N°2 / Le Droit pénal face aux défis de la société africaine contemporaine

Le droit et le fait dans le processus d'abolition de l'esclavage

cas du Mali

Mamadou Keita, Enseignant Chercheur À La Faculté De Droit Public, Université Des Sciences Juridiques De L'université Des Sciences Juridiques Et Politiques De Bamako (Usjpb), Amadou Bouaré, Enseignant Chercheur À La Faculté De Droit Privé, Université Des Sciences Juridiques Et Politiques De Bamako (Usjpb)

Résumé

De nos jours l’esclavage est perçu comme la pratique la plus répugnante. Il serait contraire aux valeurs humanistes dans lesquelles s’inscrivent les sociétés modernes de notre siècle. C’est dans le cadre de la lutte contre cette pratique que les Etats du monde ont adopté des instruments juridiques tant sur le plan supranational que national. Il en va ainsi pour le Mali qui a souscrit maints engagements juridiques à vocation abolitionniste de ladite pratique. Très récemment le pays a adopté une nouvelle loi en date de 2016 qui s’inscrit spécialement dans le même dessein. Cependant, il convient de relever qu’en dépit de l’abondance des dispositifs normatifs visant à abolir l’esclavage, nous assistons à la survivance du phénomène. Les facteurs qui justifient cela sont à la fois d’ordre historique et contemporain. Tandis que les premiers reposent sur la tradition et la religion, les seconds résident dans l’ineffectivité des normes juridiques édictées à cet effet. Face à cette situation déconcertante, il importe d’explorer des solutions susceptibles d’en finir avec cette pratique ancestrale qui demeure encore comme une pratique fréquente sous nos cieux. Ces solutions doivent se traduire par la mise en oeuvre de moyens et de méthodes à la fois persuasifs et dissuasifs. Alors que les moyens de persuasion visent à éradiquer la pratique par le biais de la sensibilisation, ceux de dissuasion tendent à infliger des sanctions exemplaires à l’encontre des responsables de l’esclavage ou de toute autre pratique qui lui est assimilée.

Abstract: Slavery is seen as the most disgusting practice today. It would be contrary to the humanist values ​​in which the modern societies of our century subscribe. It is in the context of the fight against this practice that the states of the world have adopted legal instruments at both the supranational and national levels. This is the case for Mali, which has subscribed to many legal commitments with an abolitionist vocation to this practice. Very recently, the country adopted a new law in 2016 which is specially designed for the same purpose. However, it should be noted that despite the abundance of normative mechanisms aimed at abolishing slavery, we are witnessing the survival of the phenomenon. The factors that justify this are both historical and contemporary. While the former are based on tradition and religion, the latter reside in the ineffectiveness of the legal norms enacted for this purpose. Faced with this disconcerting situation, it is important to explore solutions that could put an end to this ancestral practice which still remains as a frequent practice under our skies. These solutions must result in the use of means and methods that are both persuasive and dissuasive. While the means of persuasion aim to eradicate the practice through awareness raising, those of deterrence tend to inflict exemplary sanctions against those responsible for slavery or any other practice assimilated to it.

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La ruée des touristes et des passionnés de l’histoire vers l’île de Gorée1 au Sénégal semble souvent réduire la question de l’esclavage au rang d’abominable pratique remontant à une époque sombre et lointaine de l’histoire de l’humanité et qui ne cesse de susciter une vive émotion chez l’homme moderne. Loin s’en faut ! Cette représentation de l’esclavage est erronée et ne permet pas de rendre compte de la survivance de cette pratique qui suit, sans coup férir, son cours ininterrompu sous les cieux de la plupart des pays du monde y compris le Mali. L’affranchissement du pays sous le joug avilissant de la colonisation, bien qu’ayant provoqué son émancipation, n’a cependant pas emporté l’effet d’entraînement souhaité relatif à la libération de tous les esclaves. La destruction de la chaîne n’a été que très partielle. Il existe encore une frange importante de la population malienne assujettie à cette pratique déshonorante.

En parlant de la question de l’esclavage, une interrogation vient aussitôt à notre esprit : que recouvre la notion d’esclavage, en fin de compte, eu égard à la variété des pratiques qui lui sont souvent assimilées à tort ou à raison ? D’emblée, une précision s’impose : à l’instar de son image, les définitions de l’esclavage sont multiples et diverses2. Etymologiquement, le terme moderne « esclavage » vient du latin médiéval sclavus : le mot « esclave » serait apparu au Haut Moyen Âge à Venise, où la plupart des esclaves étaient des Slaves des Balkans (alors appelés Esclavons, terme issu du grec médiéval Σκλαβηνοί / Sklaviní, pluriel de Σκλαβηνός / Sklavinós) (Cànte, 1996, 91-96), dont certains furent vendus jusqu'en Espagne musulmane où ils sont connus sous le nom de Saqāliba. Sur le plan juridique, face au silence du législateur malien, la définition de l’esclavage qui nous paraît la plus convaincante est celle empruntée à la convention de 1926 telle qu’amendée par le protocole de New-York du 7 décembre 1953. Aux termes de ladite convention « L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ». Le protocole auquel il est fait allusion y a ajouté d’autres pratiques analogues telles la servitude pour dette, le servage, le travail forcé, etc. Il convient en outre de relever que, depuis cette époque, la notion d’esclavage a connu, sans nul doute, une véritable révolution. La notion récente ou naissante ayant considérablement élargi le champ de la définition englobe une kyrielle de catégories de personnes se caractérisant par leur particulière vulnérabilité face à certaines pratiques auxquelles elles sont fréquemment soumises bon gré mal gré. Désormais, l’exploitation de la mendicité3 d’autrui, le trafic des enfants4 et des femmes majeures, le mariage et le travail forcés5, qui sont monnaies courantes au Mali, y sont finalement inclus.

Quoi de plus inhumain que de soumettre ses semblables à de telles pratiques ? Abraham Lincoln ne disait-il pas que « si l’esclavage n’est pas mauvais, rien n’est mauvais ? »6. Malheureusement, les rapports des organisations internationales et les constats des associations militant dans le cadre des droits de l’homme en général, et de l’abolition de l’esclavage en particulier conjugués aux critiques des donneurs de leçons sont accablants à l’égard du Mali et le désignent comme coupable à la vindicte internationale (S. Kate, 2009, 6 et s.).

Pourtant, le Mali est loin d’être resté en marge des grands mouvements mondiaux orientés vers l’abolition de cette pratique déshumanisante. Pour preuve, il est réputé d’être un bon élève à l’école des droits de l’homme et ce, à travers son adhésion à une panoplie d’instruments juridiques tant internationaux que régionaux et sous-régionaux7.

En outre, sur le plan national, la loi fondamentale en date du 25 février 1992 affirme de manière assez grandiloquente le principe du caractère sacré de la personne humaine et bannit, par conséquent, toute discrimination de quelque nature qu’elle soit8. S’inscrivant dans cette même ligne, l’arsenal juridique répressif malien du 20 août 2001 place l’esclavage au rang des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en application de ses articles 29 et suivants. Mieux encore, et plus récemment, les pouvoirs publics sont parvenus, après une longue période d’hésitation, à édicter le 12 juillet 2012 un texte de loi spécialement dédié à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées. Il va sans dire que le paysage juridique malien n’est pas étranger ou indifférent à la question de l’esclavage et comporte des dispositions péremptoires de nature à dissuader ceux qui se livrent, contre leurs semblables, à des pratiques esclavagistes ou similaires à celles-ci.

Il résulte de ce qui précède, qu’au Mali, bravant la répression, des pratiques esclavagistes ou assimilées à l’esclavage se traduisent par la négation de l’humanité de l’autre. L’abolition officielle versus l’abolition officieuse, en d’autres termes l’abolition formelle des pratiques esclavagistes ou assimilées, c’est-à-dire celle inscrite dans le corpus juridique, n’impliquent pas toujours l’abolition matérielle, c’est-à-dire la fin pure et simple de ce phénomène profondément enraciné dans les mentalités et dans notre vécu quotidien (C. Garrier, 1998, 21 à 25). On assiste curieusement à une forme de résistance spectaculaire des pratiques esclavagistes face aux interdits normatifs. Ainsi, des études estiment que plus de 800 000 personnes en sont victimes au Mali, soit 7 % de la population (P. Dao, 2012, 34 et s.). Cette estimation est corroborée par un universitaire, Pr. Naffet Keita, selon qui « Il y a au moins 300 000 esclaves à part entière au Mali ; mais en incluant les descendants et les affranchis, le plus souvent méprisés, la question concernerait plus de 850 000 personnes… ». L’universitaire a réussi à esquisser une géographie régionale de l’ampleur du phénomène: de 30 à 35 % de la population autour de Tombouctou, 30 % à Mopti, 20 % à Gao, 12 à 15 % à Kayes, etc. (Keita, 2012, 3 et s.)

Cet état de fait révèle sans ambages un décalage entre le vécu et le légiféré. Le décalage est d’une telle importance que l’on est obligé d’en conclure que la question de l’abolition de l’esclavage au Mali demeure un long processus. L’abolition définitive serait l’aboutissement d’un combat durable dans lequel doivent s’inscrire les acteurs tant publics que privés œuvrant dans le cadre de l’abolition de tout phénomène esclavagiste ou assimilé à celui-ci. Cependant, il convient d’avoir présent à l’esprit que ce combat de longue haleine n’aura de sens que lorsque les causes profondes qui expliquent la survivance de l’esclavage sont préalablement connues et identifiées.

Le juriste se doit s’interroger sur les facteurs qui concourent à un tel résultat mitigé et tenter, par la même occasion, de trouver des remèdes. Avant de se livrer à une telle recherche, il convient d’abord de passer en revue les normes existantes en matière d’abolition de l’esclavage (I), avant de se consacrer aux facteurs qui contribuent à la survivance de ce phénomène au Mali et explorer des pistes de solutions pour une abolition définitive de l’esclavage (II).

 

I. La contribution des normes à l’abolition de l’esclavage au Mali

Dans tous les pays du monde, l’apport des instruments juridiques a été considérable pour aboutir l’abolition de l’esclavage. C’est dans cette voie que s’est lancé le Mali pour gagner son pari dans la lutte contre ce fléau. L’intervention des pouvoirs publics maliens en la matière se situe à deux niveaux : d’une part par la ratification des engagements contenus dans les dispositifs normatifs autres que national (A) ; et d’autre part, par la voie du dispositif juridique interne (B).

 

A. Les dispositifs normatifs autres que national

Outre les efforts consentis sur le plan domestique, le Mali a également affiché une réelle volonté sur le plan extérieur à travers la souscription tant des normes juridiques internationales (1) que régionales (2) relatives à l’abolition de l’esclavage ainsi que les pratiques qui leur sont assimilées.

 

1. Les normes juridiques internationales

Dès son accession à l’indépendance, le Mali a signé et ratifié la quasi-totalité des normes juridiques internationales relatives aux droits de l’homme en général, et à l’abolition de l’esclavage en particulier (CNDH, 2010, 16 et s). Parmi ces instruments juridiques, n’en seront cités ici que quelques-uns :

-La convention relative à l’abolition de l’esclavage a été adoptée à Genève le 25 septembre 1926 ainsi que son protocole additionnel, et signée par le Mali le 2 février 1973. Cette convention constitue une étape majeure dans le processus d’abolition de l’esclavage dans le monde en général, mais aussi et surtout au Mali. Elle marque la ferme intention des parties signataires de réaliser la suppression complète de l’esclavage, sous toutes ses formes, et de la traite des esclaves par terre et par mer. Cette convention a pu véhiculer les deux messages suivants. D’abord l’interdiction de l’esclavage et de toutes les pratiques similaires adressée aux colonisateurs. Puis, l’affirmation de l’interdiction de l’esclavage à l’intention des nouveaux Etats où régnaient encore des pratiques esclavagistes. En outre, elle consacre une définition plus ou moins exhaustive à la notion de l’esclavage qui servira par la suite de référence pour la plupart des conventions ultérieures.

-La convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage est adoptée à Genève le 7 septembre 1956 et entrée en vigueur le 30 avril 1957. Le Mali a adhéré à cette convention à la même date que la convention précédente, c’est-à-dire le 2 février 1973. Outre son influence sur la définition de la convention de 1926, celle de 1956 élargit la notion de l’esclavage en intégrant d’autres pratiques, et les assimilent à l’esclavage telles la servitude pour dettes, c’est-à-dire l’état ou la condition résultant du fait qu’un débiteur s’est engagé à fournir en garantie d’une dette ses services personnels ou ceux de quelqu’un sur lequel il a autorité, si la valeur équitable de ces services n’est pas affectée à la liquidation de la dette ou si la durée de ces services n’est pas limitée ni leur caractère défini9. Le servage en est également inclus. Il est défini comme la condition de quiconque qui est tenu par la loi, la coutume ou un accord, de vivre et de travailler sur une terre appartenant à une autre personne et de fournir à cette dernière, contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés, sans pouvoir changer sa condition10. Cette interdiction particulière vise précisément l’une des origines des pratiques esclavagistes au Mali. C’est l’hypothèse où une famille, après s’être endettée auprès d’une autre famille, s’est révélée incapable d’honorer son engagement. La famille endettée envoie un de ses membres à la famille créancière pour l’exécution de certaines tâches pour une durée de temps qui reste parfois indéterminée, et impliquant, par ricochet, toute une descendance (Haidara, 1987, 5 et s.).

Elargissant davantage la liste, la convention visera toute inscription ou pratique tendant à accorder ou à céder ou à transmettre une femme pour un mariage ou pour toute autre fin, sans son consentement, moyennant rémunération ou autrement. Il en va de même pour toute institution ou pratique en vertu de laquelle un enfant ou un adolescent de moins de dix-huit ans est remis, soit par ses parents ou par l’un d’eux, soit par son tuteur, à un tiers, contre paiement ou non, en vue de l’exploitation de la personne, ou du travail dudit enfant ou adolescent11. Cette convention nous parait réaliste, car elle assimile à l’esclavage des pratiques dont la plupart existent au Mali telles le mariage forcé12, l’incitation des enfants à la mendicité, la transmission de la femme veuve à un frère de son mari défunt, etc.

D’autres textes internationaux relatifs aux droits de l’homme ont été également ratifiés par le Mali. Ces textes aussi bien que les précédents s’inscrivent dans des logiques de l’abolition de l’esclavage. De façon résumée : il ressort de l’alinéa 1er de l’article 8 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) que « Nul ne sera tenu en esclavage ; l’esclavage et la traite des esclaves, sous toutes leurs formes, sont interdits »13. Cette disposition est la conséquence de l’article 4 de la déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) du 10 décembre 1948 à laquelle le Mali a adhéré14.

Ces quelques textes internationaux n’épuisent cependant pas le domaine normatif en matière de lutte contre l’esclavage au Mali, d’autres textes ayant été ratifiés par le Mali au plan africain.

 

2. Les normes juridiques africaines

Les normes juridiques régionales ou africaines ont également pris sous leurs ailes la problématique de l’abolition de l’esclavage. Ces normes africaines peuvent être appréhendées sous deux dimensions : la dimension régionale et la dimension sous régionale.

 

a. La dimension régionale

La charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBEE) respectivement adoptées le 27 juin 1981 à Nairobi et le 11 juillet 1990 à Addis-Abeba, constituent des instruments juridiques majeurs au plan régional africain. Tandis que la première est ratifiée le 21 décembre 1981, la ratification de la seconde intervient le 3 juin 1998 par le Mali.

Chacun de ces deux instruments comporte des dispositions qui militent contre l’esclavage ainsi que les pratiques qui sont assimilées. Il ressort, de façon explicite, de la lecture de l’article 5 de la CADHP que « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes (…) sont interdites ». La référence faite à la dignité confère ainsi à la présente disposition une portée assez large. La CADHP fait, de surcroît, l’obligation à tous les Etats signataires y compris le Mali de mettre en place tous les mécanismes nécessaires afin de donner effet à cette disposition. Cependant, il y a lieu de rappeler que les dispositions inscrites dans la charte sont restées pendant longtemps subordonnées à l’arbitraire des Etats membres du fait de l’absence d’un organe judiciaire chargé d’en contrôler la mise en œuvre effective. Ce vide a été comblé par un protocole additionnel portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples adopté le 9 juin 1998 à Ouagadougou. Ratifié le 19 août 1999 par le Mali, le protocole instituant un organe juridictionnel à l’échelle régionale afin de veiller au respect des droits de l’homme a, nous-semble-il, renforcé les garanties relatives à la protection des droits des esclaves.

En ce qui concerne la CADBEE, sa ratification par le Mali a accusé un grand retard, car celle-ci n’est intervenue qu’au 3 juin 1998, soit cinq ans après son adoption à Addis-Abeba le 11 juillet 199015. La dite charte comporte des dispositions prohibant implicitement l’esclavage, et explicitement des pratiques assimilées à l’esclavage. Ainsi, il résulte de la lecture combinée des articles 15, 16, 21 et 29 de la CADBEE que les Etats doivent prendre toutes mesures appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme d’exploitation, contre les abus et les mauvais traitements, contre les pratiques négatives sociales et culturelles, enfin, contre la vente, la traite, l’enlèvement et la mendicité (Petit, 2020, 221). La mise en œuvre de ces dernières requiert le plus souvent la coopération sous-régionale.

 

b. La dimension sous régionale

La coopération entre Etats en matière de lutte contre l’esclavage est généralement inspirée par la nécessité de la prise de dispositions conjointes afin de lutter contre le phénomène sous sa forme transfrontalière. La plupart des accords conclus à cet effet visent en principe la traite et / ou le trafic des enfants. En la matière, nous retenons quatre accords bilatéraux majeurs entre le Mali et la Côte d’Ivoire le 1er septembre 2000, le Burkina Faso le 25 juin 2004, le Sénégal le 22 juillet 2004 et la Guinée le 16 juin 2005; et deux accords multilatéraux, le premier signé à Abidjan entre neuf Etats de l’Afrique de l’Ouest le 27 juillet 2005, le second à Abuja entre 26 Etats de l’Afrique de l’Ouest et du Centre de régulation sociale (Bureau international catholique de l’enfance 2010, 16).

Pléthoriques, ces normes juridiques internationales ne doivent pas occulter l’existence d’un dispositif normatif au plan interne.

 

B. Le dispositif normatif interne

Des efforts ont été consentis au plan interne par la mise en place d’un dispositif normatif allant dans le sens de l’interdiction et de l’abolition de l’esclavage ainsi que les pratiques analogues. Ces efforts se sont traduits, à la fois, par l’édiction des dispositions juridiques à valeur législative (1), confortées et symbolisées par celles ayant valeur constitutionnelle (2).

 

1. Les dispositions juridiques à valeur constitutionnelle

Contrairement à la défunte Constitution du 2 juin 1974, la loi fondamentale malienne du 25 février 1992 n’emploie pas expressément le terme « esclavage », sans que cela entame sa ferme détermination d’enrayer le phénomène de l’esclavage sous toutes ses formes. Les dispositions insérées dans cette œuvre juridique n’en demeurent pas moins éloquentes. Il est ainsi inscrit au préambule en des termes exempts de toute ambigüité que « le peuple souverain du Mali souscrit à la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981… » Le renvoi du préambule à ces deux instruments juridiques abolitionnistes réaffirme indirectement l’engagement réel de l’Etat du Mali à demeurer dans sa logique antiesclavagiste sous quelque forme qu’il soit. Cet alinéa 6 du préambule se trouve conforté par, au moins, les cinq premiers articles de la Constitution. Il découle de la combinaison de ces articles l’inviolabilité de la personne humaine ainsi que les droits fondamentaux qui lui sont reconnus : l’égalité, la liberté, la sureté, etc.

L’interdiction de l’esclavage élevée au rang de disposition constitutionnelle n’est pas dépourvue d’intérêts du point de vue juridique. Elle correspondrait à un véritable garde-fou adressé à tous les pouvoirs, interdisant d’attenter à ce jus cogens16. Ni le pouvoir exécutif, ni le pouvoir législatif, ne sauraient, dans leurs différentes interventions, quelques formes qu’elles puissent prendre, nier ou restreindre la portée de cette interdiction constitutionnelle. Le juge, en ce qui le concerne, doit s’assurer du respect de celle-ci sous réserve de l’application, par lui faite, des sanctions prévues par les dispositions juridiques à valeur législative17.

 

2. Les dispositions juridiques à valeur législative

L’interdiction constitutionnelle des pratiques esclavagistes serait demeurée sans aucun effet en l’absence de dispositions juridiques revêtant une valeur législative. A cet effet, il ne serait pas superfétatoire de faire allusion (un choix arbitraire ?) aux dispositions de deux textes législatifs révolutionnaires : la loi n° 01-079 du 20 août 2001 portant Code pénal et la loi n° 2012 – 023 du 12 juillet 2012 relative à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées.

 

-Le Code pénal de 2001

Un redoutable arsenal juridique répressif est porteur des dispositions qui incriminent et sanctionnent l’esclavage et les pratiques qui lui sont assimilées. Poussant la gravité de l’acte à l’extrême, les articles 29 et suivants du Code pénal situent les actes entraînant réduction en esclavage sexuel ou non, au niveau des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Les dimensions révolutionnaire et symbolique de ces crimes résident dans l’extrême gravité de la sanction (la mort : art. 32 al. 1 CP) et dans leur imprescriptibilité conformément à l’alinéa 2 de l’article 32 dudit Code. Il s’ensuit que ceux qui s’entêtent à s’adonner à ces pratiques moyenâgeuses pourraient faire l’objet, en tout temps et tout lieu, de poursuites et de condamnations consécutives à la transgression des dispositions sus-indiquées. L’addition du Code pénal de 2001 et de la loi du 16 juillet 2012 pourrait apporter des réponses aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité perpétrés dans le septentrion malien suite à la crise de 2012.

 

-La loi du 16 juillet 2012

Elle constitue un texte spécialement dédié à la question de l’esclavage appréhendée sous ses dimensions tant intérieure que transfrontalière. Outre les définitions qu’elle consacre à la traite et aux diverses pratiques assimilées à l’esclavage, la loi susvisée apparaît comme une autre branche du droit pénal et de la procédure pénale au Mali.

Tout comme le droit pénal, elle incrimine les pratiques esclavagistes mentionnées et organise une série de sanctions pénales dont la sévérité s’apprécie en fonction du modus operandi des actes incriminés. A titre d’exemple : la vulnérabilité eu égard à l’état physique ou psychique de la victime, la nature de liens entre le coupable et la victime, les conséquences susceptibles d’en résulter, etc. constituent, entre autres, des critères justificatifs de la sévérité des sanctions encourues18.

Au plan processuel, elle renvoie au Code de procédure pénale. Ainsi, en application de son article 15 alinéa 1 « la recherche et la constatation des infractions prévues par la présente loi sont régies par le Code de procédure pénale, sous réserve des dispositions qui suivent ». L’alinéa 2 ajoute que « les visites, perquisitions et saisies peuvent être effectuées à toute heure, de jour comme de nuit à l’intérieur des locaux supposés abriter des victimes ou servant de lieu de préparation pour la commission des infractions à la présente loi… ». Le dernier alinéa dudit article vient faciliter l’administration de la preuve en admettant que la preuve peut être faite par tous moyens, y compris les enregistrements audio, vidéo ou tout moyen électronique de conservation de données. Une telle admission constitue une des innovations de la loi de 2016. Elle incite davantage toute personne ayant pris part à une association ou une entente en vue de commettre l’une des infractions visées, à la dénonciation de l’existence de ce projet en cours, si toutefois elle permet l’identification des personnes impliquées. En contrepartie, l’agent dénonciateur est exempté de toute peine (art. 21). Toujours dans la logique d’encourager la dénonciation, la loi prévoit des garanties destinées à la protection des victimes et des témoins (V. arts. 22 et suivants).

Sous le prisme de ce qui précède, nul ne saurait soutenir mordicus, sans craindre d’être contesté, que l’Etat du Mali est en déficit de corpus juridique suffisamment armé de vertus comminatoires aptes à dissuader toute personne qui se livrerait aux pratiques de l’esclavage ou aux actes qui sont analogues. Pourtant, aussi effarant que cela puisse paraître, le phénomène de l’esclavage demeure prospère sous nos cieux et ce, nonobstant l’existence d’un faisceau dense d’instruments juridiques à vocation abolitionniste de ce fléau. La pratique de l’esclavage a donc survécu malgré sa condamnation.

 

II. La survivance des pratiques esclavagistes au Mali

Insoucieux de sa condamnation, l’esclavage suit son cours normal au Mali, n’en déplaise aux donneurs de leçons et aux défenseurs des droits de l’homme. Il est cependant du devoir du juriste de s’interroger sur les facteurs qui contribuent à la survie de ce phénomène (A) et sur les moyens à explorer pour trouver des pistes de solution pouvant aboutir à sa disparition définitive (B).

 

A. Les facteurs contributifs à la survie

Nombreux sont les facteurs qui concourent à la pérennité des pratiques esclavagistes. Dans le cadre de la présente réflexion, nous ne retiendrons que deux facteurs récurrents au Mali : les facteurs historiques (1) sur lesquels viennent se greffer les facteurs contemporains (2).

 

1. Les facteurs historiques

La survie de l’esclavage au Mali s’explique, en partie, par la manifestation de phénomènes qui remontent à un passé qui n’est pas si lointain. Ces phénomènes se manifestent généralement par la transmission du statut de l’esclave de père à fils, esclavage transmis sous forme d’héritage (a). La légitimité de cette pratique repose le plus souvent sur la religion musulmane (b).

 
a. L’esclavage comme héritage de l’histoire

Certains esclaves empruntent leur statut au seul fait que leurs aïeux l’étaient aussi. Il y a lieu de rappeler que le statut d’esclave résulte de différentes circonstances notamment la guerre et la servitude pour dettes (Haidara, 1987, 6 et s.)

Le Mali est un pays de riches civilisations. Il a connu de grands conquérants dont la renommée s’étendait hors des frontières nationales. En effet, l’idée toujours grandissante d’étendre les frontières nationales et de se procurer aussi des hommes qui s’occuperont des travaux indignes d’un noble, poussait les empereurs à se déclarer mutuellement la guerre. A l’issue des guerres, les vaincus étaient donc tenus prisonniers. Ils étaient le plus souvent réduits en esclavage. Cette soumission était à l’abri de toute prescription. Ainsi, toute une descendance n’ayant pourtant pris part à aucune guerre, naîtra ipso facto sous le statut d’esclave et sera tenue aux mêmes devoirs et obligations à l’égard du maître de leur père esclave de même que tous les descendants de ce dernier.

L’une des causes pouvant également conduire à l’esclavage résidait dans les rapports contractuels entre deux familles. Des besoins pressants poussaient généralement une famille à recourir aux soutiens financiers, matériels ou autres d’une autre famille (Testart, 2001, 2 et s. ; Jacob, 1994, 1 et s.). N’étant pas parvenue à éponger sa dette, la famille débitrice s’obligeait à envoyer un de ses membres à charge d’accomplir une certaine tâche au profit de la famille créancière (Moreau, 1849, 1 et s.). Le maintien de l’exécutant sous la contrainte d’une telle obligation pouvait s’étendre sur un laps de temps plus ou moins long, voire indéterminé. Les enfants nés d’un père ou d’une mère placés sous le statut d’esclave se voyaient imposer le même statut (Cahen, 1997, 158).

Ces réalités ont persisté jusqu’à nos jours. Les Touaregs sont toujours divisés en trois classes : nobles, vassaux et bellahs. Et les sonrhaï possèdent toujours captifs ou « bania » (Haidara, 1987, 7 à 8).

Beaucoup de ces esclaves savent qu’aux yeux de la loi, ils sont libres, mais ils obéissent encore à leurs anciens maitres19. A Tombouctou par exemple, même avec l’abolition de l’esclavage, certains esclaves ont été obligés de se racheter pour obtenir leur liberté. Cette opération a lieu devant l’imam et des témoins. Cette attitude s’explique par le fait que les esclaves sont attachés à une tradition et à un passé qu’ils ont peur de trahir. Surtout : les maitres étaient des marabouts, ils redoutent que ces derniers leur infligent un sort lugubre.

 
b. La religion

La religion apparaît comme une source de légitimité pour les pratiques esclavagistes. L’une des raisons qui expliquent la persistance de ce phénomène dans les pays arabes ou de civilisation arabe est la religion. En ce qui concerne l’islam, il traite l’homme comme une richesse inestimable, une créature aux aspirations multiples. L’homme ne pouvait donc être réduit au rang d’une marchandise. Pourtant, l’islam a aussi connu cette institution. Il est bien vrai que le Coran n’a pas aboli l’esclavage. Il le reconnaît d’ailleurs20. Il y a quand même lieu de noter que l’islam a toujours prôné un traitement adouci réservé aux esclaves. Il est rapporté par une doctrine autorisée de l’islam que le Prophète Mahomet (PSL) aurait dit ce qui suit « … Ceux-ci sont vos frères, vos possédés. Celui qui a son frère sous sa domination doit le faire manger ce que lui-même mange, le vêtir comme lui-même. Ne les faites pas travailler au-dessus de leur capacité; si vous le faites, aidez-les ». Il résulte que l’esclavage reste autorisé, mais que l’esclave mérite d’être traité avec une plus grande mansuétude. Au Xe siècle, un calife de Bagdad, sous la dynastie Abbasside, ne possède pas moins de 10 000 esclaves21.

Ce choc de positionnement entre le divin et le rationnel est de nature à rendre malaisé le dialogue entre ces deux. En attendant qu’il y ait un terrain d’entente, la pratique de l’esclavage aura de beaux jours à vivre eu égard aux facteurs contemporains qui tendent à l’amplifier.

 

2. Les facteurs contemporains

A ce titre, l’on ne retient que ceux qui ont trait à l’ineffectivité des dispositifs juridiques engagés à cet effet. Cette ineffectivité s’explique par différents obstacles auxquels se heurte l’application de ces textes.

Malgré la ratification de tous ces instruments juridiques internationaux et régionaux de protection et de promotion des droits de l’homme, quelques obstacles subsistent qui sont entre autres : la méconnaissance, par la population, des textes de droit interne et des normes internationales relatives aux droits de l’homme ; le faible niveau d’harmonisation de nos textes avec les instruments internationaux ratifiés ; la faible application des instruments internationaux par les juridictions nationales ; la non invocation des normes internationales par les justiciables et par les avocats ; le faible niveau de formation des acteurs de la justice au droit international et aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

En vue d’apporter des remèdes appropriés aux problèmes liés à la combinaison de ces deux facteurs contributifs à la survivance du phénomène de l’esclavage, nous nous proposons de mettre en exergue des méthodes susceptibles d’enrayer ce fléau et ce, en dépit de son profond ancrage dans les habitudes.

 

B. Les méthodes envisageables pour une abolition définitive

L’objectif qui tend à sonner le glas des pratiques esclavagistes requiert la mise en œuvre de méthodes ou de moyens efficaces pour y arriver. Ces méthodes peuvent être persuasives (1) ou lorsque les circonstances nécessitent, d’envisager l’usage de méthodes radicales ou dissuasives (2).

 

1. Le recours aux moyens persuasifs

Au plan national, la politique de prévention et de lutte contre l’esclavage ainsi que les pratiques assimilées doivent passer par la sensibilisation (Michel, 2018, 103 à 126), par l’information, par l’éducation, par l’apport de soutiens économiques et financiers en faveur des descendants d’esclaves et des esclaves affranchis.

La sensibilisation doit consister à décourager l’esclavage ainsi que les autres pratiques assimilées. Pour ce faire, l’intervention d’acteurs ayant une certaine expérience s‘avère indispensable afin de tenir le discours qu’il faut, orienté dans le sens de l’égalité des hommes en droits et en dignité. Cette vaste campagne de sensibilisation doit être soutenue par une large campagne d’information.

L’information doit concerner notamment l’existence des instruments édictés dans le dessein d’abolir l’esclavage (Graff, 2020, 197). Pour ce faire, il serait opportun de procéder à des publicités, des sketchs, des pièces de théâtre, des films, des messages transmis par le canal des télévisions, des radios, des réseaux internet, etc. Des programmes scolaires doivent également être réorganisés dans le cadre d’une éducation orientée vers l’interdiction de cette pratique.

Aux plans national et international, et relativement aux obstacles rencontrés dans le cadre de l’application des instruments juridiques, l’Etat doit mettre en place une politique et un mécanisme de vulgarisation des textes nationaux et des normes internationales (traduction en langues nationales écrites et parlées), accélérer l’harmonisation des textes internes avec les instruments internationaux ratifiés, élaborer une politique ou stratégie de formation et d’information des acteurs de la justice aux instruments supranationaux existants en la matière, enfin adopter et mettre en œuvre sa politique nationale relative aux droits de l’homme.

L’Etat doit également prendre les mesures qui sont nécessaires afin de faire en sorte que les migrations s’opèrent de manière légale, notamment par la diffusion d’informations exactes par les services concernés, sur les conditions permettant l’entrée et le séjour légaux sur son territoire. De même, il serait souhaitable d’envisager des mesures spécifiques afin de réduire la vulnérabilité des enfants à l’égard de la traite, notamment en créant un environnement protecteur pour ces derniers.

En outre, il sera question d’accorder des soutiens financiers et économiques aux descendants d’esclaves et aux esclaves affranchis afin de ne pas leur donner l’envie d’y retourner ou de solliciter un soutien auprès de leur ancien maitre. Une fois l’exécution à bon escient de cette politique devenue effective, l’on pourrait passer à la vitesse supérieure par l’usage de méthodes dissuasives.

 

2. Le recours aux moyens dissuasifs

Le recours aux moyens dissuasifs présente l’avantage de pouvoir vaincre la résistance des responsables les plus récalcitrants. Il est vrai que la sanction, même son durcissement, ne constitue guère le ressort le plus énergique de l’exécution spontanée de la règle de droit (Cornu, 1999, 20). Cependant, et pour nuancer, il faut reconnaître que nombreux sont ceux qui ne comprennent que le langage de la force. D’où l’impérieuse nécessité de renforcer la vertu dissuasive de l’arsenal juridique pénal. Désormais, toute pratique de nature esclavagiste doit être sanctionnée par des peines criminelles complétées par le versement d’une indemnité pécuniaire réparatrice des préjudices subis.

Le durcissement des mesures répressives doit être accompagné par leur application effective, car, comme le dirait Thomas Hobbes, « le droit sans glaive n’est qu’un mot ». L’application exemplaire des sanctions servirait de leçon à l’endroit de ceux qui s’entêtent dans cette pratique et de ceux qui sont désireux de s’y aventurer.

Un autre moyen efficace serait d’appeler les esclaves à la révolte ou à la désobéissance mais de tels actes auront certainement des répercussions négatives pour les esclaves. Aussi l’Etat doit porter ses soutiens de quelque nature qu’ils soient. Des mesures de sanction doivent également être prévues à l’égard des esclaves qui se seraient délibérément maintenus sous la pratique22.

 

*

* *

 

Une prompte analyse nous a permis de passer en revue la situation juridique et factuelle de l’esclave au Mali. Il a été démontré que le Mali, comme d’autres pays du monde, n’est pas resté en marge dans le combat mené contre l’esclavage ainsi que contre les pratiques similaires. A cet effet, le voile a été levé sur toute une batterie d’instruments juridiques, tant sur le plan national que supranational. L’analyse a cependant révélé l’inaptitude de ces dispositifs juridiques à enrayer le phénomène de l’esclavage. L’abolition officielle s’est révélée incapable de supprimer la pratique officieuse de l’esclavage. Le constat d’un décalage entre le légiféré et le vécu est partout.

L’occasion n’a pourtant pas été manquée de mettre en avant les facteurs qui concourent à la pérennité des pratiques esclavagistes. Sans prétendre à l’exhaustivité, n’ont été mis en évidence que quelques facteurs historiques et contemporains qui nourrissent ce phénomène condamné à disparaître.

Face à cette situation troublante, il a été opportunément suggéré de recourir aux moyens persuasifs et dissuasifs comme antidotes à cette pathologie, à défaut desquels le combat contre ce fléau dont les racines sont très ancrées serait une gageure, un éternel effort vers un temple perdu. Mais les moyens exposés seront-ils suffisants pour éradiquer l’esclavage au Mali ? Rien n’est moins sûr car les vieilles habitudes ont la peau dure.

 

Bibliographie

 

Ouvrages généraux

-G. CORNU, Introduction: les personnes, les biens, Montchrestien, 9e éd., 1999.

-O. GRENOUILLEAU, Qu’est-ce que l’esclavage ? Une histoire globale, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 2014.

-A. JACOB, Le Travail reflet des cultures, PUF, 1994.

-C. MOREAU, Du droit à l’oisiveté et de l’organisation du travail servile dans les républiques grecques et romaines, Guillaumin, Paris, 1849.

-A. TESTART, L’Esclave, la dette et le pouvoir, éditions Errance, Paris, 2001.

 

Ouvrages spéciaux

-C. CAHEN, L'Islam. Des origines au début de l'empire ottoman, Hachette, 1997.

-F. CONTE, Les Slaves, Bibliothèque de l'Évolution de l'Humanité, Albin Michel, 1996.

-P. DAO, La survivance de l’esclavage au Mali, éd. Jamana, Bamako, 2012.

-S. KATE, La problématique du travail des enfants au Mali : un autre défi pour le droit des droits de l’homme ?, éd. Jamana, Bamako, 2009.

-N. KEITA, L’esclavage au Mali, L’Harmattan, Bamako, 2012.

-C. MEILLASSOUX, Anthropologie de l’esclavage, PUF, 1986.

 

Mémoire

-H. HAÏDARA, « L’esclavage : les pratiques coutumières, l’islam et le droit positif, Mémoire de Maitrise, Ecole nationale d’administration (ENA), 1987.

 

Articles

-M. CAMARA « Problématique de la mendicité des enfants au Mali », Journée de plaidoyer du Groupe de Réflexion sur les Droits de l’Enfant 1er juillet 2008. Disponible en ligne: https://fr.wikipedia.org/wiki/Droits_de_l%27enfant_au_Mali#Enfants_des_rues_et_enfants_mendiants

-C. GARRIER, « De la difficulté d'abolir l'esclavage en Afrique », Présence Africaine 1998/1, n° 157.

-T.-F. GRAFF, « L'interdiction de l'esclavage, norme de jus cogens en droit international et droit inconditionnel en droit européen », in Cahiers de la justice, 2020, p. 197.

-J. MICHEL, « Le rôle des associations antillaises et du Parti communiste français dans la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité », in Cahiers d'études africaines 2018/1 n° 229.

-J. NISOT, « Le concept de jus cogens envisagé par rapport au droit international » en ligne: http://rbdi.bruylant.be/public/modele/rbdi/content/files/RBDI%201968/RBDI%201968%20-%201/Etudes/RBDI%201968.1%20-%20pp.%201%20%C3%A0%207%20-%20Joseph%20Nisot.pdf.

-B. PETIT, « Formes légales de travail et formes contemporaines d'esclavage », Revue cahiers de la justice, 2020.

 

Presse et Rapports

-Bureau international catholique de l’enfance (BICE) / Kinder Rechte Africa, Recueil sur la minorité : Analyse et commentaires de la législation applicable aux enfants contrevenants, en danger ou victimes d’infractions, Mali, 2010.

-Bureau international du travail, Rapport de la commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations, rapport général et observation concernant certains pays, Genève, 1999.

-Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), Rapport annuel 2010 sur la situation des droits de l’homme au Mali, 2010.

-« Des enfants maliens exploités dans les plantations », L'indicateur Renouveau,‎ 3 mars 2008.

-N. S. HAIDARA, « Office du Niger: Le combat s'intensifie contre le trafic des enfants », L'Essor,‎ 17 juin 2008.

-M. A. TRAORE, « Lutte contre la traite des enfants: un check-up bien à propos », L’Essor,‎ 31 mars 2009.

 

Instruments juridiques supranationaux/nationaux

-La convention relative à l’abolition de l’esclavage, adoptée à Genève le 25 septembre 1926 ainsi que son protocole additionnel.

-La convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage faite à Genève le 7 septembre 1956.

-La charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) du 27 juin 1981.

-La charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBEE) du 11 juillet 1990.

-La déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH).

-Le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

-Le pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC).

-La Constitution du 25 février 1992.

-La loi n° 01-079 du 20 août 2001 portant Code pénal

-La loi n° 01-080 du 20 août 2001 portant Code de procédure pénale

-La loi du 16 juillet 2012

1 L’île de Gorée est un lieu plus symbolique qu’historique car les déportations depuis Gorée furent très minoritaires en comparaison des autres centres de la côte ouest africaine ou bien de la Côte des Esclaves (Bénin). Néanmoins le nom de Gorée reste étroitement attaché à cette période tragique. Pour connaître l’histoire de l’île et son lien étroit avec l’esclavage, consulter le site suivant: http://www.senegal-online.com/tourisme_au_senegal/villes-et-villages-du-senegal/goree/histoire-de-lile-de-goree/.

2 Il existe aussi des définitions académiques. l'historien Olivier Grenouilleau propose une définition de l'esclavage autour de quatre caractères se combinant, selon les cas, de manières différentes : l'esclave est un humain qui, même semblable (de race, d'origine ou de religion), est transformé en un « autre radical » à la « suite d'un processus de désocialisation, de déculturation et de dépersonnalisation faisant de lui une personne exclue des liens de parenté et ne pouvant les exercer sur ses enfants »; l’esclave « est possédé par son maître ». Olivier Grenouilleau préfère, au terme de « propriété », celui de « possession » pour marquer la « dimension totalitaire de cette dépendance », le maître disposant de la personne de l'esclave et pas seulement de son travail: « L'État ou la puissance publique ne peut l'atteindre que par la médiation de son maître »; « L'utilité quasi universelle de l'esclave », « des tâches les plus humbles et les plus déshonorantes jusqu'à de très hautes fonctions administratives et militaires »; Quatrième caractère découlant des précédents, l'esclave « voit son humanité mise en sursis »: « Pouvant tour à tour être considéré comme une chose, un animal ou encore une machine, l'esclave demeure un homme, mais un homme frontière dont l'appartenance à la société des hommes dépend largement de la médiation de son maître » (Grenouilleau, 2014).

34 La mendicité est un phénomène qui connaît une grande ampleur au Mali. Ainsi, en 2008, rien qu’à Bamako, l’on a recensé plus de 3 000 enfants mendiants dans les rues de la capitale malienne. Pour de plus amples informations (M. CAMARA, 2008). Voir l’art. 183 du Code pénal du Mali.

4 Voir les art. 244 et s. du Code pénal du Mali. Comme la plupart des pays de la sous-région, le Mali est victime du trafic d'enfants et de la traite transfrontalière. Ainsi, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, on recensait plusieurs milliers d’enfants maliens vendus et exploités dans les plantations de coton, de café et de cacao au nord de la Côte d'Ivoire. En 2002, une enquête recensait 15 000 enfants maliens travaillant dans les plantations en Côte d'Ivoire et au Ghana (Bureau international du travail, 1999 ; HAIDARA, 2008 ; M. A. TRAORE, 2009).

5 Selon un rapport de l’UNICEF, le mariage peut être une sentence de mort au Mali. Il ressort dudit rapport que 71 % des jeunes filles maliennes sont les dindons de cette farce (consulter le site suivant pour en savoir plus : https://www.unicef.org/french/sowc09/docs/SOWC09-CountryExample-Mali-FR.pdf). En ce qui concerne le travail forcé des enfants, Selon l’enquête ENTE-Mali, au « Mali, un enfant sera répertorié comme économiquement actif ou considéré comme un enfant travailleur, s’il a déclaré avoir travaillé au moins pendant une heure au cours de la semaine de référence, pour un paiement en espèce ou en nature, ou sans paiement, pour un tiers, pour son propre compte ou pour celui d’un membre de sa famille ».

6 Cette citation est recueillie dans les Dictionnaires et recueils des mots, partie « Citation ».

7 Dans le cadre de notre réflexion, nous n’envisageons pas de consacrer des développements à tous ces instruments, mais seulement à quelques-uns. Pour savoir le nombre d’instruments juridiques internationaux et africains ratifiés par le Mali, il y a lieu de se reporter au Rapport de 2010 de la commission nationale des droits de l’homme (CNDH) disponible sur Google.

8 V. art. 1 et s.

9 Alinéa 1 de l’art. 1er de la convention susvisée.

10 Alinéa 2 de l’art. 1er de ladite convention.

11 Alinéa 3 de l’article 1 de la convention.

12 V. supra. Des indications chiffrées sont fournies au niveau de renvois de bas de page.

13 Le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) a bénéficié de l’adhésion du Mali le 16 juillet 1974.

14 Date de l’adhésion à la DUDH au lendemain des indépendances (CNDH, 2010, 13).

15 Ce retard peut s’expliquer en partie par les troubles politiques que le pays a connus dans cette période. Il y a également lieu de rappeler que ladite convention comportait une disposition qui ne convenait pas aux autorités maliennes. Il faut signaler que l’article 16 de ladite convention a fait l’objet de réserves. Cette réserve est ainsi formulée: « Le gouvernement du Mali déclare, compte tenu du Code de la parenté du Mali, que l’article 16 de la Convention n’a pas lieu de s’appliquer ». Cet article stipule que « Tout enfant a le droit à une vie privée et a droit à la protection de la loi contre toute intrusion dans sa vie privée ».

16 Le concept de Jus cogens renvoie à la convention de Vienne (23 mai 1969) sur le droit des traités. On y trouve la définition suivante : « norme impérative de droit international général acceptée et reconnue par la communauté internationale dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise ». De manière générale, les normes de jus cogens sont envisagées comme des normes impératives qui limitent la liberté contractuelle des Etats et dont la violation par un traité entraîne la nullité de ce dernier : v. https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/jus-cogens.html#sZTL8qE4xRyKy5p5.99 ; v. aussi J. NISOT, « Le concept de jus cogens envisagé par rapport au droit international » en ligne: http://rbdi.bruylant.be/public/modele/rbdi/content/files/RBDI%201968/RBDI%201968%20-%201/Etudes/RBDI%201968.1%20-%20pp.%201%20%C3%A0%207%20-%20Joseph%20Nisot.pdf.

17 Ibid.

18 Art. 8 du texte indiqué.

19 Ibid.

20 Les versets du Coran encourageant l'esclavage des non-musulmans par les musulmans : XXXIII, 52. Il ne l'est plus permis désormais de prendre [d'autres] femmes. Ni de changer d'épouses, même si leur beauté te plaît, à l'exception des esclaves que tu possèdes. Et Allah observe toute chose; XVI, 71. Allah a favorisé les uns d'entre vous par rapport aux autres dans [la répartition] de ses dons. Ceux qui ont été favorisés ne sont nullement disposés à donner leur portion à ceux qu'ils possèdent de plein droit [esclaves] au point qu'ils y deviennent égaux. Nieront-ils les bienfaits d'Allah ? V, 43. L'épouse n'a aucun droit de s'opposer à son mari de posséder des esclaves femelles et d'avoir des rapports [sexuels] avec elles [de les violer]. Et Allah sait mieux; IV, 24. Vous sont encore interdites : les femmes mariées, à moins qu'elles ne soient pas captives de guerre. […] Allah est celui qui sait, il est juste ; XXIII, 1. Bienheureux sont les musulmans […] ; ----, 5. qui préservent leurs sexes [de tout rapport]; ----, 6. si ce n'est qu'avec leurs épouses ou les esclaves qu'ils possèdent ; XXXIII, 50. Ô Prophète ! Nous t'avons rendues licites les épouses à qui tu as donné leur dot, celles que tu as possédées légalement parmi les captives [esclaves ] qu'Allah t'a destinées, les filles de tes oncles. […]; XXIV, 33. Ne forcez pas vos femmes esclaves à se prostituer pour vous procurer les biens de la vie de ce monde, alors qu'elles voudraient rester honnêtes. Mais si quelqu'un les y contraignait […], Allah est celui qui pardonne, il est miséricordieux ; LXX, 29-31. Les hommes qui n'ont de rapports qu'avec leurs épouses et avec leurs captives de guerre ne sont pas blâmables, tandis que ceux qui en convoitent d'autres sont transgresseurs (Extrait de Tidiane N'Diaye, Le génocide voilé, Gallimard, 2008) disponible en ligne : https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/200813/afriqueesclavage-les-versets-du-coran-encourageant-lesclavage-des-non-musulmans-par-les-musulmans.

21S. DELACAMPAGNE, Histoire de l’esclavage, p. 118 disponible en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclavage#cite_note-32 (consulté le 22-08-2017).

22 Il convient de relever que l’esclavage n’est pas forcément un phénomène qui s’impose à la volonté de l’esclave. Dans le cadre de nos différentes enquêtes, il a pu être constaté que nombreux sont les esclaves qui sont fiers ou qui se réjouissent de leur statut d’esclave et n’entendent nullement se soustraire à cette pratique qu’ils perçoivent comme naturelle. Cette façon de voir n’est pas sans induire quelques complications dans le processus, déjà déclenché, d’abolition de l’esclavage au Mali. Cependant, une telle perception ne doit nullement conduire au découragement puisqu’il ne s’agit pas ici de préserver le seul intérêt de l’esclave (consentant) mais de toute la famille humaine car c’est une pratique attentatoire à l’ordre public international.

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Infractions "mystiques" et droit pénal en Afrique

Georges Malkiel Nimonte, Docteur En Droit De L'université De Perpignan Via Domitia

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