Note sur l’article : Cet article est extrait de la thèse intitulée Pertinence du nouveau système de droit foncier au Bénin, dirigée par MM. Alban MABA et François-Pierre BLANC, et soutenue à l’Université de Perpignan Via Domitia en 2022.
Dans une correspondance adressée au chef de l’Etat du Bénin, Yayi Boni, un Béninois de la diaspora ivoirienne (A. S. L.) décrit la situation de sa parcelle1 :
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous informer de la situation de ma parcelle identifiée (P) lot 280 AEL 986A, sis à Calavi quartier Agori 1.
Cette parcelle, après levé topographique fait 584 m2, située à un carrefour, est en passe d’être attribuée à Monsieur D.A.V., ministre de la Justice, par la mairie de Calavi et le cabinet [géomètre] Dj. Monsieur D. est parait-il sinistré à (Djadjo), un autre quartier de Calavi. Nous n’avons pas les mêmes vendeurs. Et je m’étonne donc de cette tractation.
J’ai acquis cette parcelle en 1984 et je dispose de tous les documents administratifs pour le recasement ; ce recasement est présentement bloqué par le chef de quartier, le chef arrondissement, le comité de recasement, y compris le maire qui n’attache aucune importance à cette spoliation.
J’ai porté plainte en avril 2012 au cabinet de M. Dj. qui est le géomètre chargé de cette zone de Calavi. M. Dj. m’a extorqué 250 000 F pour dit-il régulariser mon dossier. Il n’a rien fait. L’affaire a été envoyée au tribunal par la brigade de gendarmerie de Calavi (réf. envoi : cala/2012/rpo1310 du 10/05/2012). Le procureur de Calavi, après nous avoir reçu, a demandé aux conseillers, particulièrement M. A.A. et M. H.P. leur rôle. Il m’a dit de prendre un avocat. J’ai pris pour avocat, Maitre D.G. Alors qu’aucun jugement n’a été rendu, je constate que le chef de quartier et le chef arrondissement A.H. ont, fait poser d’autres bornes début février 2014, aidé des agents de M. Dj.
La délibération du dossier était prévue pour le 28 février 2014. Ce qui n’a pas eu lieu à cause de la grève des magistrats. Je viens d’apprendre ce jour 11 avril 2014 que j’ai perdu mon procès. Je ferai appel.
Je suis à la retraite depuis septembre 2009 et je ne peux rien réaliser dans mon pays, à cause de cet état de fait.
J’ai fait 3 ou 4 voyages Abidjan-Cotonou Cotonou-Abidjan à chaque audience. Finalement je suis à bout. Tout courrier adressé au préfet, au maire, au ministre de la Décentralisation, au médiateur est resté sans suite. Cela me frustre énormément, car c’est mon bien unique au Bénin. Je réside encore à Abidjan pour des raisons familiales.
Le foncier est au cœur d’enjeux multiples. La terre constitue le principal moyen de subsistance et le principal vecteur d’investissement, d’accumulation de richesse et de transmission entre les générations. De ce fait, l’accès à la terre est une des pierres angulaires de la lutte contre la pauvreté. Le foncier est une clé du développement économique des filières de production agricole, des opérations de gestion des ressources naturelles (pastorales ou forestières), des aménagements de bas-fonds ou de périmètres d’irrigation, des programmes d’appui au développement local, rural ou urbain. A ce titre, la sécurisation foncière intéresse tous les acteurs, des exploitants locaux aux investisseurs nationaux ou étrangers, des collectivités territoriales aux prestataires de services publics. La question des investissements agricoles à grande échelle, qui a attiré l’attention de toute la communauté internationale ces dernières années, sans pour autant être nouvelle, atteste que la régulation de l’accès à la terre constitue un enjeu politique et social important : du foncier dépend la sécurité alimentaire de nombreuses populations, la durabilité des ressources naturelles et la paix sociale. Ainsi, l’accession à la terre fait naître des litiges (I) et malheureusement de nombreuses malversations (II).
I. Les multiples litiges liés aux modes d’accession à la terre
« Qui terre à guerre a »2. Faire la guerre, ce n’est pas seulement piller ou être pillé, c’est aussi s’accoutumer à préférer le droit de la nécessité actuelle au respect des droits antérieurement acquis3. Considéré comme un rapport social, le foncier renvoie aux relations qui naissent entre les hommes à propos de l’accès à la terre et aux ressources naturelles y afférentes. Ces relations engendrent de multiples conflits. Dans un contexte marqué par une compétition croissante pour la terre et les ressources naturelles, cette situation favorise les revendications multiples et contradictoires4. Elle suscite des conflits dont la résolution n’est pas aisée.
Le droit de propriété est un droit reconnu à tous les citoyens par la Constitution béninoise5. Au Bénin, toute personne a droit à la propriété et l’engouement des Béninois pour la terre, démontre la valeur de la propriété mais aussi sa dimension culturelle. « Le Béninois est né les briques dans le ventre »6 : cet adage implique qu’au Bénin, tout individu aspire à avoir sa propre maison, son habitation, et ce quels que soient la qualité et l’environnement dans lequel elle est érigée. L’essentiel est d’avoir un toit sous lequel pouvoir dormir, un toit dont on est propriétaire. Ce désir accru d’être propriétaire d’un lopin de terre des Béninois entraîne une concurrence dans l’accès à la propriété foncière. Le foncier constitue donc un enjeu crucial. Sa gestion doit être située dans une perspective globale, car de son utilisation rationnelle dépendent les perspectives de développement des terroirs. Dans un contexte de pénurie de terres, il est important de s’assurer que l’utilisation des terres ne dépend pas seulement du bon vouloir conjoncturel des pouvoirs locaux. En l’absence d’une réelle volonté politique de juguler ce problème la pression foncière va s’accentuer. Malheureusement, les comportements observés ces derniers temps, tant de la part des populations que des autorités étatiques et des pouvoirs locaux, laissent penser que le rapport entretenu avec le foncier se décline davantage en termes de confrontation qu’en termes de négociation ou de concertation. Chaque groupe social essaie d’accaparer les ressources en fonction de son positionnement sur l’échiquier politique et social et de sa capacité de négociation.
Cette situation n’est pas de nature à stabiliser et à permettre un développement économique et social optimal des villes et des campagnes béninoises. Ce désir effréné d’être propriétaire se mue en une avidité dans l’acquisition des immeubles car tous les moyens pour y parvenir sont bons, ce qui explique que les litiges fonciers soient devenus un fait social. Ils représentent une bonne part du contentieux soumis aux tribunaux béninois. Les litiges les plus fréquent intéressent le plus souvent les modes d’acquisition (A) et la mauvaise foi des acteurs (B).
A. Un droit de propriété contesté
« La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements »7. Ainsi, être propriétaire implique la jouissance et la disposition de la chose. Pour être titulaire de ce droit de propriété d’un bien, il existe divers moyens. La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, donation, achat, échange… Ces différentes modes permettent d’opérer un transfert de propriété d’une personne à une autre.
La transmission par héritage peut être ab intestat ou testamentaire. La succession ab intestat est organisée par les dispositions du Code des personnes et de la famille8 (CPF) et constitue la norme au Bénin. Très peu de Béninois règlent leur succession par testament. En général, les biens restent indivis et la collectivité tout entière en hérite tandis que le chef de famille en assume la gestion. La propriété peut se transmettre par donation selon les règles du Code civil français, du Code des personnes et de la famille, voire d’autres textes. La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l’effet des obligations9.
Les donations d’immeubles se font de manière moderne en la forme notariale. La transmission de la propriété par achat-vente10 est une convention par laquelle l’acheteur acquiert ou s’engage à acquérir un bien immeuble moyennant payement d’un prix convenu tandis que le vendeur s’engage à transférer ce bien à l’acheteur moyennant le paiement du prix convenu. L’échange constitue également un mode d’accès à la propriété. Il consiste pour l’une des parties à remettre un bien à l’autre partie contre la remise d’un autre bien. L’acquisition de la propriété se fait aussi par accession ou incorporation. Elle s’opère encore par la prescription11 car le juge moderne a, dans un premier temps, reconnu la prescription trentenaire au détenteur coutumier12 et l’a, dans un second temps, abrégée à dix si le propriétaire habite dans le ressort de la juridiction du lieu de situation de l’immeuble. En outre, elle est portée à vingt ans si le propriétaire vit en dehors du ressort de la juridiction du lieu de situation de l’immeuble13.
Un phénomène social doit être pris en compte : le ménage a pris une importance de plus en plus considérable dans la famille. Aussi les familles ont volontiers admis la constitution au profit de ces ménages de masse de biens, de champs ou de plantation. Les transactions sont dès lors devenues plus fréquentes tout comme la circulation monétaire. De nombreuses familles, ont aliéné leurs biens communs qui, acquis par des particuliers, sont devenus des biens individuels et ont perdu leur caractère familial. Coexistent désormais les propriétés collectives, familiales, de ménages et individuelles.
Ainsi exposée aux mutations culturelles et sociales, la terre est devenue l’objet de tous les désirs de la part d’individus se muant en rapaces. Source de convoitise, de transactions spéculatives, aussi onéreuses que douteuses, elle suscite de nombreux conflits qui trouvent leur source le plus souvent dans les mauvaises pratiques auxquelles s’adonnent les acteurs lors des cessions et transferts de propriété, telles que le stellionat (1) et qui provoquent des revendications (2).
1. La pratique du stellionat
Au Bénin, rien ne garantit que le vendeur soit le véritable propriétaire de la chose ou parcelle vendue14 et la coexistence de plusieurs types de propriété entretient une atmosphère floue autour de la gestion foncière. En effet, depuis la colonisation, la gestion collective des terres dont le garant est le chef de terre, a été fractionnée au profit des lignages. Et le droit lignager est lui-même fragilisé par les appropriations individuelles. L’individualisme prenant le pas sur la solidarité communautaire, se produit un morcellement anarchique des domaines fonciers lignagers qui donne lieu à une féroce compétition entre individus issus du lignage ou non.
Pourtant, la succession est le mode le plus répandu d’acquisition de la propriété immobilière au Bénin. « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention »15. La réalité béninoise ne permet pas de mettre en œuvre ces dispositions du Code civil français. En pratique l’indivision est souvent imposée aux héritiers. L’administrateur des biens est soit le fils aîné du défunt, soit un des frères du défunt. Celui-ci gère les biens au nom des héritiers ou cohéritiers ; il en assume la gestion. Etant le représentant des héritiers, ce dernier accomplit des actes de disposition sur les biens qui lui sont confiés sans en informer les héritiers ou cohéritiers. Le plus souvent, les immeubles sont de vastes domaines non aménagés que le gestionnaire fait inscrire à son nom au moment de procéder à leur état des lieux. Il se permet ensuite de céder ces domaines ou des portions de des domaines, ce qui suscite des contestations de la part des autres héritiers.
Ce type de comportement tombe sous le coup du stellionat qui est le délit civil consistant à vendre ou hypothéquer à une personne, au moyen d’affirmations mensongères ou de réticences dolosives, un bien déjà vendu ou hypothéqué à une autre personne16. C’est une pratique très répandue sur le marché foncier, pratiquée par les vendeurs, démarcheurs, héritiers, débiteurs… alors que la vente de la chose d’autrui est en principe prohibée par la loi17.
L’infraction de stellionat est prévue et sanctionnée au Bénin depuis 196518. Ainsi, « est réputé stellionataire :
1°. Quiconque fait immatriculer en son nom un immeuble dont il sait, n’être pas propriétaire,
2°. Quiconque fait inscrire un droit réel sur un titre qu’il sait ne pas lui appartenir, quiconque accepte sciemment un certificat d’inscription ainsi établi,
3°. Quiconque immatricule un immeuble en omettant sciemment de faire inscrire les hypothèques, droits réels ou charges dont l’immeuble est grevé,
4°. Quiconque sciemment cède un titre de propriété qu’il sait ne pas lui appartenir et quiconque accepte sciemment cette cession,
5°. Quiconque obligé de faire inscrire une hypothèque légale sur un bien soumis à immatriculation ou une hypothèque forcée sur des biens immobiliers, consent une hypothèque conventionnelle sur les biens qui auront dû être frappés,
6°. Quiconque, frappé ou non d’incapacité, contracte avec une tierce personne à l’aide d’une déclaration mensongère ».
La vente d’immeuble se matérialise généralement par l’établissement d’une convention de vente19 établie sur la base du certificat de non-litige20 délivré par le chef de quartier du lieu de situation de l’immeuble. Or, plusieurs certificats peuvent être délivrés pour un même immeuble à différentes personnes. La convention établie confère à son titulaire un droit de présomption de propriété. D’autres documents servent également de titre de présomption de propriété : l’attestation de recasement21, le certificat de détention coutumière et d’autres encore. A côté de cela, les marchés fonciers informels sont essentiels pour ceux qui veulent accéder à la terre pour se loger, épargner, ou réaliser des plus-values. Les règles à suivre pour y accéder sont bien plus simples que sur le marché foncier formel. Les prix des parcelles y sont d’autant plus faibles que le degré d’informalité est élevé.
Cette situation contredit la formule de Joseph Comby selon laquelle : « Tout s’achète et tout se vend facilement, en Afrique. Tout, sauf la terre »22. En effet, la terre est aujourd’hui devenue source de convoitises, de toutes sortes de transactions, et par-là de moult conflits. Les terres collectives ou familiales sont mises en vente à l’insu des membres autres que le vendeur23. Or, « la propriété, particulièrement la propriété immobilière, en particulier la propriété rurale, appelle, de son essence, un caractère familial. Ce n’est pas à l’échelle de l’homme qu’il faut bâtir la propriété, c’est à l’échelle de la famille »24. La plupart des domaines étant collectifs, certains membres procèdent au morcellement, puis à leur vente sans requérir l’avis des autres membres. N’étant pas associés aux formalités de cession, les cohéritiers s’y opposent25. Pour être propriétaire, il faut qu’autrui reconnaisse le rapport qui vous lie au bien en vue d’une impossible contestation ultérieure. L’opposition peut exister, soit entre deux communautés26, soit entre un individu et une communauté après une vente de terre communautaire27. Elle peut également être entre deux individus d’une même communauté à la suite d’une succession28 ou deux individus liés par un contrat de vente29. La parcelle, objet de la vente, peut être vendue à plusieurs personnes. Les ventes sont pour la plupart consenties dans un cadre informel. Les rares ventes consenties sur le marché formel ont été préalablement réalisées de manière informelle. Les vendeurs, toujours en quête de gain, vendent plus de droits que ne leur reconnaît la coutume ou même le droit moderne. Dans la plupart des cas, ceux qui se considèrent comme les propriétaires ne sont pas ceux qui détiennent les titres. Les mutations sont rarement officialisées et celles devant être faites par le vendeur pour le compte de l’acquéreur ne le sont pas en raison de la mauvaise foi du vendeur. Les présumés acquéreurs tentent de défendre leurs parcelles comme ils le peuvent : soit en ôtant les plaques d’identification apposées par d’autres et en les déposant chez le chef de quartier (CQ) ; soit en démolissant les réalisations faites par d’autres.
Cette accumulation d’argent et de gains source d’injustice est l’œuvre de récidivistes, qui ne sont hélas pas assez inquiétés par les autorités publiques30. Résistant à la loi, ce sont des « habitués de la prison ». Ces stellionataires perdent rarement leurs procès ou ne subissent que de courtes peines de prison car ils maîtrisent les rouages de la justice.
Le stellionat n’implique pas que des individus et des communautés familiales. Les géomètres et le personnel administratif y sont aussi mêlés ou s’en rendent eux-mêmes coupables. Au cours des opérations de remembrement et de recasement, les géomètres vendent des parcelles qui ont pourtant des propriétaires31 et certaines personnes, sans avoir jamais acheté des terres se retrouvent sur la liste des acquéreurs32. Des acquéreurs fictifs sont en effet créés et des parcelles leur sont attribuées.
Les opérations de remembrement et de recasement, sont effectuées en plusieurs étapes. La première étape consiste à recenser les présumés propriétaires, à l’aide des plaques d’identification implantées sur les différentes parcelles. Celles n’ayant pas été identifiées, sont enregistrées sous anonymat et octroyées après d’éventuelles réclamations.
L’administration centrale, par l’intermédiaire de ses agents, se rend également coupable du crime de stellionat33 lorsqu’une parcelle ayant déjà fait l’objet de vente avec l’accomplissement de toutes les formalités administratives et fiscales est revendue par l’administration à des tiers.
« Ce qui est remarquable dans l’échange marchand, c’est moins la reconnaissance réciproque de la détention de chaque partenaire que la possibilité qui existe pour chacun d’eux de se dessaisir de la chose, d’en être indépendant. L’indépendance se retrouve dans le droit et le pouvoir d’opérer la rupture avec l’autre… »34. Le droit de disposition absolu de la chose doit pouvoir être transmis à l’autre partie, sans quoi la transaction ne sera pas valide.
2. Les revendications de propriété
Aujourd’hui, au Bénin, occuper une parcelle de terre, même durablement et muni d’un titre de propriété, ne constitue pas un gage de sécurité. En matière immobilière les contestations sont légion en ce pays35. Leurs causes sont multiples, pouvant notamment résulter d’un acte de donation, de la vente de la parcelle d’autrui ou d’une usurpation pure et simple du droit de propriété d’un tiers. Elles peuvent aussi se fonder sur l’usage abusif de mécanismes tels que la prescription ou l’expropriation.
Au Bénin, ces conflits en revendication ou en contestation de propriété opposent généralement les tenants du droit foncier moderne à ceux du droit coutumier ou relèvent des luttes conséquentes à l’appropriation de la terre des anciens et des communautés autochtones. Il n’est pas rare qu’une vente opérée par un propriétaire soit contestée par les descendants de sa lignée des décennies plus tard. Ce phénomène se rencontre, le plus souvent, dans le sud du Bénin où la marchandisation de la terre a connu une évolution galopante. C’est le cas également en Côte d’Ivoire où « de nombreuses ventes de terre n’impliquaient pas l’aliénation du bien foncier »36. La terre des anciens a fait l’objet de cessions consenties selon la valeur marchande de la période concernée. Ces cessions sont généralement faites pour répondre à un besoin financier ponctuel, notamment pour faire face aux frais inhérents à des événements et cérémonies tels que le décès d’un parent, la dot en vue du mariage ou du remariage d’un parent ou de l’un de ses enfants. Elles permettent de pourvoir à un besoin financier inhabituel comme la scolarisation d’un enfant, la maladie...
En droit coutumier, le contrat ne s’éteint pas par la mort de l’une des parties au contrat. Les héritiers doivent se charger de son exécution37. Cependant, la désacralisation de la parole donnée et des biens, associée au recul de la morale, conduit à des contestations et des revendications formulées par les héritiers des vendeurs. Le passage d’une conception « sacrale » à une conception « mercantile », conduit la terre à devenir vénale, ce que favorisent également l’individualisme ambiant et la puissance des échanges commerciaux et monétaires38. Les descendants évoquent la rescision de la vente pour cause de lésion39. Le droit coutumier ne régit pas le domaine de la rescision, seul le droit moderne s’y consacre. En effet, la rescision en matière de vente d’un immeuble peut être demandée, quand le vendeur a été lésé de plus des sept douzièmes de la valeur du bien lors de la cession40. Pour apprécier la lésion, il faut considérer le bien au moment de la vente. Ces ventes ayant été consenties il y a des décennies sont généralement remises en cause par les petits-enfants des vendeurs. Les personnes qui, au moment de la cession, n’étaient pas encore nées ou seulement mineures, contestent l’acte passé et revendiquent les parcelles ou domaines vendus par leurs auteurs41. Véritables fauteurs de troubles dans le domaine foncier, ils commettent de véritables « crimes de masse » en revendiquant des domaines estimés à plusieurs milliards, qu’ils arrachent à leurs propriétaires pour les brader ensuite sans scrupule. Il est généralement demandé aux présumés acquéreurs de racheter ces parcelles à un montant très élevé42, ce qui contraint ceux qui ne peuvent s’en acquitter à la dépossession de leur immeuble.
Le délai pour demander la rescision du contrat de vente est fixé par le législateur français à deux ans à compter du jour de la vente. Passé ce délai, aucune action ne peut plus être intentée43. En droit coutumier, la notion de prescription n’existe pas, ce qui entraîne des rebondissements dans les contestations des droits de propriété. En effet, les coutumes béninoises ne conçoivent pas que le temps puisse avoir une influence sur un droit. Des tiers peuvent également contester le droit des propriétaires terriens qui ne disposent pas d’un titre de propriété formel. Ces derniers n’ont quant à eux qu’à se faire établir un titre formel pour contester le droit coutumier des héritiers44.
Les terres squattées constituent aussi une source de revendication et de contestation du droit de propriété45. En effet, des parcelles ou domaines peuvent être occupés sans aucun titre légal. L’occupation est généralement consécutive à l’entretien et à la mise en culture de champs46. Or, la conception occidentale du droit de propriété, adoptée au Bénin depuis la colonisation et confirmée depuis l’indépendance, heurte les conceptions africaines traditionnelles et communautaires d’emprise du sol. La conception communautaire ou collective de la propriété foncière entraîne la superposition de droits différents s’exerçant sur les terres (droit de labour, emprunt de terre, location de terre…). Le plus souvent la détention du sol et la mise en valeur de ce sol ne reviennent pas à une seule personne alors que les titulaires de ces différents droits se comportent souvent en véritables propriétaires et se font enregistrer pendant les opérations d’état des lieux sur les listes de recensement des présumés propriétaires. Les locations sont considérées comme des ventes et les ventes comme des locations selon la position de chacun. Toute personne désireuse de revendiquer ou de contester cette occupation sera confrontée à une réalité abstraite47, telle qu’un décès ou une maladie due à la réaction du propriétaire ou de ses héritiers, bien évidemment non reconnue par le droit moderne.
D’autres terres sont occupées par pure convenance ou faute d’occupation par le véritable propriétaire, le plus souvent avec la complicité des autorités administratives48. Là, certaines personnes, ayant évolué en ville ou ayant des relations dans l’administration, se font délivrer des preuves formelles pour déposséder les populations rurales ou les citoyens lamda dans l’impossibilité d’apporter des preuves contraires ou formelles de propriété.
La solidarité était une vertu en Afrique. Au nom de cette solidarité, l’hospitalité y était offerte à toute personne. C’est ainsi que certaines personnes, amis, frères, cousins, neveux, nièces ou autres, ont été autorisées, soit à construire sur l’immeuble de leur hôte, soit à habiter la construction érigée auparavant par le propriétaire et à y vivre, parfois sur plusieurs générations, sans aucune formalité. Cet engagement reposait sur la seule bonne foi des deux parties et n’avait aucune base juridique. Or, le droit béninois moderne ne reconnaît pas véritablement ce type d’engagement. Plusieurs notions de droit moderne s’y apparentent seulement comme le bail à construction, le droit d’usage ou la copropriété. Le bail à construction est le bail par lequel le preneur s’engage, à titre principal, à édifier sur le terrain du bailleur, des constructions, à les conserver en bon état pendant toute la durée du bail49. La durée du bail est de 18 à 99 ans. Il faut d’emblée remarquer que certains éléments font défaut pour que l’on puisse parler de bail à construction. Ici, l’usage est à titre gratuit, sans aucune condition de bonne gestion ni fixation de délais. La copropriété quant à elle implique l’exercice du droit de propriété sur une même chose par plusieurs personnes. Cela implique la présence de plusieurs propriétaires, ce qui n’est pas le cas dans ce type d’engagement.
De plus, après quelques décennies, les héritiers de l’usager revendiquent l’immeuble, soit en tant que propriété de leur auteur, soit en tant que copropriétaire par droit légué par leur auteur. En somme, on assiste à la transformation du droit d’habitation, d’usufruit et de baux de terre en droit de propriété.
En Afrique, la parole donnée était sacrée ; ce qui justifie pendant longtemps le non-recours à la matérialisation des engagements. Les contrats se faisaient par convention verbale devant le chef de quartier ou de village assisté de deux témoins ainsi qu’un féticheur pour marquer la présence des divinités.
La donation fait partie des modes d’accès à la propriété mais elle est révocable dans toutes les coutumes. Chez les Peuhls du Bénin cependant la révocation n’est admise qu’en cas d’inexécution d’une condition50. En droit moderne, la donation est « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte »51. C’est une aliénation volontaire et gratuite du donateur pour les temps actuel et futur. Cela interdit toute rétractation de sa part ou contestations ultérieures de la part de sa postérité. Pour procéder à une donation d’immeuble la forme notariée est exigée.
Le mobile de la donation est très variable : un propriétaire terrien peut octroyer un ou plusieurs domaines pour marquer sa reconnaissance envers son bienfaiteur52 ou bien pour récompenser une amitié fidèle et loyale. Or, ces donations sont remises en cause par des héritiers cupides ayant épuisé les terres que leur ont laissé leurs parents. Ils revendiquent ces immeubles en brandissant des titres incontestables. Le contact avec la modernité a détérioré les relations sociales, la mauvaise foi a pris le pas sur la bonne. Les décisions des aînés sont remises en cause et le respect dû à la tradition et au sacré est perdu.
A la suite des problèmes liés à la terre qui sont source de conflits domaniaux, viennent les contestations liées à la terre qui constituent également des sources conflictuelles.
B. Les contestations liées à la maîtrise de la terre
Au nombre des modes d’acquisition de la terre existe l’achat qui est une convention par laquelle un acheteur acquiert l’immeuble moyennant paiement d’un prix au vendeur. De nos jours, c’est le mode le plus courant d’acquisition de la propriété car « tout homme doit pouvoir accéder à la propriété par le travail et par l’épargne »53. Cependant, cette affirmation n’est toujours pas réalisée au Bénin, notamment parce qu’il existe un accès à la propriété par héritage. Cela consiste à transmettre l’immeuble d’une personne décédée à une ou plusieurs personnes vivantes, pratique très courante et source de conflits et d’injustices sur le continent africain (1).
Historiquement, en Afrique, la terre appartenait à celui l’ayant mise en valeur, ce qu’il convient de dénommer « occupation primitive ». Mais, avec la poussée démographique et l’expansion urbaine, des mouvements de populations se sont produits en vue de trouver des terres à cultiver ou d’accéder à des ressources à exploiter. Ces mouvements migratoires sont problématiques en ce qu’ils suscitent une concurrence pour la maîtrise du sol et des ressources naturelles, provoquant tensions et violences parmi la population (2).
1. Partage d’héritage et empiétement sur limite
L’héritage est un mode d’acquisition qui permet à un individu ou un groupe d’individus de recevoir tout ou une partie du domaine foncier d’un parent après le décès de ce dernier. Le mode de répartition varie selon les coutumes. Dans presque toutes les coutumes, les filles sont exclues de la succession aux immeubles54. Cette exclusion est due au système patrilinéaire et virilocal qui régit le mariage en droit coutumier. L’héritage se transmet de père en fils pour la pérennisation des biens de la famille. Il est inadmissible que la famille de l’homme soit enrichie au détriment de celle de la femme car la terre n’est pas seulement un moyen de production, mais constitue aussi un facteur déterminant de pouvoir et de spéculation. Pour qu’une femme puisse hériter, il faudrait qu’elle fasse vœu de célibat ou qu’elle soit stérile. Ainsi, la terre reste au sein de la lignée après son décès. En cas de mariage, l’héritage va aux enfants qui portent le nom d’une autre lignée.
Le législateur a résolu ce problème : désormais, les femmes ou les enfants des femmes peuvent hériter au même titre que les hommes ou leurs enfants55. Tous les enfants sont égaux, aucun enfant n’est supérieur à un autre. Les femmes peuvent désormais se prévaloir du même droit que les hommes. La question qui reste en suspens est celle de l’application de cette loi sur toute l’étendue du territoire béninois, sachant bien que les mœurs, les coutumes, les pratiques et opinions, qui ne se gravent ni sur le marbre, ni sur l’airain, se trouvent ancrés dans le cœur des populations de façon immémoriale et se substituent insensiblement à la force de l’autorité56. Les biens immobiliers de celui qui meurt en ne laissant que des filles sont dévolus aux neveux chez certains peuples et aux frères cadets chez d’autres. Le partage est toujours inégal. Dans certaines coutumes, le partage est fait en décroissance, en allant de l’aîné au cadet ; dans d’autres, c’est le cadet qui est le plus avantagé tandis que l’épouse en est exclue. Avec l’avènement de Code des personnes et de la famille (CPF), une solution théorique a été trouvée57. D’autres textes juridiques, en matière foncière, permettent à la femme d’avoir accès au foncier58.
Pour autant, le partage d’héritage continue de susciter des conflits59. Certains héritiers s’estiment lésés dans le partage le contestent60, prétendant que leur part n’équivaut pas à celle de leurs cohéritiers. En effet, très peu de successions sont réglées par voie testamentaire. Pourtant le de cujus, de son vivant, peut décider de procéder au partage de ses biens, ce qu’il fait le plus souvent en avantageant certains enfants au profit d’autres, généralement sous l’influence de l’épouse préférée. Des mécontentements et des frustrations naissent parmi des héritiers qui contestent le partage opéré par l’auteur61. Le législateur a tenté de remédier à cette situation en établissant l’égalité de tous les citoyens devant la loi quels que soient leur sexe et leur âge62. La captation d’héritage, constitue également une source de conflits qui conduit à des tensions et voies de fait.
Une autre source de conflits est l’empiétement sur limite. Afin de prévenir ce type de conflit, il faut délimiter la sphère d’intervention de chacun des voisins par rapport à son propre fonds et à celui du voisin63. Cette délimitation se fait grâce au bornage et à la clôture. Le bornage est une opération qui consiste à fixer la ligne séparative de deux terrains non bâtis et à les marquer par des signes matériels appelés bornes64. Une implantation de marques extérieures apparentes et durables est nécessaire et tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës à leurs frais communs65. C’est une opération contradictoire qui doit être réalisée entre les propriétaires voisins, faute de quoi, elle n’est pas opposable au propriétaire qui n’y a pas pris part en signant la convention. Le bornage est utile car il permet de connaître les limites de la propriété, la superficie exacte du fond, et évite les risques d’empiétement sur le sol du voisin.
Au Bénin, traditionnellement, soit les terrains étaient délimités par l’implantation d’arbres, l’érection d’un temple ou couvent de « vodoun »66, la construction d’une palissade ou chambre sur les limites contiguës… soit, au nom de la collectivité, aucune limite n’était établie entre les terrains. Se pose aujourd’hui la question de savoir si ces limites apparentes peuvent certifier l’exactitude des limites entre deux terrains voisins. Si la pose de bornes est entrée dans les habitudes au Bénin, c’est à chaque propriétaire de marquer les limites de sa parcelle, sans en informer ses voisins car chacun doit connaître les limites de son fonds. L’action en bornage est personnelle et l’opération est réalisée aux frais personnels du propriétaire qui le requiert. Ces bornes sont souvent posées par le propriétaire initial et transmises aux acquéreurs et sous-acquéreurs. C’est une source permanente de conflits car, sciemment ou non, les bornes chevauchent le fonds voisin. L’empiétement consiste à installer une haie, une palissade ou un mur sur le terrain de son voisin et se considérer ensuite comme propriétaire d’une bande de terrain située au-delà de la limite véritable de son bien-fonds. « L’empiétement même minime est sanctionné par les tribunaux. Cela revient en effet à une expropriation par un particulier, ce qui est contraire au droit »67. L’action en bornage est également l’œuvre des géomètres au cours d’opérations de remembrement et de recasement. Pour déterminer la superficie de chaque propriétaire, des bornes sont posées. Cette opération est source de malversations et conflits car on assiste aux déplacements anarchiques de ces bornes par certains géomètres, soit pour agrandir l’espace d’un propriétaire qui les soudoie, soit pour créer des espaces et vendre à des propriétaires fictifs. Au cours de l’opération de remembrement68, des chutes de parcelles se dégagent des lots. Ces chutes sont souvent annexées et vendues aux propriétaires voisins immédiats69 qui manœuvrent en ce sens.
Les empiétements suscitent de nombreux procès. Dans un esprit communautaire et fraternel, des propriétaires autorisent parfois leurs voisins à empiéter sur leur terrain et franchir la ligne mitoyenne, voire à faire des aménagements censés être temporaires. Ainsi, un propriétaire peut autoriser son voisin à installer une véranda sur son terrain contre la promesse de la démolir lorsqu’il en fera la demande. La difficulté naît lorsque cette véranda est transformée en chambre…70 D’autres installent des clôtures qui réduisent la superficie du terrain de leur voisin au profit de la leur sans avoir bien sûr obtenu préalablement l’accord de ce dernier71. Pour éviter de tels conflits, il faudrait borner les terrains en connaissant leurs limites exactes… Cela éviterait les démolitions de clôtures et des bâtiments empiétant sur le fonds voisin.
2. La conquête de nouvelles terres et les querelles sur les terres agropastorales
Pays essentiellement agricole72, le Bénin est confronté à des problèmes structurels tels que la gestion des terres agricoles. La terre, ressource vitale, se raréfie avec la poussée démographique et l’extension des villes vers les zones rurales et périurbaines. Le foncier est le socle du développement agricole. L’agriculture béninoise est dominée par les petites exploitations agricoles comme dans la plupart des PMA. Ces exploitations sont constituées de petites et moyennes exploitations de type familial orientées vers la polyculture. Aux côtés des exploitations familiales, existent des entreprises agricoles modernes implantées par des promoteurs privés qui investissent leurs capitaux dans le foncier et des plantations pérennes73. Pourtant, toutes les terres cultivables ne sont pas mises en valeur74 et ce pour plusieurs raisons comme l’expansion urbaine, l’affectation de terres rurales aux industries et autres infrastructures.
« Dans beaucoup de sociétés, le passé n’est pas différent du présent, car il n’est pas autre chose qu’une part essentielle de la vie du collectif qui s’y réfère constamment, le parle, l’habite, en tire des exemples ou des ressources d’autorité »75. Dans la société béninoise, cette affirmation se justifie. Auparavant, les paysans quittaient leur lieu d’habitation pour aller travailler dans les champs d’autres contrées, à des kilomètres de distance.
La valeur vénale des terres augmente sur le marché foncier car il y a une forte demande de la part des particuliers, tels que fonctionnaires et hommes politiques qui aspire à la thésaurisation ou spéculation. Les hectares thésaurisés manquent aux paysans qui n’ont plus de terres à cultiver… « De tous les biens, la terre a cette originalité d’être en quantité finie : ce que l’un prend au-delà de son quotient paraît nécessairement enlevé aux autres ; pour elle, l’espoir est interdit, ou l’illusion, dont on se berce pour d’autres richesses, qu’en augmentant la production… »76. En quête de terres agricoles, de nombreux paysans migrent vers des zones « vierges » et s’y installent. Ces occupations engendrent de nouveaux conflits car toutes les terres font déjà l’objet d’une appropriation : il n’y a plus de terre sans maître ou, du moins, très peu de terres sont véritablement sans maître. Faudrait-il une redistribution des terres ? Nullement car le cycle infernal se poursuivra, les mêmes causes produisant les mêmes effets. De plus, un exode rural conduit les jeunes qui préfèrent céder leurs terres pour s’acheter des motos et s’installer en ville pour s’adonner à l’activité de conducteur de taxi moto communément appelé zémidjan77.
On entend par terre agropastorale, l’espace sur lequel se font les activités agricoles et celles de l’élevage extensif. « L’espace pastoral ou terre pastorale est un espace global associant des formes intégrées de mise en valeur et des droits collectifs d’utilisation et de gestion. Ces droits sont consacrés par l’histoire, par le savoir-faire technique et gestionnaire des collectivités, et par des pratiques de gestion et d’accès réciproques aux ressources pastorales »78. L’élevage représente une part importante dans l’économie et l’agriculture du pays. Il est tributaire des ressources naturelles pour la satisfaction de ses besoins alimentaires. Ces ressources naturelles sont réparties dans l’espace et le temps. Pendant longtemps, la législation nationale ne s’est pas trop consacrée aux droits des éleveurs sur les terres. La terre appartenant à ceux qui la mettent en valeur, les éleveurs sédentaires sont, malgré l’ancienneté de leur installation, considérés comme de simples occupants n’ayant que des droits d’usage. Eux-mêmes se considèrent pourtant comme propriétaires des terres. Ainsi la cohabitation est souvent difficile entre ces deux catégories d’acteurs du développement. L’extension des activités agricoles rétrécit l’espace pastoral et conduit les éleveurs à se déplacer pour chercher de nouvelles ressources pour leurs troupeaux. Ces déplacements sont devenus de plus en plus importants, voire transfrontaliers, avec la recrudescence des conflits entre éleveurs et agriculteurs. A la recherche de ressources, les éleveurs envahissent les jachères réservées aux bœufs de trait des agriculteurs, les champs souvent installés sur les domaines délaissés par les éleveurs pour la transhumance ou sur les couloirs de passage des animaux ; on assiste à la destruction des cultures qui engendre des violences à l’issue parfois tragique.
L’espace pastoral est ici victime d’une législation floue, peu adaptée et trop flexible, permettant à l’État de revendiquer sa maîtrise et de l’affecter ensuite à la réalisation de projets de développement. La superposition des droits sur les terres n’est pas prise en compte dans l’élaboration des lois. Les droits des pasteurs sont marginalisés. Il est temps de mettre en œuvre une politique foncière tenant compte de la diversité de droits exercés sur les terres.
II. La recrudescence des malversations foncières
La malversation est un « grave écart de conduite… notion générique non érigée en incrimination spéciale mais diffuse dans l’éventail des infractions financières qu’inspire l’appât du gain »79. Le manque de synergie entre les structures de gestion foncière et leur laxisme ainsi que la méconnaissance et l’inapplication des textes conduisent à des dérèglements. La terre a perdu son caractère sacré, cohésif, collectif et inaliénable. Désormais, elle est un instrument de mensuration de pouvoir et de richesse ; elle n’est plus bâtie à l’échelle de la famille, mais de l’homme. Des pratiques illégales pour l’obtenir se développent car la terre a cette originalité d’être en quantité finie80 ; ce que l’un prend manque à l’autre.
L’État, auparavant propriétaire de toutes les terres, et les collectivités locales, doivent, pour réaliser certains travaux d’intérêt public, recourir à l’expropriation. Les domaines publics et privés ont été bradés et les autorités publiques doivent désormais recourir à des conventions pour recouvrer la propriété. De surcroît, « toute convention contient toujours une dose de lésion licite, coutumièrement acceptée, car les bonnes affaires font la propriété »81. En l’occurrence cette lésion profite à une mafia (A) dont l’activité de spoliation (B) est en pleine expansion.
A. Le déploiement de la mafia foncière
Au Bénin, la gestion de la terre s’opère au mépris de toute politique foncière susceptible de contribuer au développement économique du pays. Depuis des décennies les divers acteurs du marché foncier entretiennent un climat de crise et de contestations tel que détenir un titre de propriété aujourd’hui n’est plus un gage de sécurité. La mafia foncière sévit donc en toute quiétude.
Si le développement économique, démographique et sociopolitique a transformé les enjeux gravitant autour du contrôle du foncier, il faut constater que dans le même temps, la capacité de régulation par l’État et/ou par les pouvoirs coutumiers est fortement réduite. La répartition des terres auparavant, l’œuvre des pouvoirs traditionnels, leur échappe. L’appropriation par un individu ou une famille restreinte a pris le pas sur des modes de gestion collectifs, en particulier sur les terres rurales. Les conflits se déroulant en Afrique, possèdent une dimension agraire et foncière qui est souvent sous-estimée. Ces conflits peuvent concerner des individus, des familles, des groupes, des sociétés tant nationales que multinationales et même l’État. Ils prennent la forme de l’accaparement des terres (1) et d’une corruption généralisée (2).
1. L’accaparement des terres
« Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, qui joignent champ à champ, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de places, et jusqu’à ce que vous habitiez seuls au milieu du pays »82. Dans de nombreux pays de l’Afrique de l’Ouest, la concentration de la propriété de la terre agricole entre les mains de quelques individus s’opère au détriment de la classe paysanne expulsée et expropriée des terres qu’elle exploitait depuis des générations. Les achats massifs de terres accentuent la dépendance alimentaire de la population vis-à-vis de l’extérieur et menacent le développement.
Ce phénomène est désigné par l’expression « accaparement des terres » qui vient de l’anglais land grabbing83. Elle fait référence à la prise de contrôle et à l’exploitation de grandes étendues de terres, souvent acquises ou louées par des investisseurs étrangers84. La marchandisation du foncier a permis aujourd’hui au Bénin des achats massifs de terres agricoles, ce qui implique que la terre puisse être vendue, mais à quel prix ? L’ampleur du phénomène est inquiétante et alarmante85. Plusieurs milliers d’hectares (ha) de terres ont pu être cédés aux investisseurs nationaux et étrangers ainsi qu’aux élites politico-administratives locales, privant les couches pauvres de l’accès à la terre. Au Bénin, à la différence des autres pays de la sous-région, les terres agricoles sont davantage bradées aux nationaux qu’aux étrangers.
« L’accaparement n’est pas moins dommageable que la guerre en termes d’impacts négatifs sur la population civile »86. Généralement, en Afrique, les terres accaparées par les nationaux ne sont pas exploitées pour diverses raisons. Si certains grands propriétaires confient l’exploitation de leurs domaines à des paysans moyennant un revenu, ils sont parfois victimes d’exploitants de mauvaise foi87 qui vendent ou consomment les produits agricoles à leur insu. Face à de tels comportements, d’autres propriétaires, dans l’incapacité d’être présents pour exercer un contrôle ni exploiter personnellement ces biens, préfèrent laisser les terres incultes. Les terres confiées pour exploitations peuvent être aussi objet de conflit.
La réalité au Bénin est toute autre : les propriétaires sont souvent la cible d’attaques mystiques88 qui ne peuvent être prouvées ni expliquées par la science. Par ce procédé l’exploitant peut arracher la terre à son propriétaire et susciter une psychose chez les membres de sa famille afin que personne ne vienne lui contester son « droit de propriété » usurpé. Qui, au Bénin, a la capacité d’acheter des terres à vocation maraîchères, d’acquérir des périmètres irrigués ou d’investir dans leur aménagement, d’y employer des salariés ou des fermiers si ce n’est des notables, des citadins, des hauts fonctionnaires, des commerçants ou des travailleurs immigrés ? L’acquisition massive des terres a pour conséquence immédiate l’exclusion des petits producteurs. La majorité de la population, notamment la population paysanne, vit en-dessous du seuil de pauvreté. Au vu de la faiblesse des mesures de protection sociale, ces paysans, cèdent leurs terres aux accapareurs.
Pourtant, « si l’habitant ne soulève la jarre, l’étranger ne peut tuer la souris qui se trouve en dessous »89. L’accaparement est favorisé par les gouvernants eux-mêmes. Des appels aux investisseurs sont lancés par les États. Les investisseurs présentent des projets de développement d’activités qui impliquent une implantation foncière. Or, toutes les terres ayant déjà fait l’objet d’une appropriation90, les terres sont prises aux paysans pour être cédées aux investisseurs. Leur prix varie selon la fertilité, la situation géographique ou le degré d’urbanisation91. Les élus locaux sont complices des investisseurs. Ils vont à la rencontre des populations, leur présentent les projets, les convainquent d’y adhérer pour le développement de leur localité et la création de la main-d’œuvre, ce qui n’est qu’un leurre. Mais, quiconque se lèverait pour lutter contre le bradage des terres serait alors considéré comme un ennemi du développement et perdrait son électorat.
Pire encore, les pressions sur la terre se sont accentuées avec les projets d’extension de la production d’agro-carburants qui ont conduit à céder de larges surfaces de terres arables à des investisseurs étrangers92. Dans la commune de Savè au Bénin, un bail de 30 hectares vers le fleuve Okpara a suscité le mécontentement du roi. En effet, un député natif de Savè a négocié le bail de 99 ans avec des investisseurs chinois pour y pratiquer une agriculture industrialisée. Ils ont promis l’électrification de la ville mais également le reversement d’une partie des recettes, la construction d’écoles et d’hôpitaux, de logements, etc. qui doivent accélérer le développement de la ville.
D’autres pays que le Bénin, dans la sous-région en sont aussi victimes. En Sierra Léone, des populations locales se sont estimées abusées par un contrat de bail de cinquante ans signé par l’État et la société financière des caoutchoucs Sofcin sur à peu près 6 500 hectares de palmeraie. En effet, des promesses comme des compensations pour les terres perdues, des investissements et la création d’emplois, qui sont demeurées lettre morte. Les actions de protestation ont conduit les activistes au paiement d’amende et à des peines privatives de liberté93.
La localité de Famienkro en Côte d’Ivoire est en conflit avec l’État parce qu’il lui a pris des terres qu’il a ensuite attribuées à la Compagnie Hévéicole de Prikro. Cela concerne un domaine de 11 000 hectares dont 5 000 hectares avaient été occupés par l’ex-complexe sucrier de Sérebou, une société d’État qui ne détenait aucun titre sur ces parcelles. Les populations revendiquent aujourd’hui leurs terres alors que l’État parle de terre sans maître. Pourtant, ces terres étaient mises en culture depuis des siècles. La concession date de 1993 et ce n’est qu’en 1994 que l’Etat a procédé à l’immatriculation des terres sans purge des droits coutumiers, ce qui remet en cause la concession des terres. Les populations ont violemment contesté cette concession par des mouvements qui ont conduit à des emprisonnements et des morts d’hommes94.
Les pays africains, pour attirer les investissements directs étrangers, se livrent une concurrence des facilités d’accès à la terre. Des réformes sont entreprises avec le concours des institutions internationales95 car il faut que les États se rapprochent pour définir des politiques d’investissement qui favoriseront le véritable développement et permettront aussi d’éradiquer, dans la mesure du possible, la corruption.
2. Une corruption généralisée
« Les hommes sont gouvernés non pas par des mots couchés noir sur blanc, ou par des théories abstraites, mais par les autres hommes »96. « La corruption est le comportement pénalement répréhensible par lequel une personne sollicite, agrée ou accepte un don, une offre ou une promesse, des présents ou des avantages quelconques en vue d’accomplir, de retarder ou d’omettre d’accomplir un acte entrant d’une façon directe ou indirecte dans le cadre de ses fonctions »97. Les personnes visées ici sont celles investies d’un mandat électif public dépositaire de l’autorité publique chargée d’une mission de service public98. La corruption pose en fait le problème du pouvoir. On ne peut négocier que les pouvoirs que l’on détient ou bien ceux qu’on est en mesure de faire croire qu’on détient, ce qui est plus courant, et qui constituent une autre forme de pouvoir.
En matière foncière, ce sont les acteurs étatiques, infra-étatiques et privés qui interviennent dans l’exécution de politiques étroitement liées aux autres politiques sectorielles99, ce qui est la source de difficultés inhérentes à la concurrence pouvant exister entre les objectifs poursuivis par chaque politique sectorielle.
Le foncier est un rapport social100. Il révèle les relations que les hommes entretiennent avec l’accès à la terre et aux ressources, la gestion et la garantie des droits y afférents.
Tout détenteur d’une portion de pouvoir est susceptible d’être bénéficiaire direct de détournement101. Ce détournement est favorisé par la corruption, un fléau social qui a atteint toutes les strates de la population. Elle consiste en des actes illicites, des abus de pouvoirs, des abstentions ou d’autres actes commis par les gouvernants dans l’exercice de leurs missions. Les usagers, en vue de bénéficier des services ou de contourner les normes en vigueur, offrent des présents soit en numéraire, soit en nature, dont le corrupteur prétend qu’il ne s’agit pas d’acte de corruption, mais de reconnaissance ou de gratitude tandis que le corrompu évoque une opportunité ou un « service rendu »102.
Le contournement de la loi est l’œuvre des hautes personnalités ou des citoyens de moyenne classe car la majorité de la population béninoise est analphabète et ignore souvent les règles de droit, ce qui l’expose aux effets néfastes des actes de corruption. « La raison du plus fort est toujours la meilleure »103. Le détenteur de la force est théoriquement l’État mais ce sont ses représentants qui l’exercent et la détournent à leur profit, profitant de l’impuissance de « l’État ». « La corruption foncière est donc une forme de corruption politique et publique liée à la dynamique du marché foncier et qui implique des acteurs étatiques et non-étatiques »104. Elle altère tous les actes posés qu’ils accomplissent, qu’il s’agisse d’achat de domaine, de fiscalité, d’opérations d’urbanisation et d’aménagement comme les allotissements, les recasements, les remembrements ou les ouvertures de voies.
La corruption et les détournements profitent avant tout aux plus puissants du système politico-administratif. De nombreux domaines et parcelles sont achetés ou offerts au mépris des règles en vigueur à ces élites politiques et ces hauts fonctionnaires qui usent tant de ces procédés qu’ils ne sont parfois même plus capables d’identifier ces domaines ou parcelles enregistrés en leur nom. A titre d’exemple, à la suite du décès d’un ancien ministre béninois, ont été découvertes des parcelles à son nom dont lui-même ignorait l’existence, qui provenaient soit d’un achat à vil prix car la cession dilue l’escroquerie sociale105, soit d’un don. Des parcelles sont en effet parfois octroyées gratuitement aux autorités politico-administratives par les géomètres afin d’obtenir des marchés ou ne pas être poursuivis ou dénoncés pour leurs manœuvres frauduleuses, mais aussi par des élus communaux à l’autorité de tutelle, c’est-à-dire le préfet, les ministres, voire au président de la République lui-même. Les membres du comité de lotissement peuvent aussi bénéficier de ces faveurs, recourant à un prête-nom pour camoufler leur forfait. Bénéficier d’un service « public » de la part de l’administration foncière est devenu très complexe et décourageant pour le citoyen lambda. Ne peuvent braver tous les obstacles que ceux qui ont des moyens financiers suffisants ou qui disposent d’un carnet d’adresses bien fourni, de « relations ». La maîtrise des rouages de l’administration publique leur permet d’obtenir indument la réalisation de programmes d’urbanisation.
B. L’extension de la spoliation foncière
« Nul ne peut être privé de son droit de propriété si ce n’est pour une cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement »106. En Afrique de l’Ouest, et particulièrement au Bénin, la spoliation foncière est devenue une gangrène qui sévit de façon spectaculaire et nuisible tant pour l’État que la garantie des droits. Elle constitue une dépossession violente107 ou faite avec fraude. Pour qu’une cession soit valable, il faut avoir la capacité de se dessaisir, que le dessaisissement soit sans contrainte ni manœuvres dolosives.
Le droit de propriété a une valeur constitutionnelle. Il confère au propriétaire la jouissance et la disposition de l’immeuble de la manière la plus absolue tout en respectant les usages autorisés par les lois et les règlements108. Des droits sont reconnus au propriétaire qui peut les exercer de manière absolue ; c’est-à-dire complètement, sans exception ni aucune restriction ; l’atteinte à ce droit est sujette à paiement de dommages et intérêts. Cet absolutisme est cependant théorique car le législateur y apporte des atténuations109. L’exercice du droit de propriété subit des limitations, voire des contraintes, en vue de respecter l’exercice d’autres droits.
Généralement, les atteintes à l’exercice du droit de propriété sont l’œuvre de l’autorité publique, qu’il s’agisse de l’État ou d’autres personnes de droit public. Elles relèvent des prérogatives qui lui sont reconnues pour réaliser des œuvres d’utilité publique. L’utilité publique est la « qualité qu’une déclaration officielle de l’autorité publique reconnaît à une institution ou à une opération en considération de l’intérêt qui s’y rattache pour le bien public et qui entraîne l’application d’un régime juridique plus ou moins exorbitant de droit commun »110. Elle agit alors dans l’intérêt général de la collectivité. Le service public est « […] toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’indépendance sociale et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante »111. Pour accomplir pleinement cette mission de service public, l’État et les autres personnes morales de droit public doivent se doter de biens mobiliers et immobiliers. Ces biens sont acquis soit, par voie d’accord avec les propriétaires (acquisition contractuelle), soit par la technique d’acquisition des biens propres au droit public qui comprend la « réquisition »112, la « préemption »113 et l’expropriation pour cause d’utilité publique qui est la manifestation la plus radicale de la limitation du droit de propriété. L’expropriation pour cause d’utilité publique est « l’une des plus importantes techniques auxquelles la puissance publique peut avoir recours pour imposer aux membres de la collectivité des prestations exigées par l’intérêt général »114. Elle est réglementée par des lois bien structurées, mais sa mise en œuvre se fait souvent de façon illégale (1), ce qui s’ajoute aux situations de déguerpissement anarchique (2).
1. L’expropriation illégale
Si pour certains Béninois, l’expropriation est une bonne affaire, pour d’autres, c’est un vol manifeste et sans scrupule dont les règles sont soigneusement codifiées par la puissance publique115. L’expropriation pour cause d’utilité publique est la « procédure permettant à une personne publique (État, collectivité territoriale, établissement public) de contraindre une personne privée à lui céder un bien immobilier ou des droits réels immobiliers, dans un but d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité »116. Or, la pratique révèle souvent qu’invoquer « l’utilité publique c’est se procurer un maximum de terrain pour un prix dérisoire, c’est la spoliation, le vol manifeste »117.
Au Bénin, jusqu’à récemment, la législation régissant l’expropriation se composait de la législation coloniale118 et d’une loi postcoloniale119. A ses termes, pour des raisons de nécessité et d’intérêt public, l’État peut réquisitionner, acheter ou prendre à charge, la terre, les biens et les autres moyens de production dans les villes comme dans les campagnes. Une indemnisation intervient si les conditions l’exigent120. Pendant la période révolutionnaire (1972-1990), l’indemnisation des expropriés relevait de l’appréciation discrétionnaire de l’administration. L’État était seul juge de la nécessité ou non d’une indemnisation et de la détermination de son montant121. Aussi, le plus souvent, aucune indemnisation n’était versée aux expropriés. Ils sont repérés lors des états des lieux préalables au cours desquels la promesse de compensation avec une parcelle de terrain d’un lotissement futur leur est faite. Ils sont considérés comme des « sinistrés » et l’expropriation est assimilée à une catastrophe naturelle122. Compte tenu de la vocation du sol et des débouchés offerts, sur rapport du ministre de l’Agriculture et de la Coopération, le président de la République peut, par décret, en décider l’aménagement et la mise en valeur123. De nombreuses fermes d’État ont été créées en toute illégalité sur la base d’expropriations. Elles constituent des échecs financiers. Les anciens propriétaires ont souvent peu à peu repris leurs terres et des acteurs politiques s’en sont attribuées des parcelles revendues à d’autres particuliers.
A l’arrivée de la démocratie, le droit de propriété est reconnu par la Constitution et sa violation implique un juste et préalable dédommagement124. Ainsi, en cas de nécessité et d’utilité publique, toute personne peut être dessaisie de sa propriété dans les conditions fixées par la loi. Le droit de l’urbanisme est d’ailleurs considéré comme étant celui des « atteintes légales à la propriété foncière »125.
Sur le plan régional, le dédommagement des expropriés est également obligatoire126. L’État kényan a été condamné sur cette base à payer à la communauté endorois (ethnie vivant au Kenya) un dédommagement adéquat pour la perte subie d’une part et le versement de royalties127 pour les activités économiques dans la région d’autre part128. Il a été conclu que l’État a commis « un acte illégal et a privé les Endorois du droit d’user et de contrôler les ressources de leur territoire traditionnel, les a privés de l’accès au lac Bogoria, et ne leur a pas accordé une indemnisation et compensation adéquates »129. En effet, au cours des années 1970-1979, des centaines de familles issues du peuple endorois ont été expulsées par le gouvernement kényan pour créer une réserve faunique sur le lac Hannington qui deviendra plus tard la réserve faunique de Bogoria. La Haute cour du Kenya, saisie en premier lieu d’un recours contre les conseils de comté de Baringo, a refusé de se prononcer sur l’existence d’un droit collectif de propriété de la communauté au motif que les personnes qui ont été affectées par l’expropriation n’ont pas droit à une identité propre130. Une demande a été adressée131 à la CADHP en vue de statuer d’une part sur la reconnaissance et la protection de leurs droits ancestraux sur les terres du lac Bogoria et d’autre part sur un dédommagement du peuple pour les préjudices subis du fait des violations des prescriptions des articles 8, 14, 17, 21 et 22 de la charte.
L’expropriation au Bénin suscite de nombreux problèmes et conflits. Les règles en la matière sont violées sans aucune possibilité de sanction. Malgré la législation en vigueur, le principe de juste et préalable dédommagement n’est pas respecté. Le principe de juste dédommagement suppose que l’indemnité octroyée doit être conforme à la justice et l’équité et être raisonnable. L’indemnité doit être proportionnelle au préjudice subi par l’exproprié en vue de lui permettre de se reloger dans des conditions équivalentes à celles qu’il avait avant l’expropriation. Souvent, le montant de l’indemnité est sous-évalué. Une illustration est offerte par l’indemnisation des personnes expropriées de leurs terrains pour la construction d’un poste de contrôle à Malanville. Le montant total des indemnisations après toute évaluation s’élève à 946 133 473 de francs CFA132 alors que dans le même temps, le budget national n’a prévu que 800 000 000 de francs CFA pour le dédommagement des expropriés133.
Il est fréquent que l’indemnité allouée aux expropriés au cours des procédures d’expropriation ne soit pas proportionnelle aux dommages réellement subis. Ainsi, les populations expropriées en vue de la construction de l’aéroport de Tourou, ont reçu 200 000 francs CFA par hectare alors que le prix pratiqué par la mairie de Parakou est de 800 000 francs CFA par hectare134. La population n’a donc reçu que 25 % de ce qu’elle devrait normalement percevoir.
La loi énonce que le dédommagement doit être préalable à la prise de l’immeuble. Or, la plupart du temps, le paiement de l’indemnité intervient tardivement ou n’est pas du tout effectué. Les propriétaires sont généralement dépossédés de leur bien même qu’une indemnisation n’ait été envisagée. La Cour constitutionnelle du Bénin a connu de nombreuses affaires d’expropriation sans dédommagement préalable. Pour la construction de l’aéroport de Tourou, les travaux ont été lancés le 15 décembre 2008 et la procédure d’indemnisation des propriétaires a démarré le 7 septembre 2013. Les paiements ont commencé cinq ans après le début des travaux.
Les expropriés dans le cadre du programme de RDP ne diront pas le contraire. En effet, dès le départ, l’expropriation n’est pas l’option choisie. L’État souhaite alors contraindre les propriétaires terriens à céder leurs biens en vue de l’aménagement touristique. Avec l’avènement d’un nouveau régime en 2006, l’expropriation pour cause d’utilité publique a finalement été retenue mais les procédures d’expropriation n’ont pas été respectées jusqu’en 2013, année du vote du nouveau Code foncier et domanial. Cela a entraîné de vives oppositions de la part des propriétaires et présumés propriétaires contre l’occupation de certains sites par de nouveaux acquéreurs135, d’autres populations riveraines, voire des squatters136.
L’État a été également condamné137 pour violation de la Constitution dans le cadre de la construction de la route inter-Etat Akassato-Bohicon. La cour a estimé que les procédures de dédommagement alors en cours n’avaient pas précédé les opérations d’expropriation comme l’exige la Constitution.
2. Le déguerpissement anarchique
« C’est à travers la propriété que se mesurent le plus facilement les inégalités humaines… »138 Les opérations de déguerpissement sont légion en Afrique et les villes du Bénin ne font pas exception. « Le déguerpissement est l’opération par laquelle il est fait obligation, pour des motifs d’utilité publique, à des occupants présumés de bonne foi, encore non couverts par une coutume reconnue d’une terre appartenant à la puissance publique, de l’évacuer même s’ils y ont cultivé ou construit »139. C’est une expulsion collective qui s’accompagne de violences physiques, de destructions et de mises en garde à l’encontre des individus ne disposant pas de droits reconnus sur les terres occupées140.
Le terme « déguerpissement » a une origine coloniale : il remonte à l’époque où l’administration française a procédé à l’expulsion manu militari de la population d’un bidonville dans le quartier de la Medina à Dakar, vers les dunes non viabilisées de Pikine141. Il est depuis considéré comme un procédé d’expulsion autoritaire et brutal142, notamment parce qu’il a initialement permis aux colons de déposséder les Africains habitant les villes de leurs terres. Ces derniers étaient alors le plus souvent recasés, réinstallés sur d’autres terres moins enviées ou isolées.
De telles opérations étaient faites pour diverses raisons comme l’aménagement de la ville, l’incapacité des populations à édifier des constructions dignes d’une ville, l’assainissement, l’installation des infrastructures administratives et autres. Aucune négociation ni discussion n’était possible : généralement, les populations étaient seulement informées de la décision leur ordonnant de déguerpir, d’une éventuelle réinstallation et de l’échéance à respecter.
Aujourd’hui, le déguerpissement continue d’être une arme pour l’administration des Etats africains indépendants. Il consiste à libérer les emprises des voies ou espaces publics, les trottoirs, les terre-pleins centraux occupés illégalement par la population pour installer des boutiques, des ateliers ou exercer les petits commerces informels. Les villes africaines ont toutes des problèmes d’urbanisation. « L’urbanisme est une activité d’intérêt général pris en charge par les collectivités publiques et qui permet d’encadrer la vie quotidienne des citoyens. C’est une politique publique qui nécessite la mise en œuvre d’une politique spéciale de l’urbanisme. Elle affecte la propriété foncière »143. Or, dans la mesure où aucune politique d’occupation et de construction n’est mise en œuvre par l’administration centrale concernant les espaces publics, des installations et constructions sont anarchiquement réalisées par les citoyens, le plus souvent avec la complicité des autorités locales qui perçoivent des taxes d’occupation selon des modalités variables, annuelles ou mensuelles. Ces occupations anarchiques suscitent de nombreuses interrogations.
Un autre type de déguerpissement est pratiqué sur la base d’une décision de justice. Là encore il s’agit d’expulser de manière autoritaire une population ou un groupe d’individus occupant un espace sans titre mais dans le cadre d’un conflit privé. Or, avec la prolifération des conflits fonciers, de nombreuses décisions de déguerpissement sont mises à exécution. Dans presque tous les pays africains, ce phénomène qui consiste à démolir des habitations et à laisser des populations sans abri prend de l’ampleur et devient une aporie.
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Le foncier constitue bien souvent un terrain de démonstration du niveau de richesse : d’aucuns tentent de l’accroître, d’autres d’en maintenir le niveau. C’est là que s’établissent les inégalités sociales entre riches et pauvres. L’accès à une justice « juste et équitable » n’est pas l’apanage des pauvres. La mafia foncière qui règne en maître au Bénin est une mafia très organisée qui a des exécutants dans toutes les strates de l’administration. Le mode opératoire est désormais très sophistiqué. Ils sont dans les services fonciers, maîtrisent les répertoires, circulent dans les quartiers et identifient les parcelles qui appartiennent à des personnes vulnérables, à la diaspora. Ils recueillent des informations sur de potentiels héritiers avec qui ils n’ont aucun lien de parenté à qui ils proposent ensuite leurs services d’administrateurs de biens, ce qui leur permet de mettre en litige certaines parcelles prisées de voisins frontaliers de ces héritiers. Ils ont une compétence territoriale. Avec de fausses conventions de vente chimiquement vieillies, frappées de timbres fiscaux qui datent de l’ère RPB144, ils s’en prennent aux domaines des gens au motif qu’ils avaient acheté ces parcelles chez les mêmes propriétaires quelques années plus tôt. Ils simulent un litige et traînent le dossier au tribunal... ils sont appelés « des chasseurs de parcelles »145. Les tracasseries du tribunal commencent et durent des années, périple de découragement et de dépenses pour les populations ; mais quand le verdict tombe, c’est l’expulsion au profit de la mafia qui est ordonnée. De nombreuses décisions d’expulsion sont ordonnées ainsi. Dans le quartier de Godomey-Kanglouè, dans la périphérie de Cotonou, tout un groupe d’habitants a été expulsé à la suite d’une décision de justice obtenue au profit de « présumés héritiers » revendiquant la propriété d’un domaine qui aurait appartenu à leurs ancêtres. Leurs habitations ont été détruites et ils dorment à la belle étoile. Des constructions érigées depuis des décennies sont démolies devant l’impuissance des autorités publiques. De telles situations se reproduisant avec de plus en plus d’ampleur, le gouvernement a dû prendre des mesures pour suspendre l’exécution des décisions de justice relatives à ces déguerpissements.
Bibliographie sommaire
Ouvrages
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Articles
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MCA-Bénin, « Analyse des conflits fonciers et leur mode de règlement, Analyse et recommandation », Etude 3 du Rapport de 2009.
PIERMAY Jean-Luc, « Le détournement d’espace. Corruption et stratégies de détournement dans les pratiques foncières urbaines en Afrique centrale », Politique africaine, 1986, p. 22-36.
1 Sèdagban Hygin Faust KAKAI, « La corruption foncière dans la dynamique de l’action publique au Bénin », contribution revue et aménagée du Working paper n° 12 intitulé « Government and land corruption in Benin », The Land Deal Politics Initiative (LDPI), septembre 2012, 27 p., p. 1.
2 Dicton populaire.
3 Jean CARBONNIER, Flexible Droit. Pour une sociologie du Droit sans rigueur, LGDJ, 10e éd., 2001, p. 352.
4 Philippe LAVIGNE DELVILLE, Camilla TOULMIN, Jean-Philippe COLIN et Jean-Pierre CHAUVEAU, Sécurisation des droits délégués en Afrique de l’Ouest, IIED, Londres, 2001, 35 p., p. 9.
5 Art. 22 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990.
6 Adage populaire du Bénin. Selon cet adage, le bon béninois qui a réussi sa vie, doit avoir sa propre maison. A une période de sa vie, l’homme doit être propriétaire d’un immeuble, ce qui constitue un indice de réussite de ce dernier.
7 Art. 544 du Code civil français.
8 Loi n° 2002-07 du 24 août 2004 portant Code des personnes et de la famille au Bénin.
9 Art. 711 du Code civil français.
10 Traduction littérale de la formule latine et romaine emptio-venditio désignant la vente.
11 Il faut noter que la prescription acquisitive n’existe dans aucune coutume. Point 320, Section VIII, du Coutumier du Dahomey.
12 On a d’abord considéré que le détenteur coutumier pouvait prescrire sa propriété par une possession de trente ans, ce qui lui permettrait de la vendre par la suite. Or, une simple détention ayant un caractère précaire dès l’origine, elle ne peut devenir une propriété par la prescription acquisitive.
13 Art. 2265 du Code civil français.
14 DCC n° 11-023 du 19 mai 2011.
15 Art. 815 du Code civil français de 1980 à 2006, devenu l’article 815 al. 1er du Code civil français depuis le 1er janvier 2007.
16 Gérard CORNU (dir.), Vocabulaire Juridique, PUF, 8e éd, 2009, p. 887.
17 Art. 1599 du Code civil français de 1804 toujours en vigueur tel quel aux termes duquel « la vente de la chose d’autrui est nulle ; elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ».
18 Art. 179 de la loi n° 65-25 du 14 août 1965 portant régime de la propriété foncière au Dahomey.
19 Document portant les noms et prénoms des parties à la vente (vendeur et acquéreur), de leurs différents témoins (trois pour chaque partie). Il est fait mention sur ce document, de la date de conclusion de la vente, des limites de la parcelle ou domaine objet de la vente, du montant de la transaction, de la superficie de l’immeuble, de la qualité du vendeur (propriétaire terrien, héritiers ou autres). Il est souvent précisé que l’immeuble objet de la vente est purgé de tout droit pouvant la grever. La convention, en plus des signatures des parties et de leurs témoins, est signée par le chef de quartier, le chef d’arrondissement et affirmée par le maire de la commune de situation de l’immeuble.
20 Titre délivré par le chef de quartier attestant que l’immeuble ne fait l’objet d’aucune contestation et d’aucun litige.
21 Acte délivré au présumé propriétaire lors des opérations de remembrement et recasement, servant de preuve de propriété. Acte délivré, sur les terres de tenure coutumière, surtout sur les terres faisant objet d’héritage n’ayant pas un titre de propriété.
22 Joseph COMBY, « L’appropriation des droits fonciers, des problématiques transversales », Grain de sel n° 57, janvier-mars 2012, 2e partie, p. 22.
23 PV n° 50 du règlement de litige domanial du 17 août 2011, Mairie de Parakou ; Affaire N’KOUE Jean Bernard c/ héritiers SAMPOTO Lafia Boni, BORO BOUKARI, jugement contradictoire n° 12/06 ; 108 du 7 juin 2006, dos. n° 40 AC/05 TPI Pkou ; Jugement contradictoire n° 92/10 du 24 février 2010, dos n° 41 AC/04, TPI Pkou, Aff., YOSSOUNON Moussa et consorts c/ ALLAGBE Amadou.
24 Jean CARBONNIER, op. cit., p. 384.
25 Jugement contradictoire TPI Pkou n° 92/10 du 24 février 2010, op. cit.
26 Ibid.
27 DCC n° 11-061 du 30 septembre 2011.
28 DCC n° 09-037 du 12 mars 2009.
29 PV de règlement amiable du 17 mai 2013, Mairie de Parakou.
30 DCC n° 09-026 du 10 mars 2009.
31 Est considérée comme propriétaire terrien, toute personne ayant un domaine, c’est-à-dire, composé de plusieurs parcelles des suites d’une première occupation, d’un achat ou héritage.
32 PV de règlement de litige du 23 juillet 2013 ; TPI Pkou, n° 07 RG/09 du 6 octobre 2010.
33 DCC n° 11-068 du 20 octobre 2011.
34 Etienne LE ROY, Alain KARSENTY et Alain BERTRAND, La sécurisation foncière en Afrique, Pour une gestion viable des ressources renouvelables, Karthala, Paris, 2016, p. 20.
35 Selon le rapport de MCA-Bénin, 2009, « Etude 3 : Analyse des conflits fonciers et leur mode de règlement, Analyse et recommandation », les conflits portant sur les revendications et contestations de propriété s’élèvent respectivement à 90 % devant les tribunaux ; 63 % devant les auxiliaires de justice et 42 % devant les structures administratives.
36 Etienne LE ROY, Alain KARSENTY et Alain BERTRAND, op. cit., p. 22.
37 Point 292 du Coutumier du Dahomey.
38 Emile Le BRIS, Etienne Le ROY et Mathieu PAUL, L’appropriation de de la terre en Afrique noire, manuel d’analyse des décisions et de gestion foncières, Karthala, 1991, p. 30.
39 DCC n° 11-084 du 6 janvier 2011, op. cit.
40 Art. 1674 du Code civil français.
41 TPI Pkou n° 05/03 du 16 avril 2003, 37AC-99, Aff. BOUKAR Kassimou c/ Hoirs SARIKI W. Amadou.
42 Une parcelle achetée en 1977 à un prix de 15 000 francs CFA (soit 22,87 €), mise en conflit et revendiquée par les héritiers est revendue en 2010 soit 33 ans après, à un prix de 50 000 000 millions de francs CFA (soit 7 622,53 €).
43 Art. 1676 du Code civil français.
44 Procès-verbal de compulsoire du 17 avril 2013, n° 1316, Mairie de Parakou, Hoirs MERE BATA Orou Darou.
45 Les terres squattées au Bénin représentent 7 % des terres disponibles, PSIA-Bénin 2005-2006.
46 CA Cotonou, n° 103/93 du jugement, n°417 /AC-92 du rôle, ODJO HODONOU M.M. c/ MOUSSILIOU A. 132 DCC n° 11-087 du 6 décembre 2011.
47 DCC n° 11-087 du 6 décembre 2011.
48 TPI Pkou, n° 34/13 du 29 mai 2013, dos. n° 02577 RG-1, Aff., GBEDO J. c/ YONGOU G.
49 Art. L 251-1 du Code de l’habitat français.
50 Point 286 du Coutumier du Dahomey.
51 Art. 894 du Code civil français.
52 TPI Pkou, JC, n° 42/15 du 8 novembre 2015, dos. n° 01214RG-12, op. cit.
53 Art. 3 du premier projet de Constitution du 19 avril 1946.
54 Point 256 du Coutumier du Dahomey.
55 Art. 619 du CPF du Bénin.
56 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, 1762, p. 39.
57 Art. 630 et 632, 633 et 634 du CPF du Bénin. Ces dispositions constituent une innovation apportée par le CPF qui devraient en principe améliorer l’accès des femmes à la terre.
58 Art. 4 de la loi n° 60-20 du 13 juillet 1960 fixant le régime des permis d’habiter au Dahomey ; art. 32, 33, 34, 36 et 38 de la loi n° 65-25 du 14 août 1965 portant organisation du régime de la propriété foncière au Dahomey (Bénin) ; art. 11 de la loi n° 2007-03 du 16 octobre 2007 portant régime foncier rural en République du Bénin.
59 Sophie ANDREETTA, « Pourquoi aller au tribunal si l’on n’exécute pas la décision du juge ? Conflits d’héritage et usages du droit à Cotonou », Politique africaine, 2016, vol. 1, n° 141, p. 147-168.
60 TPI-Pkou, n° 05/16 du 20 janvier 2016, dos. n° 00983RG-12, Aff. ASSOUMA Tairou c/ ASSOUMA Nassirou.
61 TPI-Pkou, n° 92/10 du 24 février 2010, dos. n° 41 AC/04, op. cit.
62 Ledit texte consacre le principe de l’égalité devant la loi ce qui laisse dire que les femmes devraient avoir accès à l’héritage de la terre en tant que citoyennes.
63 Philippe BOULISSET, Relations et conflits de voisinage, Delmas, 1e éd., 2010, p. 18.
64 Gérard CORNU (dir.), op. cit.
65 Art. 646 du Code civil français.
66 Fétiches ou divinités servant de culte dans la religion traditionnelle au Bénin.
67 Sylvie DIBOS-LACROUX et Emmanuèle VALLAS-LENERZ, Servitudes et mitoyenneté. Le guide pratique, 2012, p. 209.
68 C’est une opération de redistribution de l’espace, en vue de constituer des réserves publiques pour la réalisation d’infrastructures administratives. Elle permet aussi de désenclaver les quartiers avec l’ouverture de voies d’accès.
69 TPI-Pkou, dos. n° 02577 RG-11, op. cit.
70 Mairie de Pkou, PV de règlement de litige du 11 juillet 2013
71 Mairie de Pkou, PV de compulsoire du 6 juin 2014.
72 Selon le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, le secteur agricole produit 38 % du PIB.
73 Palmiers à huile, anacardiers, hespérides, manguiers.
74 Selon le Schéma directeur du développement agricole et rural du Bénin de 2000, le Bénin dispose d’environ 8.300 000 hectares de terres cultivables dont 1 700 000 seulement sont mises en valeur.
75 Marcel DETIENNE, Où est le mystère de l’identité nationale ?, éd. Panama, Paris, 2008, p. 72.
76 Jean CARBONNIER, op. cit., p. 377.
77 Les motos sont utilisées pour assurer le déplacement des clients et des bagages. Ce genre de moyen de déplacement est utilisé car il permet à l’usager d’avoir accès à n’importe quelle zone. Soit c’est le conducteur même qui est propriétaire de la moto, soit c’est une tierce personne moyennant le paiement d’une redevance journalière de 1 300 francs CFA (1,982 € environ) ou hebdomadaire. Beaucoup de jeunes s’y introduisent et abandonnent leur métier initial. On y trouve donc toutes les catégories socio-professionnelles.
78 Rapport final de l’atelier sur la gestion des conflits liés à l’exploitation des ressources pastorales, Dakar 21- 25 octobre 1996.
79 Gérard CORNU (dir.), op. cit.
80 Jean CARBONNIER, op. cit., p. 377.
81 Ibid., p. 355.
82 Esaïe 5v 8, La Sainte Bible, version Louis Segond.
83 To grab signifie saisir.
84 Cette expression est issue du rapport de l’ONG GRAIN « Main basse sur les terres agricoles » publié en octobre 2008.
85 Selon une étude menée par Minville-Gallaguer, en 2013, au niveau de l’Afrique de l’Ouest, à l’heure de l’acquisition massive des terres, le Bénin compte 240 000 ha de terres dans le cadre des acquisitions massives. Dans la commune de Djida, l’un des greniers du centre du Bénin, 450 km2, environ 45,82 % des terres cultivables, sont concernés.
86 Alice Harrison de l’ONG Global Witness, https://www.agenceecofin.com/justice.
87 Journal L’Evènement précis du 10 avril 2013.
88 A ce propos, voir les travaux de Georges Betiboutiné Malkiel NIMONTE, Le droit pénal africain sous tensions : entre tradition et modernité, thèse, droit, Perpignan, 2019 et « Infractions mystiques et droit pénal en Afrique » in Christophe JUHEL (dir.), « Le droit pénal face aux défis de l’Afrique contemporaine », revue Crimen, n° 2, 2021, p. 67-126.
89 Adage béninois.
90 Voir supra.
91 Le prix à l’hectare varie de 50 000 Francs CFA (76 €) à 300 000 Francs CFA (456 €).
92 La société italienne Green Waves aurait obtenu d’exploiter 250 000 hectares en tournesol ; la firme française, Géocoton (anciennement Dagris) a développé une filière à partir de la graine de coton ; et des informations ont été obtenues sur un projet de 400 000 hectares consacrés à la production d’huile de palme au sud du Bénin, pour la production de biodiesel destinés à l’exportation.
93 Selon SOS FAIM, les actions de protestation déclenchées en Sierra Léone ont conduit à l’arrestation et la condamnation de quelques leaders (6) de l’organisation locale MALOA. Ils ont été condamnés de peines allant de 5 à 6 mois d’emprisonnement pour conspiration et destruction de palmier à huile ; accusations que les leaders ont démenties.
94 www.hello@landportal.info, consulté le 11 octobre 2016 à 9 h 45 mn.
95 CICODEV Africa, Accaparement des terres en Afrique de l’Ouest, Exporter ou nourrir les populations, Impact sur les consommateurs ruraux, étude, décembre 2011.
96 Mary DOUGLAS, Comment pensent les Institutions, La découverte, coll. « Poche », Paris, 2004, p. 34.
97 www.droit-finance.net
98 Art. 432-11 du Code pénal français.
99 Philippe LAVIGNE DELVILLE et Alain DURAND-LASSERVE (dir.), Gouvernance foncière et sécurisation des droits des pays du Sud : livre blanc sur les acteurs français de la coopération, Comité technique « Foncier et développement », 2009, 125 p., p. 25.
100 Ibid.
101 Jean-Luc PIERMAY, « Le détournement d’espace. Corruption et stratégies de détournement dans les pratiques foncières urbaines en Afrique centrale », Politique africaine, 1986, p. 22-36, p. 33.
102 Sèdagban Hygin Faust KAKAI, op. cit., p. 4.
103 Fable de La FONTAINE, Le loup et l’agneau.
104 Sèdagban Hygin Faust KAKAI, op. cit., p. 13.
105 Jean CARBONNIER, op. cit.
106 Art. 22 de la Constitution béninoise inspiré de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
107 Gérard CORNU (dir.), op. cit.
108 Art. 544 du Code civil français.
109 Art. 545 du Code civil français.
110 Gérard CORNU (dir.), op. cit.
111 Léon DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, 3e éd., 1928, t. 2, p. 61.
112 Ici, c’est l’abandon temporaire d’un bien immobilier dans un but d’intérêt général ; limitée à l’utilisation forcée mais temporaire de la propriété d’autrui.
113 Faculté conférée par la loi ou par la convention à une personne (bénéficiaire d’une option) d’acquérir de préférence à tout autre, un bien que le propriétaire se propose de céder, en se portant acquéreur de ce bien dans un délai donné, en général aux prix et conditions de la cession projetée (à lui préalablement notifiés), Gérard CORNU (dir.), op. cit.
114 Jeanne LEMASURIER, Le droit de l’expropriation, Economica, 2e éd., 2001, p. 24.
115 ADEF, Un droit inviolable et sacré : la propriété, ADEF, Paris, 1989, 360 p.
116 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 17e éd., 2010, p. 323.
117 ADEF, op. cit, p. 167.
118 Décret du 25 novembre 1930 réglementant l’expropriation pour cause d’utilité publique en AOF.
119 Loi n° 65-25 de 1965, portant réglementation du régime foncier au Bénin.
120 Art. 28 de la Loi fondamentale du 27 août 1977.
121 Ibid.
122 P. Y. LE MEUR, Réussir la décentralisation, IIED, Royaume-Uni, 2008, p. 10.
123 Art. 18, loi n° 61-26 du 10 août 1961 relative à la définition et aux modalités de mise en valeur des périmètres d’aménagement rural.
124 Art. 22 de la Constitution béninoise.
125 Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS, Le droit de l’urbanisme, Gualino, coll. « Master », 2014, p. 18.
126 Art. 21 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 18 juin 1981.
127 Somme versée au propriétaire pour l’utilisation des droits de propriété industrielle ou du droit d’exploitation d’une œuvre.
128 N. FAURE et C. HENRIOT, Droits de propriété et d’usage des communautés locales et population autochtones, London, 2014, p. 9.
129 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
130 Chap. 12 de la décision de la aute cour de justice kényane.
131 Lettre du 22 mai 2003 adressée par le Center for Minority Right Development (CEMIRIDE) et le Minority Right Group (MRG) à la CADHP.
132 Loi n° 2007-33 du 2 janvier 2008 portant loi de finance pour la gestion 2008 en République du Bénin.
133 216.200.000 = 304,90 € ; 800.000 = 1219,60 €.
134 DCC n° 08-146 du 23 octobre 2008 ; DCC n° 08-148 du 23 octobre 2008 ; DCC n° 11-035 du 31 mai 2011.
135 Lors de sa sortie en décembre 2014, le directeur du projet (PDTRP) a constaté l’élévation de plusieurs murs qui n’étaient pas présents il y quelques mois, lors du passage du ministre.
136 Le CA du 12e arrondissement a été indexé pour avoir continué à vendre les terres concernées par le projet, mais celui-ci nie avoir délivré des titres aux occupants.
137 DCC n° 17-016 du 31 janvier 2017.
138 Ibid., p. 115.
139 Formule de Maître All Abdoulaye Ibrahim, magistrat au Tchad (https://déguerpissement - Habitat Worldmap : Habitat Worldmap (habitat-worldmap.org, dernière mise à jour le 6 septembre 2019). Cette définition s’inspire de l’article 16 de la loi n° 67-25 du 22 juillet 1967. Le Tchad a, comme le Bénin, connu cette institution durant la période coloniale française.
140 Il se différencie de l’expropriation pour cause d’utilité publique qui vise les occupants de sols disposant d’un droit sur celui-ci. Une autre technique « d’expulsion » qui a servi en contexte colonial comme en France métropolitaine. Voir Christophe JUHEL, « Le Conseil d’Etat face aux procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique en Algérie au XIXe siècle », Revue franco-maghrébine de droit, n° 22, 2015, p. 19-44.
141 Elizabeth DORRIER-APPRILL (dir.), Vocabulaire de la ville, notions et références, éd. Du temps, 2001, p. 75.
142 Catherine COQUERY-VIDROVITCH, « De la ville en Afrique noire », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 61e année, 2006, p. 1103.
143 Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS, op. cit., p. 7.
144 République populaire du Bénin. C’est le régime révolutionnaire qui a pris fin au Bénin à l’avènement du renouveau démocratique.
145 Le Matinal du mercredi du 21 décembre 2011.