Le digital est un concept qui résulte l’émergence des techniques d’information et de communication (TIC[1]), et qui bascule l’humanité entre deux mondes matériel et immatériel. Ce concept déploie une panoplie d’outils et de techniques résultant de la convergence des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel, avec comme dénominateur commun l’utilisation de l’internet. De nos jours, la digitalisation est une réalité qui renvoie à une quatrième révolution industrielle et à une nouvelle ère pour l’humanité : avec l’homo numericus, l’activité humaine s’organise en fonction des technologies et des outils numériques. Nous entrons dans une nouvelle ère de globalisation des échanges de tout genre et particulièrement liée à l’interactivité, à l’accès instantané à l’information et à la célérité de sa circulation, enfin à la déterritorialisation de cette dernière[2].
La crise sanitaire de l’automne 2020, liée à la pandémie causée par la propagation exponentielle de la Covid-19, a considérablement intensifié et accéléré le recours à l’usage des TIC, provoquant rien de moins qu’une certaine transformation de l’humanité. Cet événement a bouleversé tous les aspects de la vie humaine, dans ses rapports aussi bien humains, que sociaux, économiques, juridiques et autres. La transformation digitale[3], accélérée par la Covid-19, est une véritable disruption. Elle s’est imposée comme impliquant une résilience apparaissant comme indispensable dans les politiques publiques, dans la gouvernance des secteurs privé et public[4].
Ceci étant, la transformation digitale est devenue un véritable paradigme structurel, notamment dans le secteur public. Cette situation favorise l’amélioration de la qualité des interactions entre les citoyens et les administrations. En outre, elle contribue à réduire et à faciliter les procédures administratives. Ce nouvel ordre processuel de digitalisation des services publics, y compris de tout ce qui concerne l’exécutif, le législatif et le judiciaire, permet une diversification des canaux destinés à un accès facile et rapide du citoyen à l’administration. Le citoyen devient un consommateur du service public où qu’il soit et quelles que soient ses contraintes, même lorsque les locaux des administrations sont fermés.
Le royaume du Maroc n’a pas tardé, depuis plus d’une vingtaine d’années, à activer le processus de transformation digitale de plusieurs services publics, grâce aux efforts déployés par les différents acteurs de l’action publique, en partenariat avec le secteur privé[5]. L’évolution de cette transformation digitale a été accompagnée par plusieurs textes législatifs et réglementaires. Ils portent d’une part sur les aspects juridico-techniques intrinsèques aux échanges des données numériques, d’autre part sur les transactions électroniques et la protection des données relevant de la vie privée en garantissant une cyber-sécurité efficace.
Cette reconversion digitale des services publics du royaume a été accentuée par les effets de la pandémie du Covid-19. Elle vient se greffer notamment sur la justice et l’administration judiciaire. Elle entraîne et même exige une transformation responsable et citoyenne fondée sur le respect des procédures judiciaires et sur la protection des droits et des libertés des justiciables.
De cette dynamique de digitalisation de la justice marocaine et de l’administration judiciaire, qui gagne de plus en plus en efficience en vue d’instaurer une nouvelle culture numérique des acteurs de l’appareil judiciaire et des justiciables, naît une réflexion sur les effets de cette reconversion digitale de l’appareil judiciaire au Maroc. Elle replace la justice au cœur d’un débat assez animé.
Il est donc important de voir dans quelle mesure la crise sanitaire a permis l’inclusion accélérée du digital dans l’appareil judiciaire et sa disruption (I) et de discuter de l’efficience, des contraintes et des perspectives de la reconversion digitale de la justice au royaume du Maroc à partir de différents textes de loi qui ont contribué à cette transition (II).
La présente étude traitera de l’ordre institutionnel et juridique concerné par cette reconversion digitale de l’appareil judiciaire. Elle permettra de rechercher comment la justice au Maroc pourrait se réformer par l’innovation technologique tout en garantissant les droits et libertés des justiciables.
I. L’ère digitale et la crise sanitaire, une disruption inévitable
Nos aïeux ont toujours été confrontés aux difficultés d’accès au savoir et à l’information, alors que de nos jours dans un monde placé sous le signe de la digitalisation de notre quotidien cet accès est devenu immédiat et instantané. Au cours de ces deux dernière décennies, l’ère du digital[6] s’est imposée comme un mode de vie numérique qui a transformé les rapports sociaux et a modifié l’accès et la gouvernance des services publics et les prestations de ces services.
Cette transformation digitale des services publics reste trop attachée à l’intégration des technologies numériques et à la digitalisation des procédures. Ce processus de transformation digitale des services publics a connu un essor rapide que la crise sanitaire a accentué (A). Il a été accompagné, au Maroc, par un ordre juridique instaurant nombre de textes de lois ainsi que des structures institutionnelles pour accompagner et réussir cette transformation digitale (B).
A. La pandémie Covid-19 : vecteur de la transformation digitale
La crise sanitaire, inédite, aux conséquences économiques sociales, politique et juridique… aussi prégnantes que son impact sanitaire, a servi de synergie et de catalyseur unique pour la digitalisation en particulier du secteur public[7]. Le Maroc n’a pas attendu le déclenchement de la pandémie Covid-19 pour amorcer sa transformation digitale, mais cette pandémie a constitué une synergie pour une politique d’une ampleur structurelle en vue de la digitalisation des services publics, de la santé, de l’enseignement, de la justice… afin de maintenir la continuité de ces services[8].
En réponse à cette crise sanitaire et pour mieux préserver le service public, les autorités marocaines ont adopté une série de mesures qui a permis de maintenir les services publics, notamment celui de la justice. En effet, afin de limiter la propagation du virus à cause des déplacements des citoyens, une batterie de mesures exceptionnelles a été adoptée par les autorités marocaines. Ces mesures peuvent être présentées en trois volets, tout en respectant les standards et les impératifs techniques et basiques.
Toutes les procédures administratives qui nécessitent des flux physiques de documents ont été dématérialisées. Un premier volet consiste en un portail digital qui permet une digitalisation du bureau d’ordre de toutes les administrations et de tous les organismes publics moyennant un accusé de réception électronique. Dans le cadre du deuxième volet, le guichet électronique des courriers constitue une solution digitale qui intègre des fonctionnalités numériques permettant l’automatisation du processus de traitement des courriers reçus et envoyés par l’administration. Le troisième volet est constitué par le parapheur électronique qui permet une dématérialisation complète des documents administratifs dotés d’une valeur probatoire. Ce volet intègre de nouvelles fonctionnalités : d’une part la gestion des ressources humaines, les achats et la logistique, la communication interne… d’autre part la signature électronique des documents administratifs.
Cette approche de la transformation digitale des services publics engagée par le Maroc depuis plus de vingt ans, s’est vue accélérée par une dynamique et une volonté inédites au cours de la crise sanitaire. L’objectif est désormais de marquer un changement radical des procédures administratives classiques par une approche fondée sur la digitalisation de ces procédures. Ce processus de transformation digitale a été encouragé par un cadre juridique approprié, marqué par des textes de lois et de règlements. Leur appui est assuré par des institutions d’ordre public tendant à mieux accompagner et réussir cette transition digitale.
B. L’ordre juridique et institutionnel de la transformation digitale
Nul ne peut nier que l’avenir de l’humanité est marqué par une nouvelle tendance dans les rapports qui se nouent entre les usagers et l’administration. Cette tendance se manifeste par la digitalisation de l’offre des services publics, en instaurant de nouveaux concepts tels que le e-gouv et la e-administration. Le Maroc a anticipé les différentes questions d’ordre juridique qui peuvent être générées par ce choix stratégique qui porte sur la digitalisation de l’administration publique.
Le royaume s’est doté d’un ensemble de textes de lois pour garantir la conformité de cette transition digitale avec les fondements constitutionnels et les engagements internationaux du royaume en matière de droits et de libertés comme, par exemple, la protection des données qui transitent, la protection de la vie privée des usagers, la confidentialité des procédures… Le législateur n’a pas manqué l’occasion de renforcer sa stratégie de transition digitale, en adoptant un dispositif répressif pour protéger au mieux les services publics ou privés et les usagers des menaces cybernétiques, à travers la loi n° 07-03[9] complétant le Code pénal en ce qui concerne les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données.
Cette loi a mis en place le premier dispositif de lutte contre la cybercriminalité en réprimant pénalement les intrusions et les atteintes aux systèmes de traitement automatisé des données. Pourtant, cette transformation digitale a véritablement débuté au Maroc avec l’adoption de la loi n° 53-05 relative à l'échange électronique de données juridiques[10]. Cette loi fixe le régime applicable aux données juridiques échangées par voie électronique (cryptographie[11]) et à la signature électronique. La loi n° 53-05 détermine également le cadre juridique applicable aux opérations effectuées par les prestataires de service de certification électronique, ainsi que les règles à respecter par les titulaires des certificats électroniques délivrés[12].
Face à la recrudescence des flux et des échanges de données à caractère personnel[13] sur internet, et dans le souci de protéger le droit à la vie privée, le législateur n’a pas manqué l’occasion de protéger les personnes physiques et le traitement des données à caractère personnel, avec l’adoption de la loi n° 08-09[14]. Ce texte a été inspiré de la loi française appelée loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, dont la finalité est d’assurer une protection efficace des particuliers contre les abus d'utilisation des données de nature à porter atteinte à leur vie privée. Il s’agit aussi d'harmoniser le système marocain de protection des données personnelles avec ceux de ses partenaires notamment européens[15].
En effet, pour mieux renforcer ce processus de digitalisation des services publics, le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de services public a été concrétisé par l’adoption de la loi n° 31-13[16], comme cela est prévu par l’article 27 de la Constitution de 2011. Selon les dispositifs de cette loi n° 13-31, tous les citoyens marocains et les étrangers résidant légalement au Maroc, ont le droit d’accéder à ces informations. Ces dernières doivent toutefois être utilisées à des fins légitimes sans altération de leurs contenus, et il faut qu’il n’y ait ni atteinte ni préjudice à l’intérêt général ou aux droits d’autrui[17]. Cependant, quelques jours avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, et en réponse aux instructions royales, suite au discours du roi du 21 mars 2018, pour mener à bien certains chantiers de réformes majeures, en particulier la simplification des procédures d’investissement, le Maroc a adopté la loi n° 55-19[18] relative à la simplification des procédures et des formalités administratives.
Cette loi est entrée en vigueur le 28 septembre 2020, après publication de son décret d’application n° 2-20-660 le 21 septembre 2020[19]. Elle constitue un levier pour la réforme de l’administration marocaine et pour l’amélioration de la qualité des services rendus aux usagers[20]. Dès lors, ce texte fixe les principes généraux et précise les règles régissant les procédures administratives. Il les encadre par des délais maximums, et instaure le droit de recours conféré aux usagers. Il engage la digitalisation des procédures administratives favorisant l’interopérabilité et l’échange d’informations, de documents et de pièces administratifs entre les administrations.
En matière de cyber-sécurité la législation s’est intensifiée au niveau international au cours des dernières années, ce qui impose un ordre juridique national qui réglemente la transformation digitale de l’administration publique marocaine, et qui renforce la sécurité des systèmes d’information des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements et des entreprises publics et de toute autre personne morale de droit public de l’État, ainsi que des infrastructures d’importance vitale disposant de systèmes d’informations sensibles[21].
Ces efforts ont donné naissance à la loi n° 05-20[22] relative à la cyber-sécurité. Ce texte prévoit la mise en place d’un cadre juridique contraignant fournissant aux entités un socle minimal de règles et de mesures de sécurité afin d’assurer la fiabilité et la résilience de leurs réseaux et des systèmes d’information de l’administration marocaine. Ces règles comprendraient notamment la mise en œuvre des mesures techniques et organisationnelles pour gérer les risques cyber et pour éviter les incidents susceptibles de porter atteinte aux systèmes d’information des entités.
Enfin, au regard de l’accélération du rythme de la transformation digitale en pleine crise sanitaire, est promulguée la loi n° 43-20, relative aux services de confiance, pour les transactions électroniques, constituant un appui important au processus de la digitalisation de l’administration publique et à la cyber-sécurité au Maroc[23]. Ce texte de loi permet le renforcement de la confiance des usagers des services publics, en particulier grâce à deux avantages majeurs, à savoir la simplification des dispositifs tels que la mise en place de plusieurs niveaux de signatures électroniques plus adaptés aux enjeux de sécurité liés à chaque type de transactions électroniques et la certification des identités électroniques par des prestataires de services de confiance qualifiés selon plusieurs régimes.
Cet arsenal juridique qui offre un cadre légal à la transformation digitale de l’administration publique, au Maroc, a été renforcé par un certain nombre d’instances, dont la finalité est de contrôler la bonne application de ces dispositifs juridique. Ainsi, a été créée la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), par la loi n° 09-08 du 18 février 2009, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel[24]. Cette instance est chargée de vérifier que les traitements des données personnelles sont licites, légaux et qu’ils ne portent pas atteinte à la vie privée, aux libertés et aux droits fondamentaux de l’homme.
Une autre instance a vu le jour, deux ans après la CNDD, il s’agit de la direction générale de la sécurité des systèmes d'information (DGSSI), dont le rattachement a été confié à l'administration de la défense nationale du royaume du Maroc. Cette direction, qui a été instaurée par le décret n° 2-11-509, du 21 septembre 2011 (DGSSI), a pour but d’une part d’évaluer les risques pesant sur les systèmes d'information au sein des administrations, des organismes publics et des infrastructures d'importance vitale, et d’autre part de protéger et de défendre les systèmes d'information des administrations, des organismes publics et des infrastructures d’importance vitale ainsi que la promotion de la coopération internationale.
En dernier lieu, l’Agence de développement du digital (ADD) a vu le jour le 14 septembre 2017, en vertu de la loi n° 61-16 portant sa création[25]. L’ADD est chargée de proposer au gouvernement les orientations générales à suivre dans le développement du digital. En ce sens l’ADD a élaboré, en 2019, une stratégie nationale pour développer la transition digitale à l’horizon 2025. Cette stratégie se fixe plusieurs objectifs pour opérer une révolution digitale du Royaume, avec comme objectif d’ériger le Maroc en tant que hub digital et technologique de référence au niveau africain, tout en transformant les interactions avec l’administration publique, via la digitalisation de bout en bout des parcours citoyens-entreprises prioritaires, permettant d’améliorer la satisfaction des citoyens et de ces entreprises vis-à-vis des services rendus par l’administration dans ce cadre.
Le recours à la digitalisation des services publics a été entrepris par le royaume il y a plus d’une vingtaine d’années. La dynamique de la transformation digitale a été accentuée par les effets de la crise sanitaire du Covid-19. Ce contexte pandémique était une opportunité pour que l’administration publique marocaine s’acclimate avec la tendance de digitalisation du service public et adopte une approche numérique de ses services auprès de ses usagers, en l’occurrence la justice qui prône une digitalisation assez discutée entre adeptes et opposants.
II. La digitalisation du système judiciaire, le paradigme de l’efficience et des contraintes
De nos jours, la normalisation de la digitalisation des services publics, est devenue une nécessité pour améliorer la qualité de la relation de l’administration et des usagers et restaurer le corollaire de la confiance. Cette confiance ne peut être présente qu’à travers la simplification des procédures administratives, un accès équitable des usagers qui favorise un service public de proximité, et une transparence des établissements publics. Comme la plupart des pays du monde, le royaume du Maroc a fait un choix stratégique d’accéder au club des « Smart Nation [26]», en intégrant à ses politiques publiques les atouts apportés par les TIC. Ce processus de transformation digitale des secteurs stratégique du royaume, n’a pas épargné le système judiciaire, symbole par excellence de la souveraineté de l’Etat de droit.
Cette digitalisation du système judiciaire, au Maroc, a été accentuée lors de la pandémie du coronavirus, par la mise en place des plates-formes numériques pour assurer la continuité du service public et notamment de l’activité judiciaire. D’ailleurs, la pandémie de COVID-19 a souligné combien la connectivité numérique est rapidement devenu la métrique mondiale de l’inclusion et de l’exclusion du citoyen[27]. Cette pandémie du Covid-19 était un levier incontournable pour accélérer la transformation digitale de la justice, et marque une nouvelle phase de l’activité judiciaire qui se matérialise par une disruption avec le corpus de certains procédés judiciaires traditionnels et classiques[28].
Le paradigme de ces procédés qui se digitalise depuis la crise sanitaire, grâce à l’effet levier qu’offrent les TIC, permet un service public judiciaire digital, équitable, simplifié, fiable et adapté au nouvel ordre imprégné par des usagers d’une culture numérique dynamique (A). Pourtant, ce choix de digitalisation du quotidien des justiciables, des praticiens et des autres acteurs de la justice au Maroc, impose des contraintes et entraîne des défis de sauvegarde des grands fondements d’une justice équitable, d’une justice de proximité et d’une justice citoyenne... (B).
A. Le système judiciaire en mode digital
Les obstacles à l’accès à la justice, les surcharges des juridictions et la lenteur des procédures… ont toujours été parmi les causes qui animent les débats qui portent sur la modernisation du système judiciaire. Or, durant la pandémie Covid-19 le processus de modernisation de l’appareil judiciaire s’est vu brusquement imposé par l’intégration des TIC dans l’administration du système judiciaire.
En ce sens, la digitalisation de la justice s’accélère et constitue un contre-point qui détonne par l’originalité de son approche numérique et par sa dimension pluridisciplinaire. Cette transformation digitale de la justice, qui ouvre la voie au tout puissant numérique, et qui nourrit la nouvelle notion de cyber-justice, peut être appréhendée en matière de la numérisation de la procédure judiciaire, et par un mode virtuel de déroulement du procès[29].
En effet, la digitalisation des procédures judiciaires n’est pas si nouvelle puisque de nombreux systèmes judiciaires avaient déjà admis certaines technologies pour des procédures bien précises en particulier, la signature électronique, la communication électronique des actes de procédure, la gestion électronique des procédures et la numérisation des dossiers judiciaires. La mise en place d’un service de greffe numérisé, un bureau d’ordre digital[30], permet aux professionnels et aux acteurs judiciaires d’accomplir certaines procédures en ligne. La saisine numérique du greffe est possible pour le dépôt d’un cautionnement en matière pénale, ainsi que le paiement des frais judiciaires.
Au Maroc, ce processus de digitalisation recouvrera aussi les convocations au tribunal. Alors qu’aujourd’hui, elles sont transmises par un agent du greffe, par un huissier de justice, par une lettre recommandée avec accusé de réception ou par la voie administrative, le projet de loi, relative à la modification de la loi n° 22-01 portant Code de procédure pénale marocaine[31], prévoit la possibilité d’adresser les convocations aux parties, non seulement par voie électronique, mais aussi par tout autre moyen, ce qui ouvre la voie aux convocations par téléphone par exemple. En outre, dans une perspective de transparence, de lisibilité, d’accessibilité à l’information et de prise de connaissance de l’évolution des dossiers judiciaires, la numérisation des documents judiciaires est devenue un acquis de cette transformation digitale de la justice.
Le Maroc a lancé officiellement quatre nouvelles prestations numériques en vue de faciliter l'accès des usagers, des praticiens et des acteurs judiciaires. Cet ensemble de services porte sur quatre volets du système judiciaire, en particulier en matière de communication : un service de centre d’appels a été créé visant à assurer une communication efficace entre les usagers et tous les acteurs du système judiciaire et ce, en les orientant vers les différents services fournis par le ministère de tutelle. La demande du casier judiciaire électronique est désormais à la portée des usagers, un service qui a été développé et renouvelé en fonction des exigences des usagers des tribunaux, et ce à travers la digitalisation du circuit de dépôt de demande et de retrait du document.
Le ministère de la Justice et des Libertés a également lancé le portail référentiel électronique du personnel judiciaire, qui contient une base de données de tous les avocats, notaires, experts et traducteurs, entre autres, et qui permet aux citoyens et professionnels de justice de bénéficier d’une référence fiable et à jour. En matière de paiements en ligne, le ministère de la Justice et des Libertés a mis en place une plate-forme numérique qui permet le paiement électronique des amendes pour les infractions liées au Code de la route, détectées par les radars fixes, avec la possibilité de consulter les infractions enregistrées à l'aide de la carte d'identité nationale.
Le second volet de la digitalisation de la justice porte sur la virtualisation du procès judiciaire. Une procédure judiciaire virtuelle qui implique de porter le procès judiciaire vers un espace qui échappe aux vasques traditionnelles et aux halles des palais de justice. Le procès judiciaire virtuel ou à distance transforme et dessine un nouveau trait de caractère de la justice classique. Ainsi la délocalisation des audiences devient une étape irrévocable dans la transformation digitale de la justice et la gestion numérique des audiences du procès judiciaire, et commence à prendre corps dans certaines juridictions, plus particulièrement en matière pénale.
Il faut signaler qu’au temps de la crise sanitaire, alors que les juridictions administratives, commerciales et civiles étaient interrompues, les juridictions pénales n’ont pas cessé de fonctionner. Elles devaient continuer leur activité. Le premier procès virtuel par visio-conférence de l’histoire du Maroc s’est tenu le 27 avril 2020 à la juridiction répressive de Salé dans une affaire pénale, ce qui a poussé le législateur marocain à intégrer le recours à la vidéo-conférence dans le projet de loi portant modification de la procédure pénale, lors des procès judiciaires, comme étant une formalité adéquate et impérative qui garantit une certaine célérité et fiabilité à la justice. Le projet de loi évoque la création d’une plate-forme électronique officielle des audiences à distance afin de garantir et sécuriser les échanges dématérialisés des actes entre les avocats et les juridictions. Cette plate-forme abritera aussi une base de données dédiée à la notification électronique qui émettra un accusé de réception, qui est considéré comme un certificat de remise[32].
La transformation digitale du système judiciaire est de mise grâce à cette nouvelle ère numérique de l’administration publique dans sa globalité, et de la justice en particulier. Alors que les caractéristiques d’une justice digitale ne sont pas encore clairement définies et identifiées, notre réflexion conduit à développer des inquiétudes sur le risque que constitue ce paradigme de digitalisation de la justice. Il conduit à s’interroger sur les garanties et les perspectives esquissées par cette ère de transformation digitale par rapport au respect des droits et des libertés des justiciables et des principes fondamentaux d’une justice équitable[33].
B. Le paradigme de la digitalisation judiciaire : inquiétudes et perspectives
Le système judiciaire est un service public, lié à la souveraineté des États, et qui a toujours fait l’objet de nombreuses critiques notamment en matière d’accès à la justice, de retards de traitements des affaires imputables aux surcharges des dossiers traités, retards dus à la fois à des besoins matériels et à des carences en ressources humaines… tant de la part des justiciables que des acteurs du monde de la justice. Ces imperfections d’ordre institutionnel, fonctionnel, structurel… ont soulevé plusieurs débats entre jurisconsultes. Ces débats ont manifesté plusieurs approches doctrinales, qui varient en fonction des réalités sociojuridiques, des moyens budgétaires et du progrès des techniques d’information et de communication.
En effet, pour répondre à une modernisation du système judiciaire, les techniques d’information et de communication ont connu, depuis plus d’une vingtaine d’années, une mutation profonde de la sphère judiciaire, conduisant ainsi à une révolution numérique de la justice[34]. Cet essor numérique de la justice, tant souhaité, se manifeste par une transformation digitale du système judiciaire suscitant autant d’opportunités que d’inquiétudes, et qui a été lancée et accélérée en 2020, à cause du déclenchement de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. De toute évidence, ce processus de transformation de la justice permet, au-delà de la simplification des procédures judiciaires en matière d’accès, d’organisation et de fonctionnement, de mettre en évidence certaines inquiétudes et contraintes liées à la digitalisation de la justice par la numérisation de la procédure judiciaire et la virtualisation du procès judiciaire.
Par ailleurs, la digitalisation du système judiciaire implique sa migration vers un mode virtuel abstrait. Pourtant la justice s’identifie autant à des rituels processuels qu’aux décors des palais de justice[35]. Cette transformation digitale de la justice risque de nous imposer une justice abstraite assistée par ordinateur. Ce risque implique que les compétences informatiques (le matériel) viennent limiter, voire remplacer les acteurs de la justice (le capital humain). Cette inquiétude d’une diminution des compétences pourrait conduire ces acteurs à ajouter à leurs compétences traditionnelles de nouvelles compétences, leur permettant de maîtriser les techniques d’informations et de communications[36]. La virtualisation du procès judicaire illustre l’interaction de la justice conventionnelle classique et les TIC, au moyen du système sécurisé de visioconférence qui dénature le rituel de l’audience et appauvrit radicalement la dynamique des plaidoiries.
Pour ce qui est du respect des principes fondamentaux qui régissent tant les règles substantielles que procédurales de la gouvernance du procès judiciaire, nous évoquerons deux inquiétudes qui animent notre réflexion, notamment une exclusion judiciaire et une forme de privatisation de la justice. En effet, en l’absence d’outils numériques développés par les autorités de tutelles, considérés comme moyens nécessaires de la transformation digitale du système judiciaire, d’autres acteurs du secteur privé y trouvent refuge.
Ces acteurs envahissent l’écosystème judiciaire. Ils constituent la communauté des Legaltechs[37]. Ils permettent des solutions numériques pour ce qui est des supports (documents numérisés), et des solutions digitales pour ce qui est des processus (procédures automatisées) ou de la relation avec les professionnels du droit (avocat, notaire, huissier de justice, expert…). Ils créent un monopole de cette transition numérique et digitale de la justice. Ce monopole de ces Legaltechs, même certifiées, suscite un risque de dépendance par leur prise de contrôle de l’administration du système judiciaire conventionnel, dans la mesure où les solutions numériques proposées rendent disponible et facile l’accès par les justiciables et les professionnels de droit[38]. Ce remplacement des acteurs juridiques et judiciaires traditionnels par un autre personnel indépendant, impacte et redéfinit le rôle des acteurs de la vie judiciaire et renvoie à une justice de type systémique dont les pratiques et le mode opératoire ne correspondent pas aux normes découlant de la volonté commune à l’origine de la règle de droit[39].
Une autre inquiétude née de cette transformation digitale de la justice concerne la fracture numérique qui entraîne des différences plus ou moins marquées quant à l’utilisation des techniques d’informations et de communications. Le processus de digitalisation du système judiciaire ne prend pas en considération les difficultés d’accès et le degré de maîtrise des TIC par certains usagers du service de la justice (justiciables et professionnels…), créant un système judiciaire à deux vitesses[40], avec d’un côté les justiciables connectés qui pourront accéder et de l’autre les justiciables non connectés qui en seront d’office exclus. A cette première exclusion due à l’inaccessibilité matérielle, s’en ajoute une seconde qu’engendrent la connaissance et la maîtrise numérique des justiciables.
Ceci étant, quelles que soient les inquiétudes et les critiques suscitées par les modalités actuelles de cette transformation digitale de la justice, en particulier au Maroc, il est possible de concevoir un système judiciaire automatisé loin de tous risques ou dérives, dans une perspective d’humanisation des rapports entre les différents acteurs de l’appareil judiciaire, afin de préserver les fondements d’une justice fiable et équitable, tout en assurant la transparence, la fiabilité et la sécurité des outils et de la structure numérique nécessaires à la transformation digitale de la justice.
En outre, le processus de transformation digitale de la justice doit garantir aux justiciables le droit d’accès aux différentes juridictions. Cela suppose que les procédures judiciaires digitalisées doivent être accessibles et facilement actionnables, afin réduire les distances entre les justiciables et la justice. Ce processus de digitalisation de l’appareil judiciaire doit être pensé et instauré comme un outil d’assistance aux magistrats et d’aide à la prise de décision judicaire, au même titre que le recours aux expertises est censé faciliter et éclairer les décisions. Ceci dit, cette transformation digitale de la justice n’aura pas vocation à supplanter les magistrats dans leur prise de décision[41].
Une autre perspective qui se projette par cette réflexion conduit à se demander à quel point cette digitalisation de la justice doit garantir l’impartialité et l’indépendance du corps des magistrats, et éloigner tout contrôle du numérique, par les processus du codage et d’algorithmes[42]. Le principe du contradictoire[43] marquera notre débat. Il est considéré comme le fondement du procès équitable, et doit être garanti et affirmé dans la mesure où la transformation digitale du système judiciaire ne permet pas de matérialiser le débat contradictoire.
Cette ère digitale de la justice ne doit pas évincer les fondamentaux structurant le système de judicature ni bafouer les droits, les libertés et la vie privée des justiciables. À cet effet, par précaution de transparence numérique, ce qui impose une obligation d’information et d’explication, les outils et les structures digitales doivent être conçues et développées en respectant les dispositions de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement automatique des données à caractère personnel.
Enfin, cette expérience de digitalisation de l’appareil judiciaire a démontré que la réussite de ce processus ne tient pas au seul volet des TIC. L’interaction entre le justiciables (êtres humains), les processus et les technologies requièrent un capital humain avec des compétences appropriées et une approche institutionnelle accompagnée par un cadre réglementaire et légal et des contenus de qualité avec une facilité d’accès à la justice.
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Nul ne peut nier que la transformation digitale de l’appareil judiciaire a pris un élan important au cours des deux dernières décennies. La crise sanitaire du Covid-19 en a amplifié la cadence et le rythme. Dans ce contexte assez particulier mêlant crise sanitaire et digitalisation des services publics, en particulier de la justice, le Maroc a su traverser et négocier au mieux la pandémie, en adoptant une stratégie de digitalisation des services publics, une stratégie de disruption avec l’offre conventionnelle de service public qui se fonde sur une forte capacité à numériser les dossiers et à digitaliser les procédures administratives, notamment judicaires.
Il est donc très difficile d’avancer un diagnostic de la situation ou de détecter les effets de ce processus de digitalisation du système judiciaire, a fortiori d’en évaluer réellement l’intérêt et l’efficacité. La transformation digitale de la justice ne diminue en rien le volume des documents et le temps nécessaire pour une procédure judiciaire, afin de clôturer le procès judiciaire. Ce n’est pas parce que les piles de dossiers ne sont plus entreposées dans les couloirs que les affaires seront résolues.
Ceci étant, dans un contexte de digitalisation du système judicaire, la décision de justice -finalité recherchée derrière chaque procès judicaire- constitue un résultat appuyé par des données objectives et par des argumentations. Le contexte impose une culture du numérique chez tous les professionnels de l’appareil judiciaire et des justiciables, une meilleure résilience des infrastructures, une cybersécurité et une confiance numérique renforcées par un ordre juridique en vue de protéger la vie privée des justiciable et de garantir leurs droits et leurs libertés.
A partir de tout ce qui précède, il ne s’agit donc pas, dans cette réflexion, de prendre parti sur la nécessité et le contenu d’une transformation digitale de la justice au Maroc ou ailleurs, mais seulement de relever certaines inquiétudes qui peuvent compromettre ce chantier national de transformation digitale et d’évolution du service public en général, d’une part ; et de voir en quoi la transformation digitale peut être une opportunité pour moderniser le système judiciaire, de manière à répondre aux attentes des justiciables en préservant les fondements du procès équitable, d’autre part.
[1] L'expression « technologies de l'information et de la communication » désigne une combinaison d'informatique et de télécommunications. Elle s'est plus spécialement répandue dans le contexte du réseau internet et du multimédia, c'est-à-dire de l'information audiovisuelle numérisée (images et sons, par opposition aux données de type texte et chiffres, moins volumineuses, qui constituaient l'essentiel des données transitant par les réseaux jusqu'au développement du web et du protocole http). Alexis BAUMANN et Serge BRAUDO, Dictionnaire du droit privé, 2022.
[2] Isabelle COMPIEGNE, La société numérique en question(s), Petite bibliothèque, Éd. Sciences humaines, 2010, p. 2.
[3] On entend par « transformation digitale » les changements culturels, organisationnels et opérationnels d’un système ou d’une organisation grâce à une combinaison adéquate des progrès technologiques apportés par la « révolution numérique », Avis du Conseil économique, social et environnemental, 121e session ordinaire 29 avril 2021, p. 10.
[4] Stéphane MAILLARD, Disruption – Intelligence artificielle, fin du salariat, humanité augmentée, Éd. Dunod, 2020, p. 4.
[5] Le Maroc a mis en œuvre plusieurs stratégies et programmes en vue d’accélérer sa transformation digitale à savoir : le Maroc Numeric 2013 et le Maroc Digital 2020. Le Royaume s’est doté d’instances spécialisées en la matière dont l’Agence du développement du digital (ADD) et la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP).
[6] Ainsi, le « digital » renvoie plutôt au tactile et à l’expérience que l’utilisateur en retire tandis que le numérique vise une technologie numérique appliquée à l’objet en lui-même. Le terme numérique, souvent opposé à l’analogique, consiste à traiter une information sous une forme codée en nombres. Ce terme englobe non seulement l’informatique, mais plus largement les télécommunications (téléphone, radio, télévision, ordinateur…). Le terme digital, du latin « Digitus » qui veut dire doigt (tracé digital, empreinte digitale…), fait référence aux appareils tactiles dont la manipulation se fait par le biais des doigts. Le terme digital est donc employé lorsque l’on parle des procédés qui améliorent l’expérience de l’utilisateur en proposant des solutions pratiques, souvent tactiles, et qui lui permettent de s’adapter à son environnement. Ainsi le digital renvoie plutôt au tactile et à l’expérience que l’utilisateur en retire tandis que le numérique vise une technologie numérique appliquée à l’objet en lui-même.
[7] Nielsen MORTEN MEYERHOFF, Services publics : une révolution numérique en marche, Éd. Informations sociales, 2022, p. 50.
[8] Abdelaaziz Ait Ali, Abdelhak Bassou et autres, La stratégie du Maroc face au Covid-19, avril 2020, Policy Papper, p. 7 et 20.
[9] Dahir n° 1-03-197 du 16 ramadan 1424 (11 novembre 2003), modifiant et complétant le Code pénal, Bulletin Officiel n° 5184, 5 février 2004.
[10] Dahir n° 1-07-129 du 19 Kaada 1428 (30 novembre 2007), Bulletin Officiel n° 5584 du 25 kaada 1428 (6 décembre 2007), p. 1357.
[11] Ensemble des procédés visant à crypter, via l'utilisation de codes secrets ou de clés de décryptage, des informations pour en assurer la confidentialité entre l'émetteur et le destinataire.
[12] Cette loi, même si elle offrait un cadre juridique pour la signature électronique, a souvent été critiquée pour plusieurs lacunes. Il s'agit entre autres : -des carences au niveau du régime probatoire, jugé rigide et inadapté aux transactions commerciales courantes passées à distance ; -d'une loi qui se limitait à la signature électronique, desservie à l'époque par Barid Al-Maghrib comme seul prestataire de confiance reconnu dans le pays ; -d'un régime juridique jugé complexe avec plusieurs ambiguïtés, en raison du caractère purement technique de la loi en question ; -d'une loi qui ne définit pas d'organe de contrôle.
[13] L’article 1er de la loi n° 09-08 définit les données à caractère personnel comme étant toute information de quelque nature qu’elle soit et indépendamment de son support, y compris le son et l’image, concernant une personne physique identifiée ou identifiable. En droit français, selon l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi du 6 août 2004, et par les articles 9 et 10 du règlement européen (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, sont considérées comme des données à caractère personnel l’ensemble des informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable, directement ou indirectement, par référence à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Figurent parmi les données à caractère personnel : -les données à caractère personnel relatives à l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l'appartenance syndicale ainsi que les données génétiques, les données biométriques, les données concernant la santé ou concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle ; -les données relatives aux infractions sont quant à elles, au sens du règlement général sur la protection des données, les données relatives aux condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes.
[14] Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009), Bulletin Officiel n° 5714 du 7 rabii I 1430 (5 mars 2009).
[15] Afin de faciliter sa reconnaissance par l’Union européenne, le législateur marocain s’est grandement inspiré des textes communautaires et en particulier français en la matière. On retrouve ainsi dans ce texte les mêmes principes que dans ses homologues européens : -un traitement des données à caractère personnel doit avoir une finalité précise, à laquelle il convient de se tenir, et une durée de mise en œuvre limitée, en fonction de la finalité ; un strict principe de proportionnalité doit ainsi être respecté : -seules les données permettant l’atteinte de la finalité fixée doivent être manipulées ; -les traitements doivent faire l’objet d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation, en fonction de leur confidentialité ; -ils doivent être sécurisés, en particulier pour éviter tout vol ou fuite des données ; -ils doivent être mis en œuvre en toute transparence. Les personnes concernées doivent être informées et ont un droit de regard sur l’utilisation de leurs données.
[16] Dahir n° 1-18-15 joumada II 1439 (22 février 2018), Bulletin Officiel n° 6670 du Chaabane 1439 (mai 2018), p. 1142.
[17] D’autres lois ont été adoptées dans une optique répressive, à savoir : -la loi n° 132-13 portant approbation du protocole additionnel à la convention européenne pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel promulguée par le dahir n° 1-14-136 du 3 chaoual 1435, Bulletin Officiel (31 juill.2014) n° 6288, 4 septembre 2014) ; -la loi n° 88-13 promulguée par le dahir n° 1-16-122 du 6 kaada 1437 (10 août 2016), relative à la presse et à l’édition, Bulletin Officiel n° 6522, 1er décembre 2016.
[18] Dahir n° 1-20-06 du 11 rejeb 1441 (6 mars 2020), Bulletin Officiel n° 6866 du 6 mars 2020.
[19] Mis en œuvre par l’arrêté conjoint du ministre de l’Intérieur et du ministre de l'Economie et des Finances et de la Réforme de l'administration, n° 2332-20, 02 octobre 2020.
[20] D’autres circulaires ont été émises au sujet de l’application de la loi n° 59-19, à savoir : -la circulaire du ministre de l’Intérieur n° D 27 94 en date du 21 avril 2021 au sujet de l'application des dispositions de la loi n° 55-19 relative à la simplification des procédures et des formalités administratives ; -la circulaire du chef du gouvernement n° 20-2020 du 24 décembre 2020.
[21] Le Maroc s’est engagé depuis 2011, sous la conduite du roi, sur la voie du renforcement de ses capacités nationales de sécurité des systèmes d’information et de la consolidation de la confiance numérique. Dans la continuité des actions ainsi entreprises, le Royaume s’est doté en 2012 d’une Stratégie nationale de cybersécurité et d’une directive nationale de la sécurité des systèmes d’information applicable depuis 2014 aux administrations et aux organismes publics. Pour accélérer la montée en puissance de ce dispositif, l’administration de la défense nationale (ADN) a également élaboré en 2016 un décret fixant le dispositif de protection des systèmes d’informations sensibles (SIS) des infrastructures d’importance vitale. Ce texte a été complété par l’élaboration en 2018 d’un arrêté du chef du gouvernement fixant les critères d’homologation des prestataires d’audit des SIS des infrastructures d’importance vitale et les modalités de déroulement de l’audit.
[22] Dahir n° 1-20-69 du 4 hija 1441 (25 juillet 2020) portant promulgation de la loi n° 05-20 relative à la cyber-sécurité, Bulletin Officiel nº 6906 – 16 hija 1441 (6-8-2020), p. 1294.
[23] Dahir n° 1-20-100 du 16 joumada I 1442 (31 décembre 2020), Bulletin Officiel nº 6970 du 4 chaabane 1442 (18 mars 2021), p. 535.
[24] La CNDP assure une mission d'information et de sensibilisation auprès des individus des organismes et des institutions publiques et privées. A cet effet, elle veille à : informer les personnes physiques sur les droits que leur confère le nouveau cadre juridique réglementant l'utilisation de leurs données personnelles au Maroc ; conseiller et accompagner les individus en vue de se prémunir contre tout abus d'utilisation de leurs données personnelles ; sensibiliser les organismes publics et privés sur leurs obligations et les meilleures pratiques en matière de traitement des données personnelles ; conseiller et accompagner les responsables de traitement dans la mise en œuvre du processus de conformité aux dispositions de la loi n° 09-08 et de ses textes d'application ; expliquer aux opérateurs économiques les règles et les mécanismes régissant le transfert des données personnelles à l'étranger.
[25] Promulguée par le dahir n° 1-17-27, Bulletin Officiel n° 6604 du 14 septembre 2017.
[26] Une notion protéiforme qui donne un aperçu des transformations digitales de l’administration publique et de l’émergence du numérique dans les services publics par le déploiement des TIC.
[27] Achim STEINER, Stratégie Numérique : 2022-2025, Programme des Nations unies pour le développement : PNUD, Digital-PNUD, 2022, p. 3.
[28] Antoine GARAPON et Jean LASSEGUE, Justice digitale : révolution graphique et rupture anthropologique, Paris, Presses Universitaires de France-Humensis, 2018, p. 19‑165.
[29] Dirk DRAHEIM, On the narratives and background narratives of e-government, Proceedings of the 53rd Hawaii International Conference on System Sciences, IEEE, 2020 p. 2114–2122.
[30] La circulaire n° 2/2020 en date du 1er avril 2020 du ministère de l’Économie et des Finances, a permis la création du premier bureau d’ordre digital, au Maroc, qui permet aux citoyens, aux entreprises, aux administrations et aux organismes publics de déposer ainsi leurs courriers pour les administrations concernées, en recevant un accusé de réception. Le portail du bureau d’ordre digital est accessible à partir du lien URL suivant : https://courrier.gov.ma/virtualbo/.
[31] Dahir n° 1-02-255 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002).
[32] Elle contiendra les adresses électroniques des avocats, des huissiers de justice et des experts, des administrations publiques et de toute partie qui le demande.
[33] Michael BOJANG, Embracing E-Government during the Covid-19 Pandemic and Beyond: Insights from the Gambia, 2020, p. 56.
[34] Loïc CADIET, L’open data des décisions de justice, Mission d’étude et de préfiguration sur l’ouverture au public des décisions de justice, 2017, p. 30.
[35] Antoine GARAPON et Jean LASSEGUE, Justice digitale et les risques de la justice prédictive, P.U. d’Aix-Marseille, 2021, p. 45-81.
[36] Cédric VILLANI, Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne,2018 , p. 120.
[37] Une « Legaltech » se définit comme une entreprise du numérique innovante, qui développe une offre de services juridiques dématérialisés aux professionnels, aux particuliers et aux entreprises. Il peut s’agir, à titre d’exemple, de fournir des documents juridiques personnalisés à ses clients, permettre en plus aux clients de contacter les avocats partenaires ; assurer une assistance en ligne ; aider à la création d'entreprise en ligne : SARL ou EURL, SAS ou SASU, microentreprises… ; fournir des guides juridiques consultables gratuitement sur le site…
[38] Paul JANUEL, « Les réticences du milieu judiciaire aux legaltech », Dalloz Actualité, 23 juillet 2019, p. 87.
[39] Antoine GARAPON et Jean LASSEGUE, ouvr. cité, p. 199.
[40] Alexandra BAHARY-DIONNE, « L’accès à la justice en contexte numérique : l’information juridique par et pour les justiciables sur les médias sociaux », Revue Windsor Yearbook of Access to Justice / Recueil annuel de Windsor d'accès à la justice, Volume 35, 2018, p. 337–362.
[41] Emanuel JEULAND, Intelligence artificielle et justice : une approche interhumaniste, Paris, LGDJ, 2019, p. 208-213.
[42] Jean-Benoît HUBIN, Hervé JACQUEMIN et Benoît MICHAUX, Le juge et l’algorithme: juges augmentés ou justice diminuée ?, coll. Collection du CRIDS, Bruxelles, Larcier Legal, 2019, p. 217.
[43] Le principe du contradictoire impose que les parties puissent débattre sur les différents éléments du litige ce qui, appliqué à la matière pénale, impose que les parties puissent débattre du bien-fondé des reproches formulés à l’égard de la personne mise en cause ou poursuivie (droit de prendre connaissance des éléments produits).