. 167-207. L’« opérationnalisation » pleine de la FC-G5S a été mise en cause plusieurs fois en raison de sa dépendance en matériel et de sa formation, voir en ce sens, Rapport du secrétaire général sur la force conjointe du groupe des cinq pays du Sahel, S/2018/1006, 12 novembre 2018, § 2.

46 Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, « Rapport de situation : projet d’appui du HCDH à la force conjointe du G5 Sahel dans la mise en œuvre du cadre de conformité aux droits de l’homme et au droit international humanitaire 1er mai 2018-31 mars 2020 », § 94, op. cit.

47 Ibid., plusieurs allégations d’incidents sont décrites et susceptibles de constituer des violations des droits de l’homme dans lesquelles serait impliquée la F-G5S comme des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des meurtres, § 122 à 124.

48 Mady SAVADOGO, « Coopération militaire transfrontalière dans la bande sahélo-saharienne : domaines de coopération possible entre le G5 Sahel et la commission du bassin du lac Tchad », op. cit., p. 121 ; voir aussi le site dédié au collège de défense du G5S, consulté le 10 septembre 2022, https://cdg5s.org/fr/node/1185.

49 AfricaNews, « Mauritanie, le collège de défense et de sécurité contre le terrorisme à partir de 1min36 à 2mim consulté le 8/08/2022, accessible https://www.youtube.com/watch?v=tbTBCgtDGOw.

50 Mady SAVADOGO, op. cit., p. 122.

51 Ibid.

52 Communiqué finale de la 4ème session ordinaire de la conférence des chefs d’États, Niamey, 6 février 2018, p. 4, § 15.

53 G5 Sahel, « Inauguration du nouveau siège de l’académie régionale de police du G5 Sahel », 3 août 2022 ; il s’agit d’une déclaration du coordinateur point focal du G5 Sahel au Tchad; consulté le 8/08/2022, accessible, https://www.g5sahel.org/inauguration-du-nouveau-siege-de-lacademie-regionale-de-police-du-g5-sahel/. L’académie a pour but de « renforcer les compétences et les connaissances des forces de sécurité intérieure, ainsi que la coopération régionale entre elles, la criminalité transnationale organisée, et le trafics de tout genre », voir Tchad info, « Interview : l’académie régionale de police est une structure de formation continue destinée aux cadres supérieurs de la police nationale des États du G5 Sahel s», consulté le 9 août 2022, https://tchadinfos.com/securite/interview-lacademie-regionale-de-police-est-une-structure-de-formation-continue-destinee-aux-cadres-superieurs-de-la-police-nationale-des-etats-du-g5-sahel/.

54 David CUMIN, Le terrorisme histoire, science politique, droit. 20 points clés, op. cit., p. 164-165.

55 Voir Centre sahélien d’analyse des menaces et d’alerte précoce, consulté le 9/08/2022, accessible sur la plate-forme dédiée au centre : https://www.csamap.org/missions.

56 Ibid., https://www.csamap.org/strategie.

57 CSAMAP, https://www.csamap.org/strategie, op. cit.

58 Conseil de sécurité, Résolution 2322 (2016), S/RES/2322 (2016), § 13 (h) ; le § 15 enjoint aussi à tous les États, « conformément au droit international d’envisager d’établir des lois et des mécanismes appropriés de nature à favoriser la coopération la plus large possible, y compris la nomination d’agents de liaisons, de coopération en services de police, la création ou l’utilisation, le cas échéant, de mécanismes d’enquête conjointe, et une coordination accrue des enquêtes transfrontalières dans les affaires de terrorisme (…) ».

59 La stratégie antiterroriste mondiale de l’Organisation des Nations unies: A/RES/60/288, Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 8 septembre 2006, Assemblée générale 20 septembre, p. 6, § 4.

60 Ibid., § 8.

61 Accord sur l’organisation et le fonctionnement de la plate-forme de coopération en matière de sécurité, décembre 2015.

62 Accord sur le fonctionnement et l’organisation de la plate-forme de coopération en matière de sécurité.

63 J. C. MARTIN, Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, op. cit., p. 363.

64 Julien THÉRON « La coopération en matière de lutte contre les réseaux djihadistes », in Sylvain JACOPIN et Aurélie TARDIEU (dir.), La lutte contre le terrorisme, op. cit., p. 187.

65 Accord sur le fonctionnement et l’organisation de la plate-forme de coopération en matière de sécurité, op. cit.

66 Article 4 (b), la convention de 1997 sur les attentats terroristes à l’explosifs dont l’article 15 (b), précise en effet que les États contribuent à la prévention des actes terroristes « en échangeant des renseignements exacts et vérifiés en conformité avec les dispositions de leur législation interne et en coordonnant les mesures administratives et autres prises (…) ».

67 Convention de l’OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, 1999.

68 Accord sur le fonctionnement et l’organisation de la plate-forme de coopération en matière de sécurité, op. cit.

69 Ibid.

70 « La plupart des personnes qui franchissent les frontières, d’où qu’elles viennent ou quelle que soit la raison de leur voyage, ne doivent pas être traitées avec suspicion. Protéger leur vie et la sécurité du public en prenant des mesures pour prévenir des actes terroristes fait partie de l’obligation internationale de l’État de protéger les droits de l’homme » (notre trad.) dans United Nations Office count-terrorism, Un counter-terrorism center (UNCCT), « Human Rights and screening in border securtity and management », Pocketbook, 2018, United Nations, New York, p. 8-9 (nous soulignons) https://www.un.org/sites/www.un.org.counterterrorism/files/1806953-en-ctitf-handbookhrscreeningatborders-for-web2.pdf.

71 Ibid., p. 9 : « Les individus qui voyagent pour planifier, participer, préparer, ou perpétrer des actes terroristes ou pour fournir ou recevoir un entraînement terroriste posent un sérieux problème de sécurité. Le contrôle des risques de sécurité permet potentiellement d’empêcher l’entrée ou le transit sur le territoire d’un tel individu. Il s’agit d’un élément clé pour protéger des vies » (notre trad, nous soulignons) le bureau de lutte contre le terrorisme de l’ONU ajoute plus loin que « even individuals suspected or convicted of involment in terrorist acts are entitled to respect for and protection of their human Rights » ; « même les individus soupçonnées ou condamnées d’avoir participé à des actes terroristes ont droit au respect et la protection de leurs droits fondamentaux », (notre traduction), voir aussi United Nations Office count-terrorism, Un counter-terrorism center (UNCCT), « Hanbook on human Rights and screening in borders security and management », p. 9 et s.

https://www.un.org/sites/www.un.org.counterterrorism/files/1806953-en-ctitf-handbookhrscreeningatborders-for-web2.pdf.

72 Statut de l’Organisation internationale de police criminelle-Interpol.

73 Signature d’un accord de coopération entre G5 Sahel et Interpol, 16 mai 2019, consulté le 17 août 2022, accessible : https://www.g5sahel.org/signature-d-un-accord-de-cooperation-entre-le-g5-sahel-et-interpol/.

74 INTERPOL fonctionne sur une logique de centralisation des renseignements et des responsabilités au niveau de chaque État partie. Une unité spéciale sous la forme d’un bureau central national va représenter le seul lien entre INTERPOL et les autres services de police nationaux. L’article 32 du statut d’INTERPOL stipule que : « [p]our assurer cette coopération chaque État désignera un organisme qui fonctionnera dans le pays comme le bureau central national. Il assurera les liaisons avec a) les divers services du pays ; b) avec les organismes des autres pays fonctionnant comme bureau central national, c- avec le secrétariat général de l’Organisation ».

75 Voir INTERPOL-G5Sahel, « Intégration pour impact : Interpol et la force conjointe du G5 Sahel-composante police », consulté le 17 août 2022, accessible : https://www.interpol.int/fr/Infractions/Terrorisme/Projets-de-lutte-contre-le-terrorisme/G5-Sahel.

76 Pour ce qui de la lutte contre le terrorisme, Interpol assure notamment l’échange d’information sur la base des requêtes adressées par les BCN. Au lendemain des attentats du 11 septembre, il est mis en place un système nouveau destiné principalement à la lutte contre le terrorisme, dénommé « I-24/7 », pour signifier « Interpol, 24heures sur 24, 7 jours sur 7 ». Par ce système sécurisé, l’accès aux bases de données INTERPOL est simplifié et permet de recevoir rapidement en temps réel des photographies, des empreintes digitales et des vidéos.

77 Ibid., le premier élément vise à mettre à la disposition des policiers des données collectées pour vérification dans les bases de données d’Interpol L et pour les diffuser aux services d’application de loi par le biais du PCMS. Le deuxième élément s’attache à partager des données biométriques, à identifier le développement de substances chimiques et d’explosifs, et d’exploiter des données et des analyses criminelles sur la base d’un modèle de renseignements et de réseaux transnationaux d’analystes.

78 Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Programme Sahel, résultat et activités, rapport d’activités 2017, p. 16.

79 Conseil de sécurité des Nations unies, Résolution 2396, (2017), S/RES/2396, p. 4.

80 La décision de création d’Afripol résulte de la déclaration d’Alger du 11 février 2014, dans laquelle il est indiqué notamment la nécessité « d’une réponse efficace contre les différents formes de criminalité au niveau du continent africain. Cela nécessite l’harmonisation des approche policières, l’échange et la diffusion des meilleures pratiques en matière de formation, de techniques d’investigation et d’expertise ainsi que le renforcement des capacités policières africaines» ; voir Mamoud ZANI, L’Organisation africaine de coopération policière (AFRIPOL), Édition Connaissance et Savoirs, 2021, p. 14.

81 Basée à La Haye, Europol soutient les États membres de l’UE dans leur lutte contre la grande criminalité internationale et le terrorisme. Son mandat consiste à soutenir les activités de lutte contre la criminalité et le terrorisme menées par les autorités répressives de l’UE., dans tous ses domaines de compétences ; voir « À propos d’Europol », consulté le 20/08/2022, accessible : https://www.europol.europa.eu/about-europol:fr.

82 Mamoud ZANI, L’Organisation africaine de coopération policière (AFRIPOL), Édition Connaissance et Savoirs, 2021, p. 25 ; l’article 3 des statuts d’Afripol fixe de nombreux objectifs. Des critiques sont apportées du fait d’un décalage entre les objectifs ambitieux fixés et l’atteinte des objectifs. Le Centre africain d’études et de recherche (CAERT) sur le terrorisme a servi d’illustration pour expliquer ce décalage, voir Saïdou BALDE, La justice pénale internationale et les conflits armés en Afrique subsaharienne : contribution à l’étude du droit international pénal, op. cit., juin 2019, thèse de doctorat, Université Toulouse Capitole, p. 498-505. Le CAERT montre un certain nombre de carences comme l’absence d’actualisation sur le site internet des publications, des données ou des informations (les dernières publications sur le terrorisme remontent à 2016 voir http://caert.org.dz/fr/). Or, les activités qui relèvent de la criminalité internationale, en particulier le terrorisme, continuent de frapper plusieurs États. En ce sens, il n’y a pas d’apport du centre. Cela étant dit, les raisons susceptibles d’expliquer une absence de dynamique dans le fonctionnement de ces structures, à savoir les raisons qui expliquent que ces structures dont la création, du point de vue institutionnel représente en soi un début d’action, ne semblent pas à la hauteur des défis que pose la criminalité internationale. Les défis ou les obstacles que rencontre une institution ne signifient pas nécessairement son échec comme semble le soutenir Saïdou BALDE, voir supra son inutilité. A tout le moins l’on se demande s’il fallait même l’instituer. Il s’agirait d’une certaine manière de soutenir une présomption d’échec. Or ce n’est pas parce que les défis semblent grands qu’ils seraient insurmontables et toute institution de coopération intergouvernementale a sa part d’échec et de réussite. Cela est consubstantiel à toutes les institutions qui ont été mises en place dans le système international et dont les États sont les fondateurs.

83 Ibid.

84 Karamoko DIALLO (s.d.), « Le G5 Sahel, radioscopie d’une institution à l’aune de la théorie des organisations internationales », Le nombre restreint est également considéré à certains égards comme un « handicap », comme la « sources de difficultés » parce que les autres États ouest africains sont « exclus » du fait que certains de ces États sont aussi confrontés au terrorisme, selon d’autres auteurs comme S. BOEKE et G. CHAUZEL cités par l’auteur (en note de bas de page), p. 4-5. Cependant, la formulation d’exclusion peut être remise en cause, car il n’y a pas eu d’adhésion a priori qui aurait conduit d’exclure par exemple des pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire. Donc, faire référence à l’exclusion ne nous semble pas la formule convenable. Pour le moment, il pourrait être prévu que les États parties n’ouvrent pas le traité à l’adhésion d’États tiers.

85 Nations unies, S/2022/382, Conseil de sécurité, Force conjointe du groupe des cinq pays du Sahel, Rapport du secrétaire général, p. 6, § 33-et 34. Le gouvernement malien a annoncé le 15 mai son retrait du G5 Sahel et de ses organes. Le rapport du secrétaire général sur la situation du Mali montre que ce retrait a eu un impact négatif sur la coordination transfrontalière des opérations (FC-G5S) car l’ayant limitée ; voir Nations unies, S/2022/446, Conseil de sécurité, La situation du Mali : Rapport du secrétaire général, p. 7.

86 Communiqué n° 30 du gouvernement de la transition, 15 mai 2022.

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Pratiques éducatives parentales et réinsertion sociale des enfants en conflit avec la loi pris en charge par la cellule de coordination de suivi et de réinsertion, Côte d’Ivoire

Bi Boli Francis Tra, Université Félix Houphouët Boigny D'abidjan, Côte D'ivoire, Gbalawoulou Dali Dalougou, Maître Assistant En Sciences Sociales Et Humaines Université Jean Lorougnon Guédé De Daloa

Pendant des décennies, plusieurs auteurs ont insisté sur l'intervention précoce pour prévenir la criminalité chez les jeunes. En fait, la délinquance est un phénomène qui n'apparaît pas d'un coup, c'est l'objet d'un long processus, qui prend ses racines dans l'enfance et l'adolescence. Pour contribuer à la résolution durable de ce problème, une étude a été menée sur les enfants en conflits avec la loi (ECL). L’objectif de ce travail est de mettre en évidence la relation entre l’éducation parentale et...

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